L’annonce du retrait de la candidature de Yannick Jadot à la
présidentielle au profit de Benoît Hamon a déboussolé de nombreux
militants d’Europe Ecologie-Les Verts. Certains d’entre eux affichent
leur volonté de soutenir Jean-Luc Mélenchon.
Entre colère et "gueule de bois", l’ambiance est électrique chez EELV
depuis l’annonce par Yannick Jadot du retrait de sa candidature à
l’élection présidentielle, jeudi 23 février sur France 2. Cette
déclaration faite sans la validation des militants suscite la colère
dans les rangs du parti écologiste, au sein duquel certains ont décidé
de rejoindre Jean-Luc Mélenchon.
"Les cris de trahison sont nombreux, raconte Mathieu Béchu Diaz,
conseiller fédéral EELV d’Alsace, à franceinfo. J’ai reçu une
quarantaine de mails de militants qui abandonnent le parti. Il y a
beaucoup d’orphelins de l’écologie aujourd’hui." Même son de cloche du
côté de Chekra Kaabi, membre du bureau du conseil fédéral d’EELV : "Les
militants nous disent : ’Yannick Jadot nous a trahis’, explique-t-elle.
Certains ont déjà annoncé leur démission."
On a le sentiment d’avoir été vendus. Ce qui est sûr, c’est que nous ne ferons pas campagne derrière le PS.
Chekra Kaabi, membre du bureau du conseil fédéral d’EELV à franceinfo
Au cœur de la polémique, l’accord signé entre l’équipe de négociation
d’EELV et le Parti socialiste. Ce document définit un certain nombre de
garanties électorales, comme l’absence de candidat PS dans les
circonscriptions des députés EELV sortants, et des mesures à mettre en
place si Benoît Hamon est élu : notamment, la fin du projet d’aéroport
de Notre-Dame-des-Landes (Loire-Atlantique), une sortie du nucléaire en
vingt-cinq ans, ou encore l’instauration de la proportionnelle aux
élections législatives. Tout cela, en échange du retrait de la
candidature de Yannick Jadot.
"Il faut arrêter de prendre les gens pour des imbéciles"
Un accord "schizophrénique", tranche Chekra Kaabi. "D’un côté, il y a
un volet programmatique très beau, mais qui ne pourra pas aboutir, et
de l’autre un volet électoral très faible", estime-t-elle. Un accord
avait été aussi signé entre EELV et le PS avant l’élection
présidentielle de 2012. Il contenait déjà la fermeture de 24 réacteurs
d’ici 2025 et une stratégie de transition énergétique. "C’était aussi
formidable, et on a vu ce que cela a donné, se souvient Bénédicte
Monville, conseillère régionale EELV en Ile-de-France. Il faut arrêter
de prendre les gens pour des imbéciles."
Le Parti socialiste nous fait encore des plans sur la
comète, alors qu’ils n’ont même pas été capable de mettre en place
l’écotaxe. (Bénédicte Monville, conseillère régionale EELV à franceinfo)
Un accord d’autant plus critiqué qu’il n’a pas été validé par les
militants avant d’être annoncé. Car pour être définitif, il est censé
être approuvé par une majorité des quelque 17 000 électeurs de la
primaire écologiste. "Le plus grave pour moi reste le déni démocratique,
estime Maël Rannou, candidat EELV aux prochaines législatives dans la
1re circonscription de la Mayenne. C’est triste, car ma confiance en
Yannick Jadot était totale, son discours clair, et j’ai l’impression que
tout ça est balayé d’un revers de la main."
Apprendre par les médias que le candidat pour lequel on
se bat depuis 7 mois a décidé de se rallier, sans nous consulter, c’est
dur.
Maël Rennou, candidat EELV aux législatives à franceinfo : "Je vais parrainer Jean-Luc Mélenchon".
Résultat, les militants ont l’impression que le parti perd de son
crédit. "Ce qui me chagrine le plus, c’est que l’on va encore raconter
qu’Europe Ecologie-Les Verts est un parti supplétif du Parti
socialiste", explique Bénédicte Monville. Cette élue, aussi professeure
de faculté, voit monter "le discrédit total des politiques" dans les
rangs de ses élèves.
Déboussolé, Mathieu Béchu Diaz ne sait pas pour qui il va voter au
premier tour de l’élection présidentielle, "Je me sens spolié de mon
propre choix", explique-t-il. "L’absence de candidat écolo est
historique et complètement déstabilisant", abonde Chekra Kaabi. Alors,
face au "délitement" du parti, eux et d’autres représentants de la
gauche du parti, vont créer une "plateforme programmatique" pour
interpeller les candidats sur les questions écologiques.
D’autres ont pris une décision plus radicale : faire campagne pour
Jean-Luc Mélenchon. C’est le choix de l’élue Bénédicte Monville. "En
l’absence de candidat EELV, je vais donner mon parrainage pour
l’élection présidentielle à Jean-Luc Mélenchon", explique-t-elle. Selon
elle, d’autres élus du parti écologiste seraient sur le point d’annoncer
leur soutien au candidat de la France insoumise.
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