mercredi 1 février 2017

Utopie, quand tu nous tiens

Olivier Cabanel  

Utopia, cette île qui a donné le nom à ce joli mot « Utopie » revient dans l’actualité avec le Revenu de Base, défendu par plusieurs candidats à la présidentielle.
Mais quels étaient les valeurs défendues dans cette île inventée par Thomas More ?

C’est en 1516 que Thomas More, juriste au service d’Henri VIII, imagina dans un livre une société idéale, une île nommée Utopie, république exemplaire où la propriété individuelle et l’argent sont abolis, les utopistes, citoyens vertueux, amoureux de sagesse et de paix en sont les habitants.
L’encyclopédie définit ainsi le mot Utopie : « une des formes de l’idéal, dont elle a tous les caractères, et ce qu’on qualifie d’utopie devient une réalité sensible dans un autre temps  ».
Du grec « ou-topos » (nulle part) et « eu-topos », (lieu du bonheur), Utopia imaginée par Thomas More viendrait de sa lecture d’un récit imaginaire, écrit par un marin portugais, un certain Raphaël Hythlodée, et Utopia n’est pas sans rappeler la fameuse Atlantide de Platon. lien
Toutes les deux accumulent en effet les ressemblances : en forme de croissant, bordées de montagnes, composées de 54 villes, conçues identiques, bâties sur le même plan, toutes distantes les unes des autres d’une journée de voyage.
Les maisons en enfilades, séparées par des rues larges de 20 pieds, soit environ 6 mètres, avec à l’arrière des jardins jumelés, clos par d’autres alignements de maisons.
Chaque ville compte 6000 familles, qui, par groupe de 30, élisent un phylarque, sorte de magistrat, et tous les magistrats élus élisent à leur tour, à bulletin secret, le roi de l’île, nommé Utopus, lequel en établissant la liberté de conscience inaugure la tolérance religieuse, et le respect des religions garantit la paix sociale...
Les habitants de l’île ne travaillent que 6 heures par jour, et les lettrés sont dispensés de travail manuel.
Les 35 heures ne sont donc pas une nouveauté.
 Thomas More plaide dans son livre pour la propriété collective, l’égalité sociale, le souci d’hygiène, l’autarcie économique, la démocratie politique, l’organisation de la vie quotidienne, du travail et des loisirs.
Le mot Utopie ressort des tiroirs chaque fois qu’une idée novatrice est portée par quelques acteurs de notre société, d’autant que la critique que faisait Thomas More de sa société est toujours plus d’actualité.
Utopie, c’est aussi le mot que brandissaient des politiques lorsque dans les années 50 du 20ème siècle, certains défendaient le concept de la sécurité sociale...
Cette innovation est pourtant devenue réalité, et alors qu’elle coute chaque année près de 700 milliards, bien plus qu’une nouvelle proposition sociale appelée le RdB (revenu de base).
C’est aussi le mot qu’utilise Manuel Valls, candidat malheureux à la présidentielle, au sujet du RdB défendu par son concurrent, Benoit Hamon, Valls assurant que cette mesure est « impossible à mettre en œuvre », ajoutant qu’elle est l’image d’une « société de l’assistanat et du farniente  ». lien
D’autant plus étonnant que quelques mois auparavant, il faisait l’éloge de cette solution. lien
Benoit Hamon envisage un RdB à hauteur de 750 €, ce qui couterait, étalé dans le temps, 300 milliards, mais d’autres évoquent 1000 euros voire plus. lien
Quoi qu’il en soit, le candidat présidentiel entend le réaliser progressivement, l’appliquant d’abord aux jeunes, évaluant la dépense à 45 milliards, ce qui correspond quasiment au cadeau qu’a fait Hollande aux entreprises au nom du CICE. lien
Il s’agit de mettre en place une mesure qui ne soit pas culpabilisante, comme par exemple le RSA, mesure ignorée volontairement par le tiers des intéressés, mais de s’émanciper du marché du travail et de battre en brèche les rapports de subordination.
En effet, devant la raréfaction logique du travail, due à l’informatisation des outils de travail, à la robotique, et à la fin de la croissance, ne faut-il pas répartir plus égalitairement le fruit de la production ?
Les sources de financement de ce RdB sont pourtant quasi sans limite, passant par la traque des fraudeurs fiscaux, ( 80 milliards) par la mise en place d’un salaire maximum, ou du regroupement de plusieurs aides sociales dans lesquels une chatte ne retrouve plus ses petits.
Alors qu’un Jean-Jacques Rousseau écrit dans ses « œuvres complètes  » : « je suis obligé de rendre à l’humanité les bienfaits que j’ai reçus d’elle », Baptiste Mylondo, l’un des promoteurs historiques du RdB (lien) rétorque qu’il faut revoir le sens du mot improductif, car « ne serait-ce qu’en jouant à la belote », l’homme participe à la création du lien social, même si certains que le RdB est un faux ami du progrès social. lien
Mais ne peut-on aller beaucoup plus loin qu’une simple partie de cartes ?...
Les acteurs bénévoles de notre société sont de plus en plus nombreux, et ne participent-ils pas à la société de la plus belle des manières ?
En 2016, on ne dénombrait pas moins de 16 millions de bénévoles dans notre pays, et sans eux, disparaitraient des associations indispensables, comme « les resto du cœur », et tant d’autres qui rendent aux citoyens un incontestable et généreux service. lien
La mise en place de ce RdB leur permettrait d’être encore plus nombreux et qui pourrait s’en plaindre ?
470 milliards, c’est le coût annuel estimé par Mylondo pour un RdB de 750 €. lien
On pourrait aussi évoquer le Mouvement Utopia, cette coopérative citoyenne d’éducation populaire, animée aujourd’hui par Aurélien Bernier, l’auteur de « la démondialisation, ou le chaos », (édition utopia), membre d’Attac et du Mpep, qui porte un projet de rupture national comme alternative au libéralisme, et qui plaide pour la coopération, la décroissance, et la redistribution des richesses. lien
Mais revenons à notre Utopia.
Dans sa chronique du dimanche matin, sur Europe 1, le 29 janvier, Bernard Fripiat nous rappelait comment était conçue cette île. lien
Les magistrats y étaient élus, l’intolérance et le fanatisme y étaient punis, la peine de mort proscrite, pourtant le 6 juillet 1535, l’auteur d’Utopia, devenu un mot courant, sera décapité coupable de s’être opposé au mariage d’Henri VIII avec Anne Bolène, ce qui lui vaudra tout de même d’être canonisé par l’église catholique.
Laissons le mot de la fin à Lamartine qui disait : « Les utopies ne sont souvent que des vérités prématurées ».

Comme dit mon vieil ami africain : « il vaut mieux avoir envie de l’avenir que regretter le passé »...

agoravox.fr

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