Jean-Luc Gonneau

On les imagine, les clones de ces Fouks, Hommel, Méaux, Saussez, ou le vieux
« Rolex » Séguela, spin doctors de tous acabits, penchés au chevet d’un
gouvernement en petite forme. L’opinion vous trouve mous et indécis ? Nous avons
le remède en magasin : le choc. Le choc, c’est violent, c’est rapide, c’est
sidérant, ça crée de l’émotion, et créer de l’émotion, c’est ça qui vous manque.
Heu, heu, la violence, dit le président, la violence, heu, heu, je n’aime pas
beaucoup ça. Mais le choc, c’est positif aussi. Quand un magasin parle de prix
choc, les gens y vont pour y faire des bonnes affaires (le magasin aussi, et
même surtout, mais bon). Va pour les chocs positifs, finit par lâcher le
président.
Le problème, avec les communicants, c’est que même si leurs honoraires sont
stratosphériques, leurs costumes impeccables, ils ne sont que des contremaîtres
en fabrication d’éléments de langage, l’équivalent dans le champ sémantique de
la planche d’un ensemble Ikea dans l’ameublement. Les communicants ne sont pas
des ébénistes, à peine des menuisiers. Ils sont là pour soigner l’emballage,
mais pas le produit, manquerait plus que ça. Et encore, quand on regarde de plus
près certains produits, on se pose la question. Revenons donc au choc. Comme
l’expliquait patiemment, dans les années 1930, un ancien boxeur londonien
reconverti dans le recouvrement amiable de créances de bookmakers à un jeune
apprenti publicitaire ayant subi une perte sévère lors du derby d’Epsom, le choc
doit avoir un effet rapide et saisissant : si ton nez saigne après le coup de
poing, tu comprends assez vite qu’il va falloir te remuer pour trouver
l’oseille. Philosophie partagée par cet enthousiaste admirateur d’une jeune
gloire de la chanson : écoute moi ça, et si après tu ne cours pas t’acheter le
cd (ou le pirater plus ou moins sur le net, c’est selon)… Bref, ou bien le choc
me concerne directement et modifie sur le champ mon comportement et/ou ma
perception des choses ou des idées. Ou bien ce n’est pas un choc. Ce qui ne
signifie pas qu’un choc puisse avoir, aussi, des effets à long terme. L’ancien
boxeur londonien avait par exemple des souvenirs précis de certains clients qui,
après quelques chocs, n’étaient plus jamais redevenus les mêmes.
À cette aune, on aura vite constaté que ce qui a été vendu comme « choc de
compétitivité » n’a rien d’un choc. Peut-être, les experts supposés étant
divisés sur la question, les mesures envisagées auront-elles un effet à terme.
Mais aucun immédiat. Et le résultat en termes de communication est au mieux nul,
au pire négatif : ce qui est retenu, ce sont les milliards de ristournes
consenties aux entreprises sans réelles contreparties alors que ces milliards
sont supposés manquer dans le champ social. Et voilà-t-il pas qu’apparaissent
des phénomènes de racket de sous-traitants par leurs donneurs d’ordre pour
palper l’essentiel des ristournes fiscales à venir. Faut-il gloser sur le « choc
de simplification » ? Les simplifications administratives sont un marronnier des
gouvernements successifs. Sont-elles nécessaires ? Bien sur. Seront-elles
immédiates ? Bien sur que non. Dans ce cas là, et comme quoi on peut nous aussi
faire joujou au spin doctor, on annonce une simplification administrative le
jour où elle est effective. Là, ça peut faire un « choc » pour ceux que ça
bénéficie (et aussi pour ceux que ça ennuie, il y a toujours des grincheux)
Au final, le seul « choc » qui ait fait un peu choc est celui de la
moralisation, avec un vent debout parlementaire venu de toutes les travées, qui
risque fort de transformer le choc en floc. Ah que la vie gouvernementale est
dure. Et cela a donné peut-être envie d’aller prendre l’air du côté de
Bastille-Nation le 5 mai, si ?
La Gauche Cactus
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