Israël a une longue et riche histoire d’utilisation de la loi pour
déposséder les Palestiniens de leur terre. Qui accepte de regarder ce
qui s’est passé pendant les derniers 70 ans ne devrait pas feindre
d’être scandalisé par la dernière « loi de vol des terres ».
Bravo au parlement israélien pour avoir voté au début de cette
semaine (8 février) la « loi de régulation des colonies » (aussi connue sous le nom
de « loi de normalisation » et « loi d’officialisation »).
La loi légalise rétroactivement le vol par les colons de terres
privées propriétés de Palestiniens, en grande partie les terres sur
lesquelles ces colonies qu’Israël appelle des « avant-postes illégaux »
ont été construites – car leur existence est illégale même selon la loi
israélienne.
Pour être honnête, je ne comprends pas vraiment l’indignation du
public « juif et démocratique » envers la législation et son passage
dans la loi. La nouvelle loi reste fidèle à la longue tradition
israélienne d’« officialisation » ou de « régulation » du vol des
propriétés palestiniennes par des moyens légaux ; cette loi n’introduit
aucune astuce que nous n’ayons vu auparavant.
La tradition commence dans les premières années de l’État d’Israël
avec la « Loi sur la propriété des absents de 1950 » qui « régule »
l’expropriation des propriétés palestiniennes de tout.e Palestinien.ne
qui avait fui.e ou été chassé.e de sa maison pendant la guerre de 1948
et avait achevé son parcours dans l’un des États arabes alentours, « ou
dans toute partie de Palestine hors du territoire d’Israël » entre le
29 novembre 1947 et le 19 mai 1948.
Ce que fit la loi sur la propriété des absents, c’est qu’elle déclara
que tout ce qui concernait propriétés et terres, était effacé des
registres en 1948 – s’agissant des propriétés possédées par les
Palestiniens s’entend. Les Palestiniens n’ont aucun recours légal
possible pour réclamer des propriétés laissées avant 1948. Les juifs
par contre peuvent retrouver les propriétés qu’ils possédaient avant
1948, dans les quartiers de Jérusalem Est comme Sheikh Jarrah, et les
autorités israéliennes sont ravies de les aider en chassant les
résidents palestiniens de ces propriétés.
Après 1967, la pratique s’est complexifiée, quand Israël a annexé
Jérusalem Est, il a aussi appliqué son système de lois dans les nouveaux
quartiers et villages occupés, incluant la Loi sur la propriété des
absents. Ce qui transforma toutes les propriétés appartenant à des
résidents de Jérusalem Est en propriétés d’absents, puisque durant la
période définie par la loi, ils étaient résidents d’un pays ennemi, la
Jordanie, qui contrôlait Jérusalem Est à cette époque. Cette situation
juridique trop absurde aux yeux même des autorités israéliennes, fit
que les Palestiniens vivant dans les zones annexées plus tard par
Israël furent exemptés de la loi.
Mais que se passe-t-il avec les palestiniens résidents de Cisjordanie
qui ne vivaient pas à Jérusalem mais y avaient des propriétés ? De
nombreux ministres de la justice israéliens ont déclaré fondamentalement
inacceptable l’application de la loi sur la propriété des absents à ces
personnes. Mais les autorités israéliennes ont décidé de les ignorer.
Au contraire, elles commencèrent dans les années 80 à utiliser la loi
dans un effort massif pour soulager les Palestiniens de leurs propriétés
et les confier aux colons juifs.
En d’autres termes, la position israélienne est : les propriétés qui
appartiennent à des juifs avant 1948 et sont localisées sur le
territoire israélien sont... à nous ; les propriétés qui appartiennent
aux palestiniens chassés ou enfuis en 1948 sont...à nous ; les
propriétés de Palestiniens qui n’ont jamais quitté leurs maisons mais
localisées sur des terres ultérieurement annexées par Israël sont.. à
nous. Et nous n’avons même pas parlé des terres à l’intérieur d’Israël
déclarées « terres d’état » afin de déposséder les Palestiniens, ou des
magouilles du Fond National Juif, ou des manipulations par lesquelles
les terres furent acquises avant l’établissement de l’État.
La loi votée au début de cette semaine n’était que l’étape suivante
logique dans les efforts réglementaires et juridiques depuis des
dizaines d’années destinés à s’emparer de la terre palestinienne. Ainsi
cette semaine, des terres appartenant à des Palestiniens qui
n’avaient même jamais quitté leurs maisons, dans un territoire jamais
annexé à Israël, et qui ne sont pas situées dans l’État d’Israël – sont
aussi à nous.
Alors pour tous ceux qui n’avaient pas fait attention jusqu’ici,
continuez à lever les yeux au ciel, à vous indigner et vous arracher les
cheveux sur la perversion de cet exercice d’équilibriste d’Israël
« juif et démocratique ». Alors que tous ceux qui ont fait attention
pendant les 70 dernières années, comprennent que cette nouvelle loi suit
le seul et unique chemin emprunté par le sionisme israélien depuis ses
tous premiers jours.
ORLY NOY écrit dans « conversation locale » un site de gauche
anticolonialiste en hébreu et sur +972 un web magazine en anglais
contre l’occupation. Elle se définit ainsi :
Je suis une militante politique, dans le passé j’ai milité à la coalition des femmes pour la paix et l’arc en ciel démocratique oriental « keshet ». Ces dernières années je suis devenue plutôt une militante de clavier. Je m’intéresse aux lignes d’intersection et de définition de mon identité comme orientale, femme de gauche, femme, une migrante temporaire vivant à l’intérieur d’ une perpétuelle immigrante, et le constant dialogue entre toutes. Je traduits de la poésie et de la prose du persan, et je rêve de construire sinon une bibliothèque entière au moins une modeste étagère de livres persans en hébreu, comme acte politique de lutte contre la marginalisation de la culture orientale dans le discours israélien.
Je suis une militante politique, dans le passé j’ai milité à la coalition des femmes pour la paix et l’arc en ciel démocratique oriental « keshet ». Ces dernières années je suis devenue plutôt une militante de clavier. Je m’intéresse aux lignes d’intersection et de définition de mon identité comme orientale, femme de gauche, femme, une migrante temporaire vivant à l’intérieur d’ une perpétuelle immigrante, et le constant dialogue entre toutes. Je traduits de la poésie et de la prose du persan, et je rêve de construire sinon une bibliothèque entière au moins une modeste étagère de livres persans en hébreu, comme acte politique de lutte contre la marginalisation de la culture orientale dans le discours israélien.
Traduction Michèle Sibony pour l’UJFP
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