La présidente du FN doit rembourser ce mardi 298.000 euros au
Parlement européen. En cause, les salaires versés depuis 2010 à sa
collaboratrice, Catherine Griset, soupçonnée d’avoir bénéficié d’un
emploi fictif. "L’Obs" a eu accès à son interrogatoire devant l’Office
européen de lutte anti-fraude.
Dans un dossier Spécial Front national, en kiosque jeudi 2 février,
"l’Obs" révèle qu’au delà des 298.000 euros réclamés à Marine Le Pen par
le Parlement européen pour l’emploi fictif de son assistante, Catherine
Griset, c’est au total 1,1 million d’euros que 6 députés FN devront
rembourser pour avoir salarié à Bruxelles des collaborateurs qui
travaillaient en réalité pour le parti, à Nanterre. "L’Obs" a eu accès
en exclusivité à l’interrogatoire de Catherine Griset.
À partir de mercredi matin, le Parlement européen devrait saisir la
moitié de l’indemnité parlementaire de Marine Le Pen, ainsi que la
totalité de son enveloppe de frais généraux. Il lui restera 3.000 euros
nets par mois, sur les 10.400 euros reçus normalement. Les services de
Bruxelles estiment que la présidente du Front national a détourné des
fonds européens en rémunérant pendant cinq ans une assistante fantôme
qui occupait en réalité le poste de chef de cabinet au siège du parti, à
Nanterre.
Pour prendre cette décision, le Parlement s’est fondé sur un rapport
de l’Office européen de lutte anti-fraude (Olaf). Marine Le Pen a
dénoncé dans la presse :
"L’argumentation extraordinaire de l’Olaf, c’est : ‘elle [mon
assistante] devait travailler à Bruxelles. Elle n’y était pas assez’.
Vous décrétez ça sur la base de quels éléments ? Rien !"
L’interrogatoire de Catherine Griset par l’Olaf, que "l’Obs" a pu
consulter, démontre le contraire. Les enquêteurs avaient de nombreux
éléments en leur possession.
"Je dormais sur un canapé-lit"
Le 2 juillet 2015, Catherine Griset s’engouffre dans la tour vitrée
de l’Office européen de lutte anti-fraude, à Bruxelles. Cette belle
femme brune, amie de Marine Le Pen depuis vingt-deux ans, a signé en
2010 un contrat de travail d’assistante "accréditée", stipulant qu’elle
doit travailler et vivre à Bruxelles. Mais les enquêteurs n’ont trouvé
ni bail, ni contrat d’eau ni d’électricité à son nom en Belgique.
Catherine Griset leur répond : "J’ai été logée par des amis qui avaient une grande maison."
Elle affirme qu’elle avait au début sa propre chambre mais que des
travaux d’agrandissement l’en ont privée. Du coup, elle s’est retrouvée à
dormir "sur un canapé-lit". Un témoin anonyme a cependant déclaré aux
enquêteurs que Catherine Griset n’avait "jamais passé une semaine
entière à Bruxelles".
Autre sujet d’étonnement : la fille de Catherine Griset est restée
scolarisée à l’école primaire à Garches, dans les Hauts-de-Seine. "Elle
ne voulait pas changer d’établissement", réplique l’assistante. "J’ai
préféré la laisser aux bons soins de ma mère et de mon compagnon."
3 heures en 3 mois
Dernier élément d’interrogation : la liste des entrées et sorties du
Parlement n’a gardé que peu de trace des passages de madame Griset.
Trois heures seulement, entre le 1er octobre et le 31 décembre 2014. Sur
ce sujet aussi, Catherine Griset a une explication : "Je rentrais par le parking, dans la même voiture que madame Le Pen."
Difficile, cependant, d’accorder du crédit à cette version : tous les
assistants sont censés emprunter un portique spécifique lorsqu’ils
sortent du parking et prennent l’ascenseur. Selon Catherine Griset, les
huissiers l’auraient donc laissée accéder par le portique des députés,
ce qui est rigoureusement interdit.
L’avocat de Marine Le Pen dénonce une manipulation politique. Le 24
janvier, Me Marcel Ceccaldi a déposé plainte auprès du tribunal de
première instance de Bruxelles pour "faux et usage de faux". Dans ce
document de 26 pages, que "l’Obs" a pu consulter, l’avocat dénonce la
collusion supposée entre l’Office européen de lutte anti-fraude et le
Parlement européen, ainsi que le manque de transparence de la procédure.
Il tempête : "Ma cliente ne sait même pas ce qui lui est reproché. Elle n’a jamais
été entendue et demande l’accès à l’entier rapport qui la condamne."
1,1 million à rembourser
Selon Marcel Ceccaldi, il est de notoriété publique que les
assistants parlementaires d’autres députés travaillent pour leur parti.
Il cite en exemple "13 députés espagnols […] qui se partagent 22
assistants locaux, ce qui leur permet d’assurer les salaires des
permanents du Parti socialiste espagnol !" Et "14 députés polonais,
membres du Groupe des conservateurs et réformistes européens, qui
emploient 156 assistants locaux rémunérés par le Parlement européen".
Cependant, Marcel Ceccaldi opère une confusion entre le statut
d’assistant "accrédité", basé à Bruxelles, et celui d’assistant "local",
basé dans le pays d’élection du député. Dans les deux cas, néanmoins,
l’assistant est censé travailler sur des problématiques européennes.
Cinq autres députés FN sont visés par des mesures de recouvrement de
la part du Parlement européen. Outre Marine Le Pen, sont concernés :
Jean-Marie Le Pen, Bruno Gollnisch, Mylène Troszczynski, Sophie Montel
et Dominique Bilde. Selon nos informations, le Front national doit
rendre au total 1,1 million d’euros. Et ce n’est qu’un début. L’Olaf
poursuit son enquête sur une vingtaine de contrats d’assistants supposés
litigieux.
Le 15 décembre 2016, le parquet de Paris a ouvert une
information judiciaire pour "abus de confiance", "escroquerie en bande
organisée", "faux" et "travail dissimulé."
Source : http://tempsreel.nouvelobs.com/pres...
bellaciao.org
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