« L’homme
robot, l’homme termite, l’homme oscillant du travail à la chaîne :
système Bedeau, à la belote. L’homme châtré de tout son pouvoir créateur
et qui ne sait même plus, du fond de son village, créer une danse ni
une chanson. L’homme que l’on alimente en culture de confection, en
culture standard comme on alimente les bœufs en foin. C’est cela,
l’homme d’aujourd’hui. » ( Antoine de Saint-Exupéry, Lettre au général « X » )
Dommage que tu ne sois plus de ce monde
pour « apprécier » cet homme robot dont tu parlais. Toi qui, comme moi,
aimais bien cultiver les petits princes et rêver d’un monde meilleur que
celui dans lequel tu as vécu, n’en reviendrais pas.
Nous sommes à peine plus que des
épluchures, des nègres au service d’un monde en train de perdre tous ses
pays. On parlait de « botte nazie ». Maintenant, c’est le soulier
vernis des pillards qui parcourent le monde, avalent des richesses comme
un énorme Gargantua assis dans son bureau, un cafard ingénieux et
monstrueux.
La propagande, elle, est une soumission
constante à la peur des pertes d’emplois. Ils font fabriquer nos
chemises à l’autre bout du monde. Ils râpent le dos des pauvres,
assujettis, étranglés dans leurs grandes usines sordides. Sorte de
camps de concentration qui dit que le travail rend libre. Peut-être
vivons-nous dans une grand camp de concentration et on ne sait pas ce
qu’on va faire de nous ? On a l’impression d’être comme ce juif de
Varsovie qui demanda qu’on lui sauve la vie en donnant ses dents en or.
On les lui arracha, et il fut sauf pour un laps de temps inconnu. Nous
aussi nous vendons ce qui nous permet de manger. Nous sommes – un terme
que tu ne connaissais pas – des survivants de chaque jour. Et sous les
mots que tu désignais : « le fonctionnariat universel ».
La beauté de la vie est en train de s’éteindre. La Terre des hommes est
une Terre de vendeurs du temple échevelés : ils nourrissent des contes
en banque. Maintenant, on sue du cerveau. On transpire de l’âme… Du
moins, de la partie de celle qui nous reste. Car notre petite lumière,
elle aussi, est amochée.
« La civilisation est un bien
invisible puisqu’elle porte non sur les choses, mais sur les invisibles
liens qui les nouent l’une à l’autre, ainsi et non autrement. Nous
aurons de parfaits instruments à musique distribués en grande série,
mais où sera le musicien ? » Lettre au général « X »
C’est une bonne question… Mais où sont
donc ceux qui ont le réel pouvoir ? Ils ont inventé un nuage-camouflage
pour n’être pas vus. Imagine les morceaux d’Hitler tout éparpillés et
que l’on tente d’en faire le portrait pour savoir qui a construit cette
monstruosité sans but humain.
Je me souviens qu’à 14 ou 15 ans, mon
enseignante m’avait prêté de tes livres, parce qu’elle disait que
j’avais du talent. Je les ai lus… Mais ça m’a pris bien du temps à
comprendre. En fait, la moitié d’une vie… Et encore.
Eh bien
maintenant, on s’arrange pour que tous les habitants de cette planète
restent à cet âge pour ne pas comprendre ce que tu disais.
Bonne éternité !
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