mercredi 27 juillet 2016

Un gros malaise à propos de Daech

questions.jpgGilles Devers     

Nous allons essayer de rester rationnels cinq minutes, et je compte sur votre aide, car je pose une question simple, qui nous intéresse tous : après deux ans de guerre, pourquoi Daech n’est-il pas encore éradiqué ? On parle de 20.000 à 30.000 combattants. 

Si j’ai bien suivi, Daech est combattu par le monde entier depuis deux ans. Donc, les mecs ont à leur trousse l’OTAN – les Etats-Unis en tête –, la Russie et ses alliés, le monde sunnite, et le monde chiite. Aucun allié, ils sont en autarcie diplomatique et militaire. En termes de rapport de forces, c’est du 99,9 contre 0,01 %. Daech recule, c’est sûr, et sur place des soldats jouent leur peau. Alors, respect, mais quand même, il y a des questions sérieuses qui se posent.
Daech dirige un territoire en lambeaux, sans frontières, sans structure d’Etat fiable, avec une administration balbutiante, de nombreux combattants étrangers, pour des territoires – et des populations – disparates. Au point de vue militaire, ils ont des combattants courageux, voire allumés, mais pas d’aviation, une défense anti-aérienne embryonnaire, un retard colossal dans la technologie, notamment pour le renseignement et un armement qui doit avoir de sérieux problèmes d’après-vente et d’entretien. Au jour le jour, les forces de la coalition occidentale d’une part, et l’armée russe d’autre part, qui contrôlent l’espace aérien de Daech, tirent des milliers de photos qui permettent de suivre la présence et l’action des troupes de Daech, de Mossoul à Raqqa. Pour en faire quoi ?
La guerre coûte cher ? Certes, mais celle-ci bien moins que celles conduites contre le Vietnam, l’Afghanistan ou l’Irak. Et vu la composition de cette immense coalition, qui inclut les pays les plus riches, dont nos amis saoudiens et qataris, il y a de la monnaie, beaucoup et pas loin.
L’incapacité de troupes étrangères pour reconquérir des territoires essentiellement sunnites ? C’est un problème sérieux, vu le bilan là-bas. Après leurs actions désastreuses au Moyen-Orient, on ne voit pas les yankees accueillis à bras ouverts… Ni les Iraniens, du fait de l’instrumentalisation religieuse du conflit, et parce que la guerre Iran/Irak a à peine une génération. Ni les dirigeants des pays sunnites de la région, qui ont renoncé au patriotisme arabe et à la solidarité internationale, devenus des marionnettes dans la main des occidentaux. Oui, il va falloir faire de la vraie politique, pour créer l’adhésion populaire, mais qui s’en préoccupe ? Est-il vraiment impossible de tenir un discours juste et crédible à l’égard des populations du califat ? Impossible de se parler à ces familles, qui au minimum, ne peuvent pas beaucoup miser sur Daech pour donner un avenir à leurs enfants ?
Voilà. Voilà l’équation de cette guerre « impossible à gagner », alors qu’elle est le « défi de notre temps, avec la volonté de détruire notre civilisation… ». Deux ans à 99,9 contre à 0,01, pour quel résultat réel ?
Alors, la question se dédouble : quels intérêts pour des responsables politiques qui jouent leur avenir à court terme, en instrumentalisant les enjeux de Daech, contre l’intérêt de leurs peuples, et contre l’intérêt de nos amis qui, là-bas, subissent l’ordre de Daech ?
C’est une question. 

Aujourd’hui, nous n’avons ni toutes les cartes, ni le dessous des cartes. Mais un jour où l’autre, les informations seront rendues disponibles, avec des comptes à demander.


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