Ils commencent leur phrase par "Certes, on peut
comprendre la colère..." et la terminent par "... mais rien ne justifie
la violence".
Lorsque des salarié-e-s en lutte détruisent du matériel informatique
dans une sous-préfecture, retiennent pendant quelques heures leur
patron, déchirent une chemise, ils sont là.
Lorsque des habitant-e-s des banlieues excédé-e-s jettent des
projectiles sur les flics, détruisent du mobilier urbain, incendient des
poubelles ou des voitures, ils sont là.
Ils sont là car ils savent.
Ils savent que "rien ne justifie la violence". Et dans la version la
plus hypocrite et/ou paternaliste, ils ajoutent : "C’est dommage, car ça
dessert un combat légitime".
Mais le reste du temps, ils ne sont jamais là. La violence des
riches, la violence de l’État, la violence symbolique dans les médias,
ce n’est pas leur problème.
Celle-là, ils ne ressentent pas le besoin, par un tweet, un
communiqué de presse ou une déclaration à BFM-TV, de la condamner. Et
ils ne demandent à personne, avant de l’autoriser à s’exprimer et de le
considérer comme un interlocuteur "légitime", de la condamner.
Parce qu’ils ne la vivent pas, cette violence. Ils ne la subissent
pas, au quotidien, dans leur chair. Et surtout parce qu’ils savent, au
fond d’eux-mêmes, que c’est grâce à cette violence qu’ils peuvent
continuer à occuper des positions de pouvoir, aussi petites
soient-elles.
Et alors ils demandent un "retour à l’ordre". Un "ordre" injuste,
inégalitaire, violent, raciste, sexiste, mais qui, de leur point de vue,
est préférable au "désordre" qui pourrait fragiliser leurs positions.
Alors écoute, et entends, toi le spécialiste du "Certes, mais", du "Rien n’autorise à" et de la "condamnation des violences".
Tu n’as aucune légitimité, toi l’adepte du tri sélectif, pour te
poser en arbitre des élégances et pour distribuer les bons et les
mauvais points, du haut de ton piédestal de responsable politique,
d’éditorialiste ou d’"intellectuel".
Tu n’as aucune légitimité, toi l’intermittent de l’indignation, pour
expliquer aux gens qui veulent se faire entendre et qui ne sont jamais
entendus, jamais pris au sérieux, jamais écoutés, ce qu’ils doivent
faire ou ne pas faire pour se faire entendre.
Tu n’as aucune légitimité, toi qui ne t’intéresses jamais
sérieusement à ce qui se passe dans les usines, dans les banlieues, dans
toutes les zones où les gens subissent chaque jour l’exploitation,
l’oppression et la violence, à leur faire la morale lorsqu’ils disent
qu’ils en ont ras-le bol.
Bref. Toi qui ne fais rien de conséquent pour en finir une bonne fois
pour toutes avec un système tellement oppressif et injuste que la
révolte, parfois violente, est le seul moyen d’espérer se faire entendre
et obtenir quelque chose, on se passera de tes commentaires, de tes
leçons de morale et de tes injonctions.
Julien Salingue
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