lundi 30 mars 2009

« Moi, Picasso » : génie et chaman

Depuis son adieu clame Liberté


Par Cristina Castello*





(article en version française et version originale espagnole)

Le « Guernica »— cet extrait d’univers sans colombes
Le « Guernica »— cet extrait de sang, révolte et pleurs


« Moi, Picasso » était sa phrase favorite. Il était un désespéré par la vie et l'a ravagé. Il n'a pas eu de limites. Ni pour créer, ni pour infliger. Pas plus pour boire, l'art, l'alcool et les bordels; non plus pour se retirer du monde, accéder au silence, s'y enfermer et créer. Le 8 avril s'accompliront les trente-six ans de son adieu (à Dieu ?). Aujourd'hui il crie, gémie, exhorte et résiste depuis le « Guernica », son chef-d’œuvre. Depuis ce tableau qui est histoire, qui a écrit l'Histoire, et qui est emblème de liberté, « Moi, Picasso » continue d'alerter les innocents de la Terre. Dans le cœur de ce monde tremblant, sa clameur picturale et vitale a aujourd'hui, toujours plus d’entité.

Enfant prodige, surdoué; communiste, pacifiste, ou bourgeois. Tendre et cruel; un ami et un traître ... cette fois. Bien qu'il ait brûlé dans son feu, il en sortait toujours indemne, Il calcinait les autres. Aux femmes. Les femmes étaient ses déesses, mais aussi, « tampons à récurer et « machines pour souffrir ». Ses yeux exorbitaient les destins. La mort l'a entouré et la vie l'a embrassé, jusqu'à ses 91ans, quand il nous a laissés. Qui fut-il : Éros ou Thanatos ?

Il était un génie un chaman ; le plus grand artiste du XX e siècle et jusqu'à présent sans comparaison. Peintre, sculpteur, graveur, dessinateur, son œuvre a été décisive pour le développement de l'art, pour la conception graphique, la bande dessinée. Il a gagné un argent incalculable ; pendant que d’autres artistes mouraient de faim, lui vivait dans des châteaux et, quand ses œuvres en débordaient, il ne les vendait pas : il en achetait d'autres.

Il se déclarait pacifiste et il a été membre du Parti Communiste Français, jusqu'à son adieu. Mais bien que l’œuvre du Picasso de 20 ans, reflète le chagrin des excommuniés de l'humanité, celui des corps engloutis, et celui des aveugles, il n'a ensuite guère montré explicitement un compromis avec la douleur universelle. Jusqu'à ce que le démon nazi allié à un autre maître des enfers— le Généralissime espagnol Francisco Franco — se soit hissé dans les oiseaux meurtriers. Les avions-oiseaux qui ont bombardé la ville basque de Guernica, le 26 avril 1937, et la mort déposa ses œufs dans la blessure. Oh ! Rossignol de ses veines ! (García Lorca).

(Guernica)

Le chaman Picasso a réagi immédiatement en faveur des républicains. Gonflé de colère et pléthorique d'art, il a peint le célèbre « Guernica ».

Le « Guernica »— cet extrait d’univers sans colombes. Le « Guernica »— cet extrait de sang, révolte et pleurs, à partir desquels il y a un avant et un après. Un avant et un après pour la peinture ; un avant et un après —où il devrait exister— dans les consciences de ceux qui regardent ces trois mètres de hauteur et huit de longueur, d'art, fureurs et piété.

Avec cette peinture, rien de plus —et rien de moins— n’aurait été davantage probant, pour la gloire du génie.

Le « Guernica » est un plaidoyer contre la guerre, contre le terrorisme franquiste et contre tout fascisme. La violence, les mères, les femmes, la maternité, la sexualité, palpitent dans cette œuvre, comme un portrait de l'effroi. Des fragments de vie et de mort, sont de petites images de la grande image d'un chaos organisé, dans l'œuvre suprême qui exige Liberté.

D'un langage pictural surprenant, c'est le travail d'un maître de la composition qui révèle, en même temps, le regard innocent d'un enfant.

Il en a été ainsi de Pablo Picasso. Petit, il peignait comme un adulte, et dans sa maturité, il a retrouvé son regard enfantin : « Depuis mon plus jeune âge je peignais comme Raphaël, et j’ai mis toute une vie pour apprendre à dessiner comme un enfant ». Certes, il n'est pas facile de recouvrer l'innocence.

Mais il n'a jamais été seul pour chercher son regard vierge ; un an avant de mourir, quand il avait déjà 90 ans, il a dit que la mort avait été la seule femme qui l’ait toujours accompagné. Et alors, les treize déesses « officielles » qui ont été ses tampons à récurer et qui l'ont aimé, toutefois, parfois même jusqu'au suicide… Qu'ont-elles fait ?


Animal en rut

Il a voulu être libre comme la mer, et il s’est maintenu esclave de sa soif vers tout et vers toutes. Comme un animal en rut, il avait la nécessité des femmes, avec la même puissance par laquelle il les cajolait d'abord, et les maltraitait ensuite. Il était désespéré par les belles adolescentes, il voulait éprouver toute forme de sexe, se noyer de passion pour en mieux émerger. Tant qu’il a même été soupçonné d'homosexualité par le romancier Norman Mailer. Ça alors ! Quel « crime » !

Il peignit « Le Picador » à la Corogne à l’âge de quatre ans. À son dixième automne, il tomba amoureux de Carmiña ; elle est « l’enfant aux pieds déchaussés », tableau que « Moi, Picasso » a conservé jusqu'à son adieu.

Haletant de désir et torride de délectations, de là, dans tous ses amours –savait-il aimer ?— ils sont devenus peintures. Par ses étapes : bleue, rosée, cubiste, celles proches du surréalisme, l’expressionnisme, celles des masques africains — par toutes, après Carmiña— ont défilé beaucoup de femmes. La célèbre chanteuse Josefa Sebastiá— «La Chelito»; celles qui ont surgi des aventures, résultat de la fréquentation des cabarets de Paris, Barcelone et Madrid et plus…. Jusqu'à ce que Fernande Olivier soit arrivée, lui soit arrivé.

(picasso - lithographie pour Geneviève Laporte, son amour secret)

Avec elle, ils ont vécu ensemble dans le quartier de Montmartre, à Paris, mais il s'est échappé du foyer pour en créer un autre avec Ève Gouel qu'il nommait « Ma Jolie ».

1917 lui fit don d’Olga Koklova, danseuse du Ballet russe, qu’elle a écarté au nom de l’amour ; Pablo Ruiz Picasso, tel était son nom, par rejet envers son père, commença à signer « Picasso ».

L’année suivante ils étaient mariés : la princesse a été la seule épouse de Picasso; dès lors, il s’est intégré à « la haute société » et il a mené sa vie comme un bourgeois. La Russe aristocratique, s'était présentée devant lui, hautaine :
—«Je Suis Olga Koklova, la nièce du Tsar», a-t-elle tonné comme si elle murmurait, alors qu’elle découvrait son décolleté des eaux séditieuses face à l’artiste assoiffé de toute soif.

Très belle du haut de son mètre 55, elle est apparue dans les œuvres de son époux comme niaise, obstinée, et insatisfaite. La réalité existe-t-elle ou existent-ils, les yeux qui la regardent ? Leur premier fils, Paulo, est né trois ans plus tard, et a contribué à dissimuler la fin de l'amour, qui était annoncé. De ses pitreries infantiles, il les réjouissait sur le sable de la Côte d'Azur, alors que la décadence du couple trouvait son apogée.

(Olga Koklova)

Comme si sa vie avait été un best-seller, l'histoire du Génie a aussi été signée par la tragédie. Paulo, envers lequel il avait toujours été indifférent, est mort d’une cirrhose, alcoolique. Et, par une perversion du destin, son petit-fils Pablito s'est suicidé le jour du décès de l'artiste, parce que Jacqueline Roque, son ultime compagne quelque peu dictatrice, ne l'a pas laissé entrer aux funérailles. Le petit Pablito a bu alors quantité d’eau de Javel, délaissant la Terre… Pour se rendre avec son grand-père, à Dieu ?

Picasso avait fumé de l’opium à Paris avec Apollinaire, Mirbeau, Lautrec et Modigliani. Ils cherchaient des graines de songes pour ensemencer l'aurore. Ils fumaient pour rêver. Et comme un rêve, Marie-Thérèse Walter est arrivée dans sa vie, alors qu’elle avait 17 ans et lui 46. C'était en 1927.

