J’ai répondu à quelques questions de l’hebdomadaire « L’Huma dimanche »
qui m’a proposé une belle interview et sa une. Je vous propose de
retrouver ici, pour ceux qui ne l’auraient pas lue, les mots consacrés à
la convocation du 18 mars.
HD : Quel regard portez-vous sur la situation politique
marquée par l’affaire Fillon, par des certitudes qui volent en éclats
les unes après les autres ?
JLM : Cette situation est un symptôme sidérant de décomposition
politique. La cause est connue. L’argent, qui dévore le pays, dévore
aussi les personnes. Le mal frappe le cœur de l’élection centrale dans
la 5ème République. On investit quelqu’un qui est doté de
pouvoirs considérables. Le feuilleton Fillon tue tout autre sujet… Il
est aujourd’hui impossible de lancer le moindre débat. C’est un moment
particulièrement déstabilisant pour la démocratie. Un exemple : Monsieur
Macron annonce la fin du système des retraites à la française et le
passage au régime par points… zéro seconde de débat. Et au milieu de
cela surnage « l’opération Macron » qui est l’homme de l’oligarchie dans
un pays où 90% des médias sont contrôlés par 9 milliardaires, dont cinq
qui ont fait le choix de le soutenir.
Cette situation nous amène aux portes d’un moment politique
particulier que j’appelle le « dégagisme », une force aveugle de rejet
de tout et de tous. Notre rôle est de lui ouvrir une issue positive. Ce
n’est pas d’attendre que tout s’effondre dans le chaos. C’est pourquoi
je mène une campagne d’adhésion à un programme. Ce n’est pas une
campagne où l’on fait peur, où l’on pousse les gens à se décider en
fonction de pari sans contenu : « qui est-ce qui a le plus de chance
de… ». Ce type de calcul a été ridiculisé par la multiplication des
hypothèses qui n’ont pas tenu deux mois. Et personne ne sait quelle sera
la situation dans un mois.
Cette campagne d’adhésion à un projet est ponctuée d’évènements comme le 18 mars sur la 6ème République qui est une façon de traduire d’une manière concrète cette issue positive.
HD : Le 18 mars a donc changé de signification au regard de cette situation que vous décrivez ?
JLM : Oui. Au départ il s’agissait de souligner l’importance du
changement des institutions pour la suite de la vie politique de notre
pays. Notre projet politique, notre stratégie révolutionnaire, partent
de l’idée que le peuple se réapproprie les institutions politiques en
les redéfinissant. C’est la stratégie de la révolution citoyenne. Mais
la vitesse à laquelle le système donne des signes d’effondrement fait
que le 18 mars prend une signification plus large. Et nous devons en
tenir compte dans la manière de conduire cette journée afin que s’y
sentent à l’aise l’ensemble de ceux qui ont compris que la racine du mal
c’est la conjonction entre la monarchie présidentielle et la
toute-puissance de la finance. Le passage à la 6ème République, c’est « une loi de séparation de la République et de l’argent ».
HD : C’est pour cela que vous souhaitez qu’il n’y ait pas de
drapeaux d’organisations ? Ce qui entraîne une polémique sur les réseaux
sociaux.
JLM : Mais ! Puis-je donner une consigne sans que l’on en sorte un mot
pour provoquer toutes sortes de polémiques absurdes. J’ai dit et répété
à tous les partis qui soutiennent ma candidature que nous devions faire
attention au fait que la campagne est construite sur un modèle
particulier, dont l’objectif peut se résumer en une formule : « fédérer
le peuple ». Il faut donc que tout le monde puisse se sentir à l’aise
quelle que soit son appartenance. D’où mon souci de faire en sorte que
nos partis ne donnent pas le sentiment de s’approprier la marche. Nous
ne faisons pas une manifestation traditionnelle ! Nous exprimons
ensemble quelque chose de plus grand que nos partis respectifs. Venez
avec des pancartes, des slogans des revendications. Et bien sûr mettez
vos badges ! Les militants politiques sont les bienvenus. Mais agissons
pour que tout le monde soit à l’aise. Un militant politique de masse
comprend ce souci d’élargissement.
HD : Avez-vous des échos de la préparation de cette journée, sera-t-elle un succès comme en 2012 ?
JLM : J’y compte bien. Nous écrivons ensemble une page de la légende
populaire ! On sait qu’il y aura des dizaines de milliers de personnes.
Mais quel est le degré de porosité entre les milieux que nous mobilisons
et le reste de la société ? La moitié des gens ne savent pas pour qui
ils vont voter. Ce n’est pas de l’apolitisme, mais un refus de la scène
politique qui est proposée.
Pendant un temps on nous disait que le mot d’ordre de 6ème République
n’avait pas de rapport avec la question sociale et qu’il était trop
abstrait. Mais entre-temps il y a eu six 49.3 pour faire passer la loi
El Khomri et la loi Macron. Donc beaucoup de gens ont compris qu’il y
avait un rapport entre la nature des institutions et le projet social.
Jean-Luc Mélenchon
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