L'Europe
est une colonie étasunienne créée par un agent français de la CIA et un
ministre de Pétain. La politique étrangère de Paris se décide à
Washington. Pourquoi dépenser de l'argent en entretenant un lourd
Titanic nommé Quai d'Orsay ? Il faut en faire un palace couvert
d'étoiles et vendre notre voix au Conseil de l'ONU au plus offrant, à
coup sûr le Qatar.
Et
si, sur eBay, on mettait en vente la voix de la France au Conseil de
sécurité de l’Onu ? Ça ferait des sous pour payer d’autres gardes du
corps à Marine Le Pen et d’autres épouses travailleuses à François
Fillon. J’ai un ami corse, expert pointilleux en achat et vente de
votes, qui pourrait se charger de la transaction. On nous dit que les
caisses de la France sont vides ? Très bien. Mais puisque personne,
entre les candidats à la succession de Paul Deschanel, ne nous propose
de faire revenir en France les 160 milliards de taxes et impôts en
cavale, ce droit de suffrage à l’Onu a la qualité d’une voix en or.
Ma
réflexion mérite au moins une bonne étude de marché. Il serait
judicieux de la confier à Ladreit de la Charrière, un homme qui a de
l’entregent, et même de l’entre-François ; qui connaît donc du monde, le
monde. Les plus courageux d’entre nous, ceux qui ont perdu de jolies
soirées à écouter les moulins à paroles des « primaires » l’ont
constaté : pour présider la France, un programme de politique étrangère
n’est pas nécessaire. C’est un peu l’option macramé au bac, larguée
entre la prolongation du boulevard Saint-Germain jusqu’à la mer et la
gratuité des rasoirs.
Avant, l’Europe était à l’étranger... C’est
fini. Tant mieux pour l’espéranto et les citoyens du monde : maintenant
l’Europe, c’est chez nous. Que vous croyez ! On a oublié de le marquer
sur la carte, mais la capitale des 28 n’est ni à Bruxelles ni à
Strasbourg, mais à Washington. C’est là, après 1945, que le plan d’un
grand marché « libre », d’une grande colonie, a été écrit. Son nom sera
Europe. Pour en maçonner les fondations, les Américains ont jadis
missionné deux formidables apôtres, Jean Monnet, ami de la CIA, et
Robert Schuman, ministre de Pétain, des hommes sûrs. Résultat,
aujourd’hui à Bruxelles 40 000 lobbyistes, tels les petits Blancs
d’Afrique, veillent au bon déroulement de l’US dessein.
À
ce point vous objectez que, si l’Europe est étasunienne, en débattre est
alors causer de politique étrangère ! Pas du tout. Par la magie de la
mondialisation mondialisée, il se trouve que la France, c’est
l’Amérique. Donc plus besoin de payer au Quai d’Orsay des diplomates,
« néocons », qui ne sont que les perroquets de Washington. Fermons le
Quai puisque nos choix à l’étranger, hors le sursaut Chirac-Villepin,
sont ceux des Bush, Clinton, Obama et Trump aujourd’hui. Voilà une
seconde économie, zéro Quai.
Sûrement têtus, vous entendez
démontrer que je déraille. Puisque la France bombarde des pans entiers
de la planète, c’est bien la preuve que Paris a une vraie géopolitique. À
cet instant, je suis étonné que vous n’ayez pas remarqué que l’Otan est
un outil des États-Unis dont nous ne sommes que les mercenaires. Qu’il
n’y a pas de bombe « occidentale » larguée sans un OK venu du corral
washingtonien.
Exemple : quand Hollande, dans une crise de folie
peu douce, entreprend de bombarder Damas, Obama dit « no » et le met au
piquet (et c’est heureux). Sans juger utile d’informer le vacataire de
l’Élysée que les Russes, par leurs radars et contre missiles, avaient
déjà rendu le ciel de Damas impénétrable. Non, ce qui est autorisé,
recommandé, c’est le farouche soutien aux oligarques néo-nazis
ukrainiens. Ça, c’est le paradis assuré. D’ailleurs sur son écran
raplapla, Pujadas nous le serine : « L’Ukraine, c’est vital pour
l’Europe. » Traduisons : pour les États-Unis. Et pour ses milliardaires
de la variété Soros, autrement dit pour Wall Street et les
« révolutions » orange. Regardons ailleurs, à Riyad : quand Hollande
assiste à une réunion du Conseil de commandement qui regroupe les
Saoudiens et les États du Golfe, dont le but est d’écraser le Yémen, il
obéit à qui, le président de la République François ?
Heureusement,
en cache-sexe de la « politique » étrangère française, nous avons
Bachar. Ah ! Bachar ! Celui que l’on appelle par son petit nom comme un
ami – ou comme un domestique arabe – sert de cours de rattrapage, type
Sciences-Po, à des députés qui prennent le Pirée pour un homme.
Observons que chacun d’eux, gauche-droite, en bon godillot, a voté pour
la guerre en Libye. Un choix judicieux qui nous indique une grande
capacité de visionnaire.
J’allais oublier un axe fondamental,
celui sur lequel la France déploie son savoir-faire comme une clématite
sur un tuteur : l’Afrique. Boum le Mali ! Pan pan les terroristes ! Ouh
là là ! Allez faire un peu de tourisme chez les Dogons ou visiter les
Toubous et, dans la foulée, la Centrafrique comme ce n’est pas loin,
vous verrez comme tout va bien en Françafrique où on ne fait pas de
politique étrangère, mais des affaires. C’est sûr, vous n’en reviendrez
pas.
Donc tel un « expert » invité à l’émission télévisée C dans
l’air, j’en reviens à ma bonne idée : vendons notre voix à l’Onu, soyons
Folamour. Je propose comme client le Qatar, sa sagesse, sa hauteur de
vue, sa qualité démocratique qui sont une garantie : notre voix sera
aussi bien portée que du Dior par la Cheikha.
Pourtant, espoir, le
retour d’une stratégie, d’« une vision pour la France », n’est pas une
illusion totalement perdue. Il suffit pour cela de confier les clés du
pays à Emmanuel Macron ou à Benoît Hamon. Prenons le Proche-Orient comme
exemple, le chaudron où mitonne tant d’injustice. Par rapport à Israël,
le banquier Macron qui condamne la colonisation en Algérie, mais
l’approuve à Gaza et Cisjordanie, « rejette l’idée que la France
reconnaisse la Palestine »... Tandis que Hamon, qui lui ne trouve pas
d’aspect criminel à la colonisation, « attend que les pays qui entourent
Israël cessent de lui être hostiles »... Face à ces idées fortes
exprimées par de tels géants, je retire ma proposition : la voix de la
France n’est plus à vendre. Elle est déjà en viager.
Normalien, cacique à l’agrégation de lettres modernes, Laurent Fabius
utilise tout naturellement le mot "expertise" dans son sens anglais
(LGS).
Ce texte a été publié dans le mensuel Afrique Asie de mars 2017.
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