mercredi 1 février 2017

Valls valse, encore une victoire du dégagisme !

Jean-Luc Mélenchon               

Après une semaine d’ubuesques publications de résultats, qui ne furent jamais ni définitifs ni exacts, le deuxième tour de la primaire du PS s’est déroulé dans les conditions ordinaires : saturation médiatique intense, amandine cécité sur le bilan des candidats et le contenu précis de ce qu’ils avançaient.

Mais cela n’est pas une nouveauté et, par conséquent, cela ne mérite pas qu’on s’y arrête. L’évènement c’est que le PS a organisé une primaire hors du commun. Sa tenue a d’abord auto-bloqué et asphyxié son président sortant en exercice. Puis elle a conduit à faire voter massivement contre le Premier ministre qui a été l’inspirateur du quinquennat. Le fait n’est donc plus la primaire mais ce qui s’exprime à travers elle.
Considérée vue de haut, la situation manifeste un moment particulièrement fort dans la maturation du phénomène « qu’ils s’en aillent tous ». L’insoumission, annoncée par le nom de notre mouvement, partait du constat que ce phénomène travaille en profondeur notre société. Ce phénomène que les Tunisiens avaient nommé le « dégagisme » par référence au slogan omniprésent de leur révolution démocratique à l’adresse du PS de Ben Ali : « dégage ». Car ce résultat est totalement inédit pour un exercice du type d’une primaire.
On doit donc en déduire que tout cela constitue une tendance lourde du moment politique. C’est cette pulsion « dégagiste » qui ouvre les saisons de grand remuement des sociétés. L’épisode Fillon et ses emplois familiaux au Parlement vont sans aucun doute accroître la rage et le dégoût qui labourent la profondeur de la société. Peu de fois dans ma vie politique j’ai senti autant d’exaspération que j’en observe maintenant. Et on devine que la tendance « dégagiste » de la société va s’amplifier après ce qui sera ressenti comme un succès. Que l’instrument au PS en ait été Benoît Hamon, qui a chanté des paroles si proches des nôtres, est une source de satisfaction supplémentaire. Car dans le combat politique, il est essentiel de commencer par l’élargissement de la surface d’usage des mots que vous employez.
Pour moi, sixième République, planification écologique, indépendance de la France, couvrent désormais un champ plus large que celui qu’ils occupaient lorsque nous étions seuls à les prononcer. Que pour désigner son candidat le PS ait préféré nos mots à ceux de son propre gouvernement est un fait qui donnera ses fruits le moment venu. Sans hégémonie culturelle, un programme a les plus grandes peines à avancer. À présent, les gens sérieux, qui sont les plus nombreux, s’intéresseront au contenu, à la cohérence du programme qui se déduit de ces mots. J’estime que le programme historique « L’Ère du peuple » et sa traduction dans « L’Avenir en commun » forment un tout qui, dorénavant, est adossé à une vague dans notre pays. C’est à nous qui avons porté ce choix tant d’années d’être à la hauteur pour le rendre victorieux. La campagne des « insoumis » et ma candidature sont là pour cela. Rien que pour cela.