Le désir érotique se joignait au plaisir de l'aventure; le secret des rencontres était absolu, afin d’éviter tous problèmes avec la loi, liés à l'âge de l'adolescente. Quand naquit María Conception, Maia, fruit de leurs délectations, il quitta Olga. Puis à son tour, ce fût Marie-Thérèse, laquelle continua cependant à l’assister avec dévotion : elle lui coupait les ongles et les cheveux dans un strict ordre chronologique, car il redoutait les maléfices. Elle a écrit à son aimé durant trente ans ; et à la fin, lorsqu’il est mort, elle s’est suicidée dans la maison de Picasso sur la Côte d’Azur.

(La belle Dora Maar)

Les yeux verts de la photographe yougoslave Dora Maar, lui sont arrivés de la main de Paul Éluard et sa douce Nush, qui les ont présentés dans un café de Paris. Courant 1936 le chaman est tombé face à sa beauté et son intelligence. Mais… était-il tombé sous le charme de quelque chose ou de quelqu’un ?

Non, il a aussi déserté de ce regard émeraude, pour prendre la main de Françoise Gilot, en 1943, avec laquelle il a eu deux autres enfants : Claude et Paloma.

Dora, éblouissante et talentueuse, avait photographié toute l'étape du « Guernica », tandis qu'elle souffrait des scènes de jalousie, qui ont continué après la séparation. Chaque fois qu'il la trouvait avec un possible rival, il y avait des scandales monumentaux ; dans son délire, chaque femme portait la «marque Picasso » et à lui, elle était due. Dora a fini dans un asile, et est finalement devenue profondément religieuse.

C'est Jacqueline Roque, sa dernière femme, l'unique à avoir pu le dominer, bon... à peine; elle a essayé de l'isoler de ses amis, ses enfants et ses petits-enfants. Elle l'a accompagné jusqu'à la fin. Quelques années après la mort de Picasso —en 1973 à Mougins-France— un coup de feu a retenti, car elle ne trouvait pas de sens à la vie, sans lui.

(picasso et jacqueline roque, sa dernière femme)

Ils reposent ensemble dans les jardins du Palais de Vauvenargues —dans la Riviera Française —, que Picasso avait acheté mais où jamais il n'avait résidé. Tandis qu’il dévorait la vie, il avait à son insu préparé son tombeau.


L'art à bout portant

Presque toutes ses femmes ont écrit des livres sur lui. Mais quand Françoise Gilot, a publié « Ma vie avec Picasso », il n'a plus voulu voir leurs deux enfants, Claude et Paloma. La seule qu’il fréquentait parfois, c’était Maia, la fille de Marie-Thérèse, souvenez- vous. Déjà grande, elle reconnaissait que son père aurait souhaité garder avec lui toutes ses femmes. Comme un collectionneur, il les classait par couleur, forme et esprit. Tels des papillons.

Laquelle de ses femmes a-t-il le plus aimée ? En a-t-il aimé une, au-delà de son avidité à les posséder toutes ? Peut-être était-ce la plus secrète, la poète Geneviève Laporte. Plus jeune que lui de 40 ans, belle, raffinée, subtile. La relation a apparemment duré un lustre, mais il ne l'a jamais oubliée. Géneviève Laporte. « Je ne pourrai jamais être plus que tes pinceaux/être l’œuvre de tes mains /être en toi », il évoquait un fragment d’un des poèmes écrit pour lui.

(Geneviève Laporte, son grand amour)

Toutes, lui ont écrit des vers. Et lui aussi, écrivait, d’entre ses livres, la pièce de théâtre « Le désir saisi par la colle », est le plus connu. Il pouvait tout. Tout ?

Le poète Guillaume Apollinaire l'écoutait et l’accompagnait, avec l'affection des vrais amis. Curieuse vie: en 1911 son employé a dérobé quelques statuettes au Musée du Louvre et il les a vendues à Picasso. Apollinaire a été arrêté par la police française et le génie fût appelé à témoigner. Il a dit ne connaître aucunement le poète. Ce fut une trahison.

Et comment qualifier la réaction de Joan Miró, lorsqu’avec son épouse Pilar, il a reçu l’information de la mort du grand Maître ? « Pilareta —il s’en est réjoui — désormais le numéro un, c’est moi. » Chaque mot est un autoportrait : ici, celui de Monsieur Miró.

Pablo Picasso a laissé un empire et ses héritiers vivent autour de sa fortune ; hormis Paloma Ruiz Picasso, fille du peintre et de Françoise, qui a son propre empire de fragrances, bijoux et bourses. Son héritage de 30.000 millions lui a permis d’être propriétaire… d’un gratte-ciel et, avec son frère Claude, ils ont acheté l'île Petalious en Grèce, à laquelle ils ne vont presque pas. Elle aimait son papa : lui importait son intelligence et sa Bohème ; elle rit quand en racontant que —devant certains frais — la même réponse fusait toujours : « Crois-tu que tu es la fille de Rockefeller ? »

Picasso, Éros, Thanatos, ou les deux ? Peut-être aucun. Picasso était un génie, et les génies ne sont pas mesurés comme tout un chacun. Ils ont « le goût de l’Absolu », d’après Louis Aragon, bien qu’il ne les nomme pas. Ce sont des êtres pour lesquels rien n’est suffisamment « quelque chose ».

Même s'ils ont une vie sociale active, ils sont isolés. Ils ont besoin de se trouver dans la solitude, leur seul lieu possible. Savent-ils aimer ? L'art est un amant tellement exigeant qu'il veut l'homme tout entier, selon Miguel Angel Buonarroti. « Je ne pourrai jamais être plus que tes pinceaux », avait savamment compris Geneviève.

(picasso et françoise gilot)

Y a-t-il véritable espace pour un être de plus, dans la vie d'un génie ou d'un artiste ? Non, sauf si l’amant l’accompagne seulement comme « tampons à récurer » ; ou encore s’il est capable de ne pas perdre sa propre liberté intérieure, de conserver son propre monde, au lieu d’être subordonné au génie et se consacrer à la cérémonie de son adoration. Dans ce peu d'exceptions, la conduite de Johann Sebastian Bach, qui aurait eu une quotidienneté vraisemblable. Il n'y en a guère plus.

Même si transitent des ombres, ils sont gourmands de lumière. Ils ont la fureur de fouiller dans leurs propres fenêtres, vers l'intérieur, pour trouver ce nid céleste. Cette partie d'Infini qui justifie et explique l'art, pour vivre entre le ciel et la terre à l’aspiration d'éternité.

Le monde est aujourd'hui un boa dévorant de vies. Puisse Picasso, puisse le « Guernica » fleurir une fois encore le cœur de l'homme. Et que la Justice « brise ses loques grotesques de fourberie, s’échappe de la piste où les marchands du monde dirigent les destinées de l'homme, et à cette Justice, brigue le mot » (Léon Felipe).

*Cristina Castello est poète et journaliste demeurant entre Paris et Buenos Aires

http://www.cristinacastello.com/
http://les-risques-du-journalisme.over-blog.com/

* Cet article est libre de reproduction, à condition d'en respecter l’intégrité et d’en mentionner l’auteur.

* * *

(version originale espagnole)

«Yo, Picasso»: genio y chamán
Desde su adiós clama Libertad

El «Guernica»— ese extracto de universo sin palomas
El «Guernica»— ese extracto de sangre, rebeldía y llanto

Por Cristina Castello

«Yo, Picasso» era su frase favorita. Fue un desesperado por la vida y la arrasó. No tuvo límites. Ni para crear, ni para doblegar. Ni para beberse el arte, el alcohol y los burdeles; ni para encerrarse en silencio, para crear. El 8 de este abril se cumplen los treinta y seis años de su adiós (¿A Dios?). Hoy grita, gime, increpa y resiste desde el «Guernica», su obra maestra. Desde ese cuadro que es historia, que escribió la Historia, y que es emblema de libertad, «Yo, Picasso» sigue alertando a los inocentes de la Tierra. En el corazón de este mundo trémulo, su clamor pictórico y vital tiene hoy, aún más entidad.

Niño prodigio y superdotado; comunista y pacifista, o burgués. Tierno y cruel; amigo y traidor... aquella vez. Aunque ardió en su fuego, salió siempre ileso, él. Calcinaba a los otros. A las otras. Las mujeres eran sus diosas, pero también, «frazadas para limpiar pisos» y «máquinas para sufrir». Sus ojos desorbitaban destinos. Lo rodeó la muerte y lo abrazó la vida, hasta los 91, cuando nos dejó. ¿Quién fue: Eros o Tánatos?

Fue un chamán, un genio; el mayor artista del siglo XX y hasta ahora sin parangón. Pintor, escultor, grabador, dibujante, su obra fue decisiva para el desarrollo del arte, incluso para el diseño gráfico, la ilustración y el cómic. Ganó un dinero incalculable; mientras otros artistas morían de hambre, él vivía en castillos y, cuando sus obras los desbordaban, no los vendía: compraba otros.

Se declaraba pacifista y fue miembro del Partido Comunista Francés, hasta su adiós. Pero si bien la obra del Picasso de los 20 años, refleja el desconsuelo de los excomulgados de la humanidad, el de los cuerpos abismados, y el de los ciegos, después nunca mostró explícitamente un compromiso con el dolor universal. Hasta que el demonio nazi aliado a ese otro amo de los infiernos —el Generalísimo español Francisco Franco— se encaramó en pájaros asesinos. Pájaros-aviones que bombardearon la ciudad vasca de Guernica el 26 de abril de 1937, y la muerte puso huevos en la herida. ¡Oh ruiseñor de sus venas! (García Lorca).

El chamán Picasso reaccionó de inmediato en favor de los republicanos. Henchido de ira y pletórico de arte, pintó el célebre «Guernica».

El «Guernica»— ese extracto de universo sin palomas. El «Guernica»— ese extracto de sangre, rebeldía y llanto, a partir del cual hay un antes y un después. Un antes y un después para la pintura; un antes y un después —o debería haberlos— en las conciencias de quienes miran esos tres metros de alto y ocho de largo, de arte, furia y piedad.

Con esta pintura, nada más —y nada menos—, que está en el Museo «Reina Sofía» de Madrid, hubiera sido suficiente para la gloria del genio.

El «Guernica» es un alegato contra la guerra, contra el terrorismo franquista y contra todo fascismo. La violencia, las madres, las mujeres, la maternidad, la sexualidad, laten en esa obra, como un retrato del espanto. Fragmentos de vidas y muertes, son pequeñas imágenes de la gran imagen de un caos organizado, en la obra suprema que exige Libertad.

De un lenguaje pictórico sorprendente, es el trabajo de un maestro de la composición que revela, a la vez, la mirada inocente de un niño.

Así fue Pablo Picasso. De pequeño pintó como un adulto, y recién en su madurez, recuperó su mirada de infante: «Desde niño pintaba como Rafael, y me llevó toda una vida aprender a dibujar como un niño». Cierto, no es fácil recuperar la inocencia.

Pero nunca estuvo solo para buscar su mirada virgen; un año antes de morir, cuando tenía ya 90, dijo que la muerte fue la única mujer que lo acompañó siempre. Y entonces, las trece diosas «oficiales» que fueron sus frazadas para limpiar pisos y que, sin embargo, lo amaron incluso hasta el suicidio... ¿Qué hicieron?

Animal en celo

Quiso ser libre como el mar, y resultó esclavo de su sed hacia todo y hacia todas. Como un animal en celo, necesitaba de las mujeres, con la misma potencia con que las mimaba primero, y maltrataba después. Se desesperaba por las adolescentes, quería probar toda forma de sexo, ahogarse de pasión para mejor emerger. Si hasta fue sospechado de homosexual por el novelista Norman Mailer. ¡Vaya «delito»!

Después de haber pintado «El picador», en La Coruña a los cuatro años, se enamoró de Carmiña. Él tenía diez octubres; ella es «La niña de los pies descalzos», cuadro que el Maestro conservó hasta su adiós.

Jadeante de deseo y tórrido de delectaciones, de allí en más todos sus amores —¿sabía amar?— se convirtieron en pinturas. Por sus etapas: azul, rosa, cubista, la de cercanía al surrealismo, la expresionista, las de las máscaras africanas —por todas, después de Carmiña— desfilaron muchas de sus mujeres. La cupletista célebre Josefa Sebastiá— «La Chelito»; las que surgieron de aventuras, producto de la frecuentación de cabarés de París, Barcelona y Madrid y más.

Hasta que llegó —le llegó— Fernande Olivier. Con ella convivió en el barrio de Montmartre, en París, pero se escapó del hogar para crear otro con Eva Gouel, a quien llamaba «Ma Jolie» («Mi Linda»).

1917 le regaló a Olga Koklova, bailarina del ballet ruso, al que abandonó por Don Pablo Ruiz Picasso, llamado así hasta que —por rechazo hacia su padre— comenzó a firmar sólo son el apellido de su mamá. Al año siguiente se casaron: la princesa fue la única esposa de Picasso ante la ley; a partir de entonces, se integró la «alta sociedad» y vivió como un burgués. La rusa aristocrática, se había presentado ante él, altiva:
—«Soy Olga Koklova, la sobrina del Zar», tronó como si susurrara, al tiempo que descubría su escote de aguas sediciosas frente al sediento de toda sed.

Bellísima sobre su metro 55 de estatura, en las obras de su esposo apareció como una tonta, empecinada, e insatisfecha. ¿Existe la realidad o existen los ojos que la miran?

El primer hijo de ambos, Paulo, nació tres años más tarde, y ayudó a disimular el fin del amor, que se anunciaba. Con sus monerías infantiles, regocijaba a las arenas de la Costa Azul, al tiempo que la decadencia de la pareja encontraba su apogeo.

Como si su vida hubiera sido un best-seller, la historia del Genio estuvo signada también por la tragedia. Paulo, con quien siempre había sido indiferente, murió de cirrosis y alcohólico; y —por una perversión del destino— su nieto Pablito se suicidó el día de la muerte del artista, pues Jacqueline Roque, su última y dictadora compañera, no lo dejó entrar al funeral. El pequeño bebió cantidades de lavandina, y se fue de la Tierra... ¿Con su abuelo, a Dios?

Picasso había fumado opio en París con Apollinaire, Mirbeau, Lautrec y Modigliani. Buscaban semillas de sueños para sembrar la aurora. Fumaban para soñar. Y como un sueño llegó a su vida Marie-Thérèse Walter, cuando ella tenía 17 años y él 46. Era 1927.

El deseo erótico se sumaba al placer de la aventura; el secreto de los encuentros era absoluto, para evitar problemas con la ley, por la edad de la adolescente. Cuando nació María concepción, Maia, la hija de los dos, Olga fue abandonada. Y también, a su turno, Marie-Thérèse, quien, sin embargo, siguió asistiéndole con devoción: le cortaba las uñas y el pelo y las guardaba, en un orden cronológico estricto, pues él temía que le hicieran brujerías. Escribió a su amado durante treinta años; y finalmente, cuando él murió, se suicidó en la casa de Picasso en la Costa Azul.

Los ojos verdes de la fotógrafa yugoslava Dora Maar, le llegaron de la mano de Paul Éluard y su dulce esposa Nush, quienes los presentaron en un café de París. Corría 1936 y el chamán cayó rendido ante su belleza e inteligencia. Pero... ¿Es que él se rendía ante algo o alguien?

No, también desertó de aquella mirada esmeralda, para tomar de la mano a Françoise Gilot, en 1943, con quien tuvo otros dos hijos: Claude y Paloma.

Dora, brillante y talentosa, había fotografiado toda la etapa del Guernica, mientras sufría escenas de celos, que continuaron después de la separación. Cada vez que él la encontraba con alguna posible pareja, hacía escándalos mayúsculos; para su delirio, cada mujer llevaba la «marca Picasso» y a ella se debía. Dora terminó en un manicomio, y finalmente se hizo profundamente religiosa.

Fue Jacqueline Roque, su última mujer, la única que pudo dominarlo, bueno... apenas; trató de aislarlo de sus amistades, hijos y nietos, lo acompañó hasta el final. Después de la muerte de Picasso en 1973 en Mougins, Francia, se pegó un tiro, pues no encontraba un sentido a la vida, sin él. Están enterrados juntos, en los jardines del Palacio de Vauvenargues, que Picasso había comprado, pero donde nunca había vivido, en la Riviera Francesa. Mientras se comía la vida, sin saberlo, había preparado su propio sepulcro, suntuoso.

