samedi 25 mars 2017

Mais non, ça ne pétera jamais (suite)

(Résumé de l’épisode précédent : jamais le nucléaire n’a connu pareille crise en matière de sûreté. Dans ce domaine, elle est double. 

Un : L’an dernier, l’ASN, le « gendarme du nucléaire », a découvert que des pièces cruciales de 46 générateurs de vapeur répartis dans pas moins de 18 réacteurs souffraient de graves défauts de fabrication (deux fois trop de carbone), qui les fragilisent énormément. Mais ils continuent de tourner.
Deux : en épluchant les certificats de pièces fabriquées à la forge du Creusot, ce même « gendarme » s’est aperçu que des centaines de documents avaient été falsifiés de façon à ce que des pièces défectueuses soient malgré tout installées dans les réacteurs.
Preuve que les industriels du nucléaire trichent avec autant de légèreté que des fabricants de lasagnes… L’ASN, dont le président, Pierre-Franck Chevet, a admis publiquement que la situation était « préoccupante », a saisi la justice et passe actuellement au crible (en urgence) 10 000 certificats, ce qui va prendre quelques années. En espérant que tout tiendra bon pendant ce temps-là… « Mais, dit le physicien nucléaire Bernard Laponche, deux autres crises sont en cours. Et c’est la conjonction de ces quatre crises qui m’inquiète au plus haut point. » La troisième crise, économique, concerne Areva, qui a connu trois incroyables fiascos.
À Tchernobyl, les bâtiments construits voilà douze ans sur ses instructions pour y stocker les très radioactifs combustibles nucléaires n’ont jamais pu servir à cause d’un défaut de conception rédhibitoire. À Fukushima, le système prétendument miraculeux d’Areva pour décontaminer les montagnes d’eau radioactive s’est avéré être un ratage complet. Ajoutez à cela la mine d’Uramin achetée à prix d’or et vide d’uranium, et vous aurez une Areva décrédibilisée, en pleine déconfiture financière, qui va devoir être renflouée à hauteur de 9 milliards d’euros – à moitié au moins par l’État (c’est-à-dire le contribuable).
Ce qui reste de sa branche industrielle sinistrée atterrira dans les mains d’EDF, notre géant électrique national. Lequel ne se porte guère mieux. Non seulement le « grand carénage » en cours, destiné à sécuriser les réacteurs français après Fukushima, va lui coûter 100 milliards d’euros, mais il faut y ajouter le coût des travaux pour prolonger leur vie de dix ou vingt ans (des dizaines de milliards en plus). Et celui du démantèlement des 58 réacteurs en activité (19,3 milliards au bas mot). Et celui des déchets : 42,6 milliards, d’après EDF. Bref, en vue : un gouffre financier vertigineux.
La quatrième et dernière crise est sociale. On licencie (5 000 postes bientôt supprimés à EDF), on accélère les cadences, on met la pression sur les sous-traitants : ce mal-être généralisé est parti pour durer, ce qui ne va rien arranger, question sûreté nucléaire. Hanté par la possible survenue d’un Fukushima à la française, Bernard Laponche conclut : « Je ne comprends pas comment ces quatre crises conjointes n’ont pas encore fait comprendre aux pro-nucléaire qu’ils doivent organiser la retraite. Le nucléaire est une industrie du passé. Il faut arrêter de prétendre que la France va en vendre partout : personne n’y croit. »

Sauf Fillon, Macron, Le Pen, etc...

Le Canard Enchaîné N° 5030 du 22 mars 2017 - Via Altermonde -

Aucun commentaire: