Le Parlement européen a adopté au cours de sa session de juillet la
proposition de créer un corps européen de garde-frontières et de
garde-côtes. Ça sentait bon ? Vraiment pas. Car la proposition de la
Commission sur le sujet consiste en fait à renforcer l’Agence de gestion
des frontières extérieures, Frontex.
Tout d’abord, rappelons que cette agence n’est pas en charge de
sauver les migrants en péril comme elle le prétend, mais de les filtrer.
« L’Europe forteresse » reste le rêve absurde de nombre des
têtes d’œufs de l’eurocratie. Ne croyez pas que l’exercice soit anodin.
Car les cas de violations des Droits de l’Homme, dans cet exercice, sont
régulièrement dénoncés par les ONG. Assez franchement, ce texte
interdit toute initiative politique alternative de la part des États
membres pour accueillir les migrants. Et les États seront même soumis à
des tests obligatoires de « vulnérabilité ». On se demande
comment. Juncker va-t-il faire débarquer des faux immigrants sur les
plages pour vérifier si les États sont bien en capacité de les empêcher
de débarquer ? Et sinon ? Je veux dire : et si un État s’avère
impuissant à le faire, qu’est-il prévu ? Une énormité ! L’agence pourra
organiser le déploiement de gardes-frontières sans l’autorisation
préalable de l’État en question ! Un cas typique de la nouvelle
« souveraineté limitée » à laquelle sont astreint les États de
« l’Europe qui nous protège »
Et pour bien souligner le changement de direction, cerise sur le
gâteau : l’État devra mettre à disposition son personnel et le placer
sous commandement du nouveau corps européen sur simple ordre donné par
les eurocrates. Notre chère Union ne s’est pas arrêtée en si bon chemin.
Elle se propose également de modifier le rôle de certaines agences
européennes pour en faire des auxiliaires de Frontex dans le cadre de la
chasse généralisée aux migrants et réfugiés. Ainsi, l’agence européenne
pour la sécurité maritime, qui avait pour mission initiale d’assurer la
sécurité dans le transport maritime et la surveillance des pollutions
liées à ce transport, se voit désormais chargée de « la fourniture de services de surveillance et de communication fondés sur des technologies de pointe » et de la coopération « en ce qui concerne les fonctions de garde-côtes ». Quelle belle évolution des missions ! Ce n’est pas tout.
L’Agence européenne de contrôle des pêches, qui a pour mission
initiale de contrôler les opérations liées à la pêche pour les captures
et les débarquements, se voit elle aussi enrôlée dans la pèche aux
migrants. Elle se voit attribuer de nouvelles fonctions, telles que : le
« contrôle des frontières », « la fourniture de services de surveillance et de communication » ou encore le « partage
des capacités d’actifs entre les secteurs et les frontières pour
permettre la planification et la mise en œuvre d’opérations
pluridimensionnelles ».
Bref, réquisition générale de tous les moyens hier affectés à des
tâches de haut niveau pour installer tout le monde dans des opérations
de police sans horizon. Ah, j’allais oublier. Dans le rapport adopté
pour faire face aux vagues d’immigration aux moyens de gardes côtes, il
va de soi, évidement, que l’arrêt des interventions européennes qui ont
semé le chaos régional syrien et forcé ces populations à l’exil ne fait
aucunement partie de la réflexion. Et pas davantage le respect des
droits fondamentaux et du droit d’asile.
Le droit international dont
tout cela relève en dernière analyse est tout juste évoqué. Histoire de
dire. Et de ne pas faire avec bonne conscience.
Jean-Luc Mélenchon
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