El arte a quemarropa

Casi todas sus mujeres escribieron libros sobre él. Pero cuando Françoise Gilot, publicó «Mi Vida Con Picasso», él no quiso ver nunca más a los hijos de ambos, Claude y Paloma. Con la única que se frecuentaba a veces, era con Maia, hija de Marie-Thérèse, se recordará. Ya grande, ella reconoció que su padre hubiera deseado guardar consigo a todas las mujeres; como un coleccionista, las clasificaba por color, forma y espíritu. Como a las mariposas.

¿Cuál de sus mujeres fue la más amada, si es que amó a alguna, más allá del ansia de poseerlas todas? Quizás lo fue la más oculta, la poeta Geneviève Laporte, más de 40 años más joven que él, bella, refinada, sutil. Aparentemente la relación duró un lustro, pero jamás la olvidó. «Nunca podré ser más que tus pinceles /Ser obra de tus manos /Estar dentro de ti», reza un fragmento de alguno de sus poemas para él.

Pero todas le escribieron versos. Y también él escribió, entre cuyos libros, el más conocido es la obra de teatro «El deseo agarrado por la cola». Él lo podía todo. ¿Todo?

El poeta Guillaume Apollinaire lo escuchaba y acompañaba, con el afecto de los amigos verdaderos. Curiosa vida: en 1911 un empleado suyo robó algunas estatuillas del Museo del Louvre y las vendió a Picasso. Apollinaire fue detenido por la policía francesa y el genio fue llamado a declarar. Dijo no conocer en absoluto al poeta. Fue una traición.

¿Y cómo llamar a las expresiones de Joan Miró, cuando, con su esposa Pilar, se enteró de la muerte del gran Maestro? «Pilareta —se alegró— desde ahora el número uno soy yo».
Cada palabra es un autorretrato: aquí, el de Monsieur Miró.

Pablo Picasso dejó un imperio y sus herederos viven en torno de su fortuna; salvo Paloma Ruiz Picasso, hija del pintor y de Françoise, que tiene su propio imperio de fragancias, joyas y bolsos. A ella le correspondieron 30.000 millones de la herencia, es dueña... hasta de rascacielos y, con su hermano Claude, compraron la isla Petalious en Grecia, a la cual casi no van. Amaba a su papá: le importaba su inteligencia y su bohemia; ríe cuando cuenta que —ante ciertos gastos— le escuchaba siempre la misma respuesta: «¿Crees que eres la hija de Rockefeller?».

Picasso, ¿Eros, Tánatos, o ambos? Quizá ninguno. Picasso era un genio, y a los genios no se los suele medir con la misma vara que a todos. Tienen la «pasión del Absoluto», de la que escribió Louis Aragon, aunque no se refería a ellos. Son seres para quienes nada es suficientemente «algo».

Aunque tengan una vida social activa, están aislados. Necesitan encontrar-se en la soledad, su único lugar posible. ¿Saben amar? El arte es un amante tan exigente que quiere al hombre todo entero, según Miguel Ángel Buonarroti. «Nunca podré ser más que tus pinceles», había comprendido sabiamente Geneviève.

¿Hay un lugar cierto para alguien más, en la vida de un genio o de un artista? No, salvo si ese alguien sólo acompaña como una «frazada para limpiar pisos»; o si es capaz de no perder su propia libertad interior y de conservar su propio mundo, en lugar de subordinarse al genio y dedicarse a la ceremonia de su adoración. Una de las pocas excepciones fue la conducta de Johann Sebastian Bach, quien tuvo una cotidianidad aparentemente normal. No hay muchas más.

Aunque transiten las sombras, ellos tienen gula de luz. Tienen furia de hurgar en sus propias ventanas, hacia adentro, para encontrar ese nido celeste. Esa parte de Infinito que justifica y explica el arte, para de vivir entre el cielo y la tierra con aspiración de eternidad.

El mundo es hoy una boa devoradora de vidas. Pueda Picasso, pueda el «Guernica» estremecer otra vez el corazón del hombre. Y que la Justicia «rompa sus andrajos grotescos de farándula, se escape de la pista, se meta por la puerta falsa, donde los mercaderes del mundo dirigen los destinos del hombre, y esa Justicia, pida la palabra» (León Felipe).

*Cristina Castello es poeta y periodista. Buenos Aires /París

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* Este artículo es de libre de reproducción, a condición de respetar su integralidad y de mencionar a la autora.

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