Les effets de l'explosion des réacteurs le 11 mars 2011 se font encore
sentir dans la région environnante de la centrale nucléaire japonaise,
sur le plan écologique comme sur le plan humain.
Six ans se sont écoulés depuis la catastrophe de Fukushima ; et, autant
les traces du tsunami s’effacent peu à peu dans le paysage, autant les
effets souvent invisibles de l’explosion des réacteurs de la centrale de
Fukushima-Daiichi continuent à marquer la vie des hommes, des femmes et
des enfants. Ceux qui ont subi une irradiation dont l’ampleur est
toujours laissée dans le flou par les autorités japonaises ; et ceux qui
ont, en plus, dû fuir la zone contaminée, pour s’installer chez des
amis ou de la famille ou, plus nombreux, pour être logés dans des camps
provisoires.
Là, impossible de retrouver une vie normale : ils sont parfois rejetés
ou jalousés par les populations auprès desquelles ils vivent sans se
mélanger – car considérés comme des « étrangers ». Ceux du camp d’Onigoe
et d’ailleurs m’ont souvent raconté qu’ils passaient pour des
privilégiés parce qu’ils touchent une indemnité mensuelle de l’État et
de la Région, et parce qu’ils sont logés dans des petites maisons de
deux pièces au confort minimum, qui conviennent à des couples mais où
les familles avec enfants ont bien du mal à vivre. D’autant plus qu’ils
ne retrouvent pas souvent du travail.
Les réfugiés dans l'angoisse
Ces hommes et ces femmes, notamment les plus âgés, vivent mal
l’éloignement de leurs villages. Ils en rêvent toujours malgré le temps.
Mais, contradiction compréhensible, ils n’ont pas vraiment envie d’y
retourner ; lorsque et si sera possible. Par crainte de la contamination
dont on ne leur dit pas grand chose. Et aussi parce qu’ils savent que
dans les villages ou petites villes rouvertes aux habitants sur des
critères inconnus, il ne revient pas grand monde. Ils ont donc peur de
s’y sentir bien seuls dans des espaces où, de plus, peu de magasins
essentiels ont rouvert leurs portes. Comme de nombreux services publics
d’ailleurs.
Ainsi à Hirono, grande ville où, paraît-il, il n’y aurait plus de
danger, seuls 5 000 habitants – soit la moitié – sont de retour. Un vide
masqué par la présence des techniciens et ouvriers allant chaque jour à
la centrale accidentée pour la réparer et la nettoyer. Tout au long du
parcours de la route menant à Fukushima, d’immenses étendues de déchets
et de terres irradiés, entassés sous de simples bâches vertes et dans
des sacs noirs, prouvent que rien n’est réglé. À la centrale, tout ce
qui a été irradié est encore sur place et les énormes citernes d’eaux
contaminées témoignent de l’impuissance des « liquidateurs » de la
catastrophe.
Les mensonges officiels sur la radioactivité
Dans la centrale, où les spécialistes repèrent régulièrement des «
bouffées » d’intense radioactivité relâchée par les réacteurs toujours
en fusion, les panneaux lumineux témoignent des dangers. Mais, lorsque
le visiteur (très encadré) le fait remarquer, les responsables de la
Tepco, l’opérateur privé de Fukushima-Daiichi, rétorquent que ces
balises alimentées par l’énergie solaire sont « déréglées ». Ils font
d’ailleurs les mêmes remarques pour celles qui sont installées dans les
zones à nouveau autorisées aux habitants. Pas étonnant dans ces
conditions que les pêcheurs et les agriculteurs peinent à vendre leurs
productions. Un paradoxe dans une région où se pratiquait souvent
l’agriculture biologique.
Plus qu’à Tchernobyl six ans après l’accident, la zone de Fukushima
vit sous le règne du mensonge et de la désinformation. Déni de la
réalité qui concerne également le nombre de Japonais malades ou morts
des effets de la radioactivité. D’autant plus que les responsables de la
centrale ne savent pas (ou ne veulent pas dire) comment la centrale
sera un jour nettoyée. Une seule certitude, les robots utilisés pour
explorer les cœurs nucléaires fondus tombent toujours en panne
lorsqu’ils sont envoyés en exploration. Et, pour l’instant,
l’installation d’un sarcophage semblable à celui de Tchernobyl et
destiné à isoler les réacteurs de l’atmosphère n’est toujours pas
tranchée alors qu’elle avait été annoncée pour 2019…
Rien ne paraît donc réglé dans le département de Fukushima. Ce qui
n’est pas surprenant après un accident nucléaire majeur qui a d’autant
plus affolé la population que les autorités en ont masqué les
circonstances et les conséquences. D’où une angoisse de plus en plus
grande dans les populations concernées, qui se sentent toujours en
sursis…
politis.fr
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