Obscène sarabande de la caste

Certes, il m’a qualifié de « rouge de chez les durs »  et même, comme c’est fin, de « Fidel Castro de YouTube ». Mais n’offense pas qui veut. C’est donc sans rapport avec cette saillie de fin de banquet que je reviens sur l’affaire des emplois familiaux de M Fillon. Peut-être n’y a-t-il rien d’illégal dans les emplois de Madame Fillon. La justice le dira. Mais il y a quelque chose de profondément immoral. Et politique. C’est le décalage entre le niveau de revenu de Pénélope Fillon en tant que collaboratrice de son mari, et la purge prévue par François Fillon dans son programme. Car François Fillon ne prépare pas seulement la destruction de la Sécurité sociale et l’affaiblissement des services publics. Il prévoit aussi une ponction très sévère du pouvoir d’achat populaire ! Et comme beaucoup l’ont compris, l’indignation ambiante n’en est que plus violente.
Le programme de François Fillon fonctionne comme une pompe aspirante dans les poches du commun qui verse ensuite à gros bouillon dans les poches des riches.  C’est-à-dire Robin des bois à l’envers. Ce n’est pas moi qui le dis. C’est Alain Madelin, un libéral de choc qui sévissait dans les années 2000. Il l’a déclaré au magazine Le Point le 26 mai 2016, bien avant la victoire de Fillon à la primaire de droite. Lisez : «Si François Fillon passe pour le plus libéral, c’est hélas parce que son programme est assurément, en matière de purge, le plus abouti. Voilà qui prête le plus à la caricature d’un libéralisme antisocial… Je pense que cette présentation est une caricature du libéralisme qui apparaît comme une purge patronale. C’est du Robin des bois à l’envers : prendre de l’argent aux pauvres pour le donner aux riches ! ».
C’est vrai. François Fillon veut augmenter la TVA. Et pour quoi faire ? Pour compenser le cadeau de la suppression de l’Impôt de solidarité sur la fortune (ISF) que paient les millionnaires de ce pays. La TVA augmenterait de 2 points, et passerait de 20% à 22% du prix des produits et services. Cela représente une ponction de 15 milliards d’euros par an dans les poches du peuple ! Et dans ce peuple, moins on est riche plus on paie ! En effet, les petites gens dépensent tout le peu qu’elles ont et paient donc de la TVA sur tout leur revenu là où les riches épargnent en grande partie. Avec cette hausse de la TVA, François Fillon va donc prendre 300 euros par an dans la poche de chaque salarié payé au SMIC ! 300 euros ! Cela représente plus de la moitié du RSA mensuel, plus d’un tiers du minimum vieillesse mensuel, un quart de SMIC mensuel ou encore quatre pleins d’essence ou la moitié du coût annuel de la cantine scolaire pour un enfant en moyenne. C’est donc une très lourde amputation du pouvoir d’achat que prépare François Fillon. Il ne fait aucun doute que la consommation et donc l’activité du pays en sera réduite d’autant.
Et que va faire François Fillon avec vos 300 euros ? Il va commencer par rendre 15 000 euros par an à chaque millionnaire de France ! Robin des riches à l’œuvre. En effet, François Fillon veut supprimer l’ISF, l’impôt de solidarité sur la fortune. Aujourd’hui cet impôt rapporte plus de 5 milliards d’euros par an de recettes à l’État. Il est payé par 343 000 foyers fiscaux. Cela représente à peine 1% des 37 millions de foyers fiscaux. Il fallait l’imaginer : augmenter la TVA pour tous pour baisser l’impôt des 1% les plus riches ! Mais ce n’est pas tout. Avec la hausse de TVA, François Fillon entend aussi faire un très beau cadeau aux actionnaires. Il veut utiliser la hausse de TVA pour « financer une partie des allègements » de cotisations sociales et de baisse d’impôt sur les sociétés.
Avec Fillon, le pouvoir d’achat va en prendre un rude coup. François Fillon a déjà prévu de ne pas augmenter le SMIC. Sur TF1 lors d’un débat de la primaire, il a expliqué le plus froidement du monde qu’à ses yeux, « le SMIC actuel c’est ce que la société française peut faire de mieux » en matière de niveau de salaire. Il a aussi prévu de faire les poches des chômeurs. Il veut rendre « dégressives » dans le temps les allocations-chômage. Il n’a pas précisé le détail mais cela consiste à réduire le montant de l’allocation perçue chaque mois au fur et à mesure que le chômeur reste au chômage. Une double peine en somme ! Enfin, avant que François Fillon ne dise qu’il retire ce projet sur la santé, il vous coûtait déjà au moins 300 euros de plus par an pour votre complémentaire santé pour compenser les déremboursements par la Sécu !
C’est en lisant ces comptes que l’on prend la mesure de ce que signifie la découverte de l’embauche de son épouse et du niveau de sa rémunération. Je suis témoin de la rage que cette information fait naître. Une colère drue et terrible comme ce vent qui coupe en deux les gens qui dorment par terre tandis que continue ce monde d’opulence insolvable.

La caste qui défend cet ordre des choses et le complète à la sauce du programme de Fillon est fauchée par un règlement de compte interne qui dévoile son obscène sarabande.

Aucun commentaire: