mercredi 22 mars 2017

La clause Tartuffe

Gérard Filoche        

Combien de mots prononce t on sur un chantier dans une journée ? Très peu ! Les conducteurs de travaux règnent sur la division du travail ; ils ont 20 entreprises sous-traitantes de  1er rang et encore 30 sous-traitantes de 2° rang !  Et ils ont encore autant d’entreprises intérimaires, qui elles mêmes fournissent des « extras » de dernière minute dont « l’avare » chef de chantier n’a même pas idée et ne cherche surtout pas à en avoir ! Ce sont les jeunes roumains ou polonais « détachés », acteurs isolés, sous payés, maltraités. Personne ne se connaît sur la même scène de travail.

En France, les « majors » du bâtiment se font des milliards sur le dos de ces « travailleurs détachés » dont ils ne paient même pas les cotisations sociales : il y a un « chef de chantier », un, dans l’endroit propre et chauffé, avec des plans et des téléphones. Et il y 99 % d’ouvriers atomisés à la tâche qui parlent tous des langues différentes et communiquent par signes.
Un inspecteur du travail met 2 heures à identifier les 65 entreprises et leurs 250 salariés qui ne se connaissent pas entre eux,  n’ont pas de vestiaire, craignent chacun pour leurs propres outils, et n’ont qu’une vue parcellaire d’un coin du chantier. Même à la pause, les ouvriers ne se parlent pas, par petits groupes avec leurs gamelles, la table est une planche posée sur des briques de fortune. Leurs petits chefs, le patron de 2 ou 3 ouvriers, ne vient au CISSCT que pour ne pas payer l’amende, il ne cesse de regarder sa montre tellement ça l’ennuie, il n’écoute pas et n’intervient jamais, surtout s’il a des problèmes de sécurité. Quand il n’y a pas assez de garde-corps, ils sont dérobés et transportés d’un endroit à l’autre, toujours sans paroles.
Au lieu d’interdire les sous-traitances sur plus d’un niveau, au lieu d’imposer que les donneurs d’ordre soient responsables de ce qui se passe sous leurs ordres, au lieu d’aligner les conventions collectives des entreprises intervenantes sur celles des entreprises utilisatrices, quelques incompétents « Président de régions », Mme Pécresse et M. Wauquiez, font du théâtre et imposent une « clause Molière » : il faut « parler français sur les chantiers ».
Ces Tartuffe ne savent même pas qu’il est difficile d’imposer que les notices sécurité soient rédigées en français par… les fournisseurs. Cette « Précieuse ridicule » qui dirige l’Ile de France ne sait pas que tout, gâchis, travail dissimulé, fraudes, y compris les barrières de la langue, est de la volonté délibérée des patrons car cela les aide à mieux mater et moins payer les ouvriers en les divisant.

Le Trissotin du Lyonnais ignore que les accidents du travail viennent de cette désorganisation volontaire du travail, et que, plus on est précaire, intérimaire, flexible, moins on parle et plus on risque sa vie. « Comment peut-on être Persan ? » sur les chantiers pendant que les Fâcheux, Bouygues, Eiffage, Vinci, Pecresse, Wauquiez jouent à l’Etourdi ?

filoche.net

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