La révolte en Guyane se poursuit. Dans le mouvement de protestation, les
peuples autochtones portent aussi des revendications pour leur dignité,
un mieux-vivre, et la protection de l’environnement.
En Guyane, plusieurs milliers d’Amérindiens, de sept peuples
différents (les kalinas, les lokonos, les palikurs, les wayana, les
wayampi, les tekos, les apalai) vivent sur l’ensemble du territoire, du
littoral aux fleuves frontières que sont le Maroni et l’Oyapock. Les
problèmes auxquels ils font face ne sont pas nouveaux et leurs
souffrances sont connues des autorités. En novembre 2015, un rapport des
sénatrices Aline Archimbaud et Marie-Anne Chapdelaine s’inquiétait des
suicides amérindiens en Guyane. Un an plus tard, un séminaire se tenait
au Sénat et constatait que les propositions du rapport tendaient à rester lettre morte.
La mobilisation guyanaise actuelle est l’occasion pour les
organisations autochtones de porter leurs revendications, dont certaines
ont plus de trente ans. "Nous nous sommes rapidement greffés sur cette mobilisation, dans laquelle nous avons su montrer que nous sommes présents" explique Jean-Philippe Chambrier, coordinateur de la FOAG (Fédération des organisations autochtones de Guyane). "Nous n’avons rien à perdre car l’Etat ne nous a pas donné grand chose jusqu’à présent."
Le collectif Pou La Gwiyann Dekolé, qui réunit les revendications
guyanaises, a intégré la reconnaissance des droits des peuples
autochtones parmi la liste des "revendications concernant des problèmes dont l’urgence ne souffre pas de délais quant à leur résolution".
Vendredi 31 mars, des représentants des peuples autochtones de Guyane
rencontraient à Cayenne la ministre des Outre-mer, Ericka Bