Le mardi 24 janvier a eu lieu à Metz le procès de Richard Srogosz,
président du collectif BDS 57. Celui-ci est inculpé suite à une plainte
de l’entreprise TEVA Santé, une multinationale israélienne de
médicaments génériques.
À cette occasion, le journal du NPA l’Anticapitaliste l’a rencontré.
Pouvez-vous présenter dans quelles circonstances s’est
déroulée l’action menée par votre collectif, soit l’envoi d’un courrier à
des pharmaciens, ce qui conduit deux ans plus tard à un procès ?
En
février 2015, nous venions de nous constituer en association. Notre
organisation relaye localement la campagne BDS France, « Boycott
désinvestissement sanctions, la réponse citoyenne et non-violente à
l’impunité israélienne ». Cette année-là, de nombreuses mobilisations se
déroulèrent en France visant la complicité de crime d’apartheid dans
laquelle est impliquée la multinationale israélienne. Cette campagne
reste toujours d’actualité.
Bien entendu, nous avons ciblé en
priorité les pharmaciens, professionnels de la santé. Cette campagne a
également très bien fonctionné auprès du public, notamment la pose du
sticker « TEVA, j’en veux pas » que nous invitons à coller sur
les cartes Vitale. Tout le monde est concerné par les médicaments.
Israël exporte des agrumes, des gazéificateurs Sodastream, mais
consommer des dattes ou utiliser un appareil ménager reste optionnel. Le
médicament nous concerne tous. Et c’est un droit pour tout citoyen de
choisir ce qu’il veut ou non pour sa santé, d’autant qu’il existe
d’autres génériques équivalents.
C’est une incitation à se
comporter de manière responsable en faisant par ce refus un geste fort
en faveur du peuple palestinien privé de droits, comme on l’avait fait
par le passé en boycottant les produits de l’apartheid sud-africain.
Nous avons pris la décision d’écrire une lettre argumentée à des
pharmaciens de l’agglomération messine, les invitant à découvrir notre
point de vue, ce qui ne constitue pas une provocation, contrairement au
motif de l’inculpation.
« Provocation publique à la
discrimination » : en clair, c’est une référence à l’antisémitisme même
si rien ne justifie une telle accusation. En quoi ce procès est-il
différent de ceux de Mulhouse, Alençon et récemment Toulouse où sont
aussi impliqués des militants BDS ? Le contexte de l’état d’urgence
a-t-il pesé dans cette affaire ?
Effectivement, le
procureur voulait classer la plainte, mais il y eut des pressions venant
de l’exécutif français, probablement même de Tel Aviv. Depuis novembre
2015, la France est le seul pays à interdire arbitrairement l’appel au
boycott des produits israéliens. Selon Amnesty International, je serais
le premier cas d’un militant « isolé » poursuivi par une entreprise
commerciale, certes gigantesque, mais en bien piètre état, comme le
prouvent la chute de ses bénéfices et des affaires de corruption
révélées récemment aux États-Unis. Isolé, certainement pas ! Car il y a
mes côtés toute l’énergie du collectif BDS 57 ainsi qu’une forte
solidarité nationale, dont le soutien de l’Union juive française pour la
paix à laquelle j’appartiens.
Dans les autres procès, plusieurs
militants sont poursuivis à la demande d’officines sionistes. C’est donc
bien un procès particulier. En comparaison, je suis un peu dans la
posture du lanceur de pierre palestinien menaçant le char israélien et
se faisant traiter de terroriste. Toute proportion gardée, car
contrairement aux Palestiniens humiliés, je vis dans le confort relatif
d’une société opulente et garde la confiance dans la justice française.
Il y a plus que disproportion dans ce procès comme dans la réalité du
conflit israélo-palestinien où l’affrontement n’est pas égal.
Alors
qui discrimine en vérité ? Le militant qui s’appuie sur le droit
international condamnant l’annexion, l’occupation militaire et la
colonisation des terres palestiniennes ou l’ogre pharmaceutique qui fait
son business sur le dos d’un peuple en résistance ? Nous n’avons pas
d’autre but à BDS que de lutter contre le colonialisme, le racisme et la
guerre et nous respecterons Israël quand cet État se conformera au
droit international.
npa2009.org
Propos recueillis par Yann Tavernet
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