Hier on m’a montré un SMS : l’auteur de celui-ci faisait savoir qu’il
avait appris, par une « amie dont l’ex-mari est policier », qu’une
menace sérieuse d’attentat terroriste pesait sur la plage où mon
interlocuteur devait se rendre, lui enjoignant d’éviter les endroits où
sont regroupés de nombreuses personnes… La belle affaire !
Il suffit pourtant de taper sur Google « menace terroriste plages »
pour tomber sur quelques dizaines d’articles plus ou moins récents
répertoriant allègrement les divers moyens qu’auraient des terroristes
pour réaliser un carnage sur les plages -qu’elles se situent au nord, au
sud ou à l’ouest de notre bel hexagone. Facile, sur les plages il y a
toujours du monde (enfin... quand il fait beau !). Comme sur les marchés
d’ailleurs, et puis aussi les bars, les feux d’artifices et de multiples
autres endroits…. Et puis que ce soit en avion, avec une mitraillette
ou une grenade, il est évident qu’à n’importe quel moment, dans
n’importe quel endroit, un fou (qu’il soit d’Allah ou non, car en ce
moment on dirait que chaque personne qui en a assez de la vie semble
vouloir se revendiquer de l’organisation Etat Islamique pour donner plus
de poids à la perte de sa misérable existence) est susceptible de faire
des massacres.
Mais un SMS personnel comme celui que cette personne a reçu fait tout
de même réfléchir (sans compter les actualités en Allemagne, au Japon
ou encore aujourd’hui dans une église, ni bien sûr les centaines de
morts en Syrie, en Irak et ailleurs) : qu’on soit parano d’origine ou
pas ne change rien, on regarde après cela chaque personne autour de soi
comme un ennemi potentiel, surtout s’il correspond aux critères de ce
qu’on s’attend être un « terroriste » en puissance. Il suffit qu’un
camion frigorifique passe au loin ou que des sirènes de pompiers se
fassent entendre pour nous mettre en alerte.
On se dit alors qu’il vaut peut-être mieux ne pas aller à la plage.
Mais au supermarché ? Et au manège, au bar, aux animations offertes par
la municipalité ? Alors on reste chez soi et on attend ?
C’est bien comme cela d’ailleurs que fonctionne l’organisation Etat
Islamique. C’est le symbole de leur « victoire » sur les « Occidentaux »
: d’une part puisque la peur s’insère jusqu’au fin fond de la France,
et d’une autre part un aperçu de la manière dont la dictature islamiste
s’installe dans les territoires qu’ils conquièrent. En général ce n’est
pas l’adhésion aux valeurs de la « Charia » qui les motivent à se
soumettre mais la peur des représailles qui les conduit à se cloîtrer
chez eux, à mettre leurs burqas ou à se rendre à la mosquée comme de
« bons musulmans ».
Pourtant, le développement de ce genre de rumeurs « d’attaques
imminentes » est en réalité explicable assez aisément : chaque policier
reçoit des alertes et des conseils de sécurité de la part de son
commissariat, et à l’occasion de l’attentat de Nice il apparaît que
toutes les plages de France, surtout les plus fréquentées, sont des
cibles particulièrement surveillées : la menace sur les plages paraît
grande et la vigilance doit suivre, logiquement. Par conséquent, il
devient évident que chaque policier en poste est mis en alerte sur sa
propre localité, et c’est tout aussi logiquement qu’il prévient ses
proches dans chaque localité concernée, qui, eux-mêmes, relaient le
message et ainsi de suite ; merci les réseaux sociaux.
Ainsi chacun croit détenir une information particulièrement fiable et localisée, pour ainsi dire « personnalisée » pour lui-même et ses proches, alors que cela provient d’une alerte nationale. Inconsciemment il transmet la rumeur en même temps que la peur, celle-là même qui engendre la haine et la violence en retour, comme le désirent ceux qui utilisent cette haine et cette violence à l’encontre de leurs « ennemis » occidentaux.
Ainsi chacun croit détenir une information particulièrement fiable et localisée, pour ainsi dire « personnalisée » pour lui-même et ses proches, alors que cela provient d’une alerte nationale. Inconsciemment il transmet la rumeur en même temps que la peur, celle-là même qui engendre la haine et la violence en retour, comme le désirent ceux qui utilisent cette haine et cette violence à l’encontre de leurs « ennemis » occidentaux.
Oui, il peut y avoir un attentat à tout moment. Partout. Mais pas partout en même temps !
Enfin quoi, ils sont si nombreux les types qui veulent « tirer dans
l’tas » ? Combien sont-ils, armés jusqu’aux dents, prêts à se jeter sur
nos femmes et nos enfants au mépris sinon de toute humanité, au moins de
celui de toute raison pratique ?
Mais si la police possède assez d’éléments pour dire qu’un ou
plusieurs types se préparaient à tel ou tel endroit pour perpétrer un
tel massacre, cela ne signifie-t-il pas qu’ils en ont suffisamment pour
agir en conséquence et arrêter les suspects ?
Alors qu’une polémique touche le gouvernement (ou la mairie de Nice
?) à propos de la sécurité en place au moment de l’attaque du camion, il
faut nous méfier de la récupération qui est à l’oeuvre parmi nos fins
analystes politiques, à quelques mois des élections présidentielles : le
fait que la sécurité n’ait pas été assurée correctement peut faire
question, mais le fait que les politiques tentent de trafiquer les faits
pour des raisons électoralistes de « primaires à la présidentielle »
(des gens meurent bon sang !) est proprement scandaleux. En jouant ainsi
le jeu de la division que, par ailleurs, ils dénoncent publiquement, ils
ajoutent à la suspicion et donc à la peur provoquée dans la population
pour leurs propres intérêts électoraux.
C’est comme les vidéos de surveillance dont les « bandes » doivent
être détruites pour on ne sait quelle obscure raison. Est-ce comme cela
que les gouvernants comptent rassurer les peuples, ou profitent-ils de
ces ignobles événements pour faire leur beurre électoral sur fond de
propagande nauséabonde (comme le fait Nicolas Sarkozy de manière
éhontée) ? Franchement quand je lis des témoignages
comme celui de la femme ayant perdu sa mère (musulmane) à Nice et à qui
l’on dit que ça en fait « un de moins », je me désole de voir à quel
point la haine qui se développe contre les musulmans dépasse les bornes
de la simple islamophobie. Moi-même, que je considère modestement comme
largement tolérant, j’en viens parfois à me dire, à la suite de drames
tels que celui qui a eu lieu à Nice, qu’il faut faire quelque chose
contre cette religion, avant de me reprendre aussitôt pour me secouer
l’esprit : si des êtres humains arrivent à perdre suffisamment de leur
humanité pour perpétrer de tels actes, c’est qu’il y a quelque chose de
pourri dans le système qui les a conduits, ou au moins qui les a laissés
tomber entre les mains de ces gourous sans foi ni loi qui les ont
embrigadé… La religion n’y est pour rien, car jamais il n’y sera
commandé de massacrer des femmes et des enfants. Quand on pense que si
ces jeunes avaient rencontré, dans leur parcours misérable, l’abbé
Pierre ou un de ceux-là, peut-être auraient-ils pu devenir quelqu’un
d’autre ?
La véritable question est donc celle-là : pourquoi n’y a-t-il plus
d’abbés Pierre ? N’ont-ils plus rien à offrir en réponse à ces vendeurs
de haine et de mort ? Comment se fait-il que tant de jeunes
« occidentaux » (et oui, pour la plupart ils sont « bien de chez nous »,
nés en France et éduqués par l’Etat Français), puissent en venir à
préférer la mort et la violence que l’amour et la vie ? Pourquoi n’y
a-t-il pas dans nos banlieues des hommes capables, disposés devant ces
mosquées qui prêchent la haine, pour apporter un autre discours, un
espoir de vie s’opposant à ce discours de haine qui leur est servi ? Où
est l’Etat dans ces banlieues ? Que fait-il, qu’a-t-il fait pour
empêcher nos jeunes de sombrer dans la délinquance d’abord, puis dans le
terrorisme ensuite ?
Au lieu de payer des militaires en armes sur les plages ou dans les
gares et qui font peur (ou qui fascinent) tous les enfants qui les
croisent, pourquoi ne paierait-on pas des types heureusement sortis de
la merde dans laquelle on les a mis pour éviter que demain ou après
demain d’autres les arment et les conditionnent à devenir les ennemis de
ceux qui n’ont pas voulu les protéger, quand ils en avaient encore
l’occasion ? La réponse à la haine et la violence n’est pas la haine et
la violence. Quand je vois qu’au lendemain du massacre de Nice la
réponse la plus immédiate de l’Etat Français a été de bombarder une
ville en Syrie (et des civils en plus d’après ce qu’on dit), comment
dire que l’argent destiné à la sécurité des Français est habilement
dépensé ?
Le terrorisme n’est pas un problème religieux mais un problème
politique, et c’est une solution politique qui y mettra fin. Ce n’est
pas par la destruction de la démocratie et la guerre que nous
parviendrons à empêcher nos jeunes en perdition de devenir des
terroristes mais en leur offrant l’espoir qu’ils seront respectés ici
pour ce qu’ils sont, quoiqu’ils pensent et d’où qu’ils viennent, en
accord avec les principes pourtant affichés sur tous les frontons de nos
mairies : liberté, égalité, fraternité.
Caleb Irri
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