Et en France ? Six ans après
Fukushima, comment se porte la sûreté nucléaire dans le pays le plus
nucléarisé du monde ? Officiellement, tout va pour le mieux : les 58
réacteurs, tous proches de la retraite après quarante ans
d’exploitation, en moyenne, sont en train d’être retapés dans le cadre
d’un grand « carénage » qui vise à renforcer leur sécurité en tirant les leçons de Fukushima.
À
Gravelines, par exemple, un énorme chantier est en cours, qui consiste à
construire six bâtiments bunkérisés et antisismiques de 25 mètres de
hauteur, où seront installés, dans des chapes de centaines de tonnes
d’acier et de béton, six moteurs diesels dits d’ « ultime secours »,
permettant de refroidir le cœur du réacteur et d’empêcher la fusion au
cas où… Ce grand carénage devrait coûter 51 milliards d’après EDF, le
double d’après la Cour des comptes : dans le nucléaire, on joue avec les
milliards comme avec des petits pois.
Donc, tout va bien ? Non. On l’a déjà raconté en long et en large dans Le Canard,
mais rappelons-le : voilà trois ans, dans l’EPR de Flamanville en cours
de construction (la fameuse centrale de troisième génération censée
être le nec plus ultra du nucléaire), l’Autorité de Sûreté Nucléaire (ASN) découvre que le couvercle et le fond de la cuve du réacteur fabriqués par la forge du Creusot (désormais propriété d’Areva)
souffrent d’une sérieuse malfaçon : l’acier dont ils sont faits
contient deux fois trop de carbone, ce qui le fragilise énormément. Or,
cette cuve, c’est le cœur du réacteur, là où a lieu la réaction en
chaîne…
Alarmée par cette inquiétante découverte, l’ASN décide de vérifier d’autres pièces fabriquées par la forge du Creusot dans les centrales existantes. Bingo ! Courant 2016, elle découvre dans pas moins de 18 réacteurs la présence de 46 fonds de générateurs de vapeur (autre partie cruciale du réacteur) qui souffrent de ce même défaut. Si la sûreté était réellement prioritaire, il faudrait stopper net les réacteurs concernés. Mais la finance et l’économie commandent : ce serait une catastrophe financière pour EDF et pour la France. Et, en plus, c’est l’hiver !
Alarmée par cette inquiétante découverte, l’ASN décide de vérifier d’autres pièces fabriquées par la forge du Creusot dans les centrales existantes. Bingo ! Courant 2016, elle découvre dans pas moins de 18 réacteurs la présence de 46 fonds de générateurs de vapeur (autre partie cruciale du réacteur) qui souffrent de ce même défaut. Si la sûreté était réellement prioritaire, il faudrait stopper net les réacteurs concernés. Mais la finance et l’économie commandent : ce serait une catastrophe financière pour EDF et pour la France. Et, en plus, c’est l’hiver !
« On entre alors dans une zone grise, note le physicien nucléaire Bernard Laponche. EDF
a continué à faire tourner des réacteurs contenant des pièces
ultrasensibles dont elle sait qu’elles ne sont pas aux normes. L’ASN
lui a demandé de piloter son parc plus prudemment, de ne pas monter ou
baisser trop vite en température. » Sur sa lancée, l’ASN poursuit
ses contrôles à l’usine du Creusot. Se met à éplucher les certificats
qui accompagnent chaque pièce forgée sur place. Stupeur, certains
certificats portent une curieuse marque : deux traits au crayon.
L’affaire des « dossier barrés » commence. Il s’avère que ces certificats-là (pas moins de 80) ont été falsifiés. Qu’ils correspondent à des pièces défectueuses.
L’affaire des « dossier barrés » commence. Il s’avère que ces certificats-là (pas moins de 80) ont été falsifiés. Qu’ils correspondent à des pièces défectueuses.
Par exemple, une pièce cruciale
du générateur de vapeur de Fessenheim 2, lequel est pourtant flambant
neuf (il a été changé en 2012). D’où son arrêt d’urgence dès juin 2016.
Plus de 10 000 certificats sont en train d’être passés au crible. Ça va
prendre des années. En attendant les résultats, tout va bien, non ? (À suivre…)
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