lundi 13 mars 2017

La manif des casseroles

Olivier Cabanel               

Quand certains manifestent pour leur droit, d’autres manifestent pour leur droite, tel François Fillon, qui, lâché par une partie importante de son mouvement, s’est tourné vers les intégristes cathos de la « manif pour tous » pour tenter de se légitimer en tant que candidat à la présidentielle pour LR.

Au moment ou 71% des français souhaitent que Fillon se retire de la campagne des présidentielles et au moment ou, sur l’antenne d’Europe 1, Jean Christophe Lagarde, le président de l’UDI (union des démocrates indépendants) déclare : « on ne joue pas avec la rue contre les institutions, en utilisant une partie minoritaire du parti des LR que sont « sens commun » ou « la manif pour tous ». lien
Pour cette manif, ou Fillon espérait la présence de ceux qui le soutenaient jusqu’ici, on apprend que le 2ème personnage de l’état, Gérard Larcher en l’occurrence ne se rendra pas à cette manif, pas plus que Bernard Accoyer, et de beaucoup d’autres.
Jean-François Copé a affirmé qu’il ne se rendrait pas au Trocadéro, mais ce n’est pas vraiment une surprise. lien
Quant à Jean Louis Debré, il a accusé Fillon de se comporter comme l’extrême droite. lien
Sauf que Fillon se refuse à voir la réalité, et veut se légitimer en comptant sur le nombre des participants au Trocadéro.
Les « jeunes avec Fillon » ont aussi déserté le navire, ainsi que Thierry Solère, son propre porte parole. lien
La manif passée, les observateurs officiels ont décompté 45 000 manifestants, considérant que l’endroit ne peut contenir plus de 50 000 personnes, mais le candidat LR a été plus gourmand, et a assuré qu’ils étaient plus de 200 000, voire 300 000. lien
Il y a 2000 ans, un homme multipliait les pains, et c’était considéré comme un miracle, mais peut-on considérer Fillon comme un élu christique pour autant ?
Que Fillon soit fâché avec la réalité, voire avec la vérité, ce n’est pas une nouveauté, mais qu’ils aient été 45 000 ou plus, pour être élu Président de la République, ne change rien, il faut au moins 20 millions de voix, et un rassemblement aussi populaire qu’il soit n’est pas une condition suffisante pour gagner...à preuve le rassemblement « France forte » que Sarközi avait organisé en 2012 au même endroit, ce qui n’a pas empêché sa défaite. lien
Le même jour, un millier de citoyens républicains avaient tapé sur des casseroles pour dénoncer la corruption, avec comme mot d’ordre : « l’impunité, ça suffit », avec en ligne de mire Marine le Pen et François Fillon...manifestation décidée bien avant celle du candidat LR. lien
Une chose est certaine, c’est que Fillon doit regretter certains tweets, qui viennent malencontreusement le remettre en question, si l’on se souvient qu’il avait affirmé qu’une mise en examen sonnerait la fin de sa candidature, pour reprendre sa parole quelques jours après.
Florilège :
« Je ne descendrai dans la rue que si des libertés essentielles étaient menacées comme en 1984 »... 
« Si on admet que la rue peut contester le pouvoir légitime, on admet que la démocratie à échoué. On ne peut transiger avec cela  »... « Quand c’est la rue qui décide dans un pays, c’est que la démocratie et le choix du peuple ne sont plus respectés »...
« Aucune excuse à accorder à ceux qui pensent que la loi de la rue est supérieure à celle de la République. Ils sont les ennemis de la liberté »... lien
Plus grave, le candidat LR semble sombrer dans une mythomanie de mauvais aloi, affirmant sur FR2 : « on a annoncé le suicide de ma femme mercredi matin sur les chaînes de télévision »...alors qu’après des recherches complètes, il apparait qu’aucune chaîne n’en a pourtant fait mention. lien
Enfin, on est quasi sur d’une chose, il n’est pas autiste... en tout cas, c’est lui qui l’a affirmé à plusieurs reprises dimanche soir sur l’antenne de FR2. lien
Cette approche de l’autisme a ému à juste titre de nombreux téléspectateurs, au point que l’association SOS autisme France a tweeté « stop aux clichés » et réclamé des excuses, et une rencontre avec l’ancien premier ministre. lien
Bien malin celui qui saurait comment tout ça va finir, mais en tout cas, Juppé a fait savoir le 6 mars qu’il ne fallait pas compter sur lui pour jouer les remplaçants.
L’un des arguments qu’il a utilisé est assez surprenant, car il se dit trop âgé pour la fonction « pour moi, il est trop tard, on n’incarne pas le renouvellement à 71 ans »... mais alors on peut s’interroger, pourquoi a-t-il été candidat à la primaire ?
Il a fait le constat lucide d’une gauche fracturée, d’un FN empêtré dans les démêlés judiciaires, de l’immaturité politique et la faiblesse du projet d’Emmanuel Macron, et aussi déploré le « gâchis » de sa propre famille politique, rappelant qu’au lendemain de la primaire, Fillon avait un boulevard devant lui. lien
Mais le temps à passé, et tout a changé.
Dans un sondage réalisé entre le 2 et le 4 mars, juste après sa déclaration du 1 mars  : « je me maintiens coute que coute  », il n’est crédité que de 17% d’intention de vote et il est talonné par Benoit Hamon (16%)...
Dans ce sondage (Kantar Sofres OnePoint) ils sont 58% des électeurs à affirmer qu’ils ne voteront jamais pour Fillon, et 53% ont déclaré qu’ils ne voteront jamais pour MLP... lien
Sur la question éthique, un sondage a interrogé les français et il en revient qu’on trouve en tête Jean-Luc Mélenchon (24% des voix), suivi de Benoît Hamon (21%), Emmanuel Macron (20%), Marine Le Pen (14%), Nicolas Dupont Aignan (9%), François Fillon fermant la marche avec un tout petit 7%... lien
Pas étonnant quand on sait que Transparency International constate que la France est l’un des pays les plus corrompus d’Europe. lien
La pression est donc forte sur le candidat LR, pressé de toute part de passer la main, et de privilégier la réussite de son parti, plutôt que la sienne, d’autant qu’après la perquisition de son appartement parisien, suivie par celle de son château dans la Sarthe...une menace de conflit d’intérêt, avec la société de conseil 2F, située à la même adresse que son appartement parisien, plane sur sa tête. lien
Finalement, notre paysage politique est sérieusement chamboulé, car entre les socialistes qui, devenant frondeurs à leur tour, tournent le dos à Hamon pour rejoindre Macron, entre la droite qui ne sait plus à quel saint se vouer, inquiétée par le temps qui passe, coincée entre un Fillon obstiné, un Juppé revanchard, sans oublier une extrême droite, menacée à son tour par la justice, touchée actuellement par une désaffection visible...400 élus frontiste ont récemment quitté le parti, déchirant leur carte, dégoutés par le clientélisme, le népotisme, les magouilles, et une certaine nostalgie du nazisme, (lien) cette élection présidentielle pour laquelle nombreux se désintéressaient, devient de plus en plus passionnante...même si, en contrepoint, on sent les électeurs de plus en plus poussés vers une réelle démocratie, dans laquelle le peuple aurait le premier rôle.
En attendant, le staff de campagne LR qui s’est réuni au soir du 6 mars, n’ayant d’autre alternative, a finalement remis en selle son candidat, mais il est probable que ceux qui ont déjà quitté le navire, notamment ceux de l’UDI, n’y reviendront pas, condamnés à assister impuissants au naufrage annoncé, ou à mettre le cap sur le camp Macron.

Comme dit mon vieil ami africain : « compte plus sur ton âne, même s’il rue, que sur le cheval d’un autre ».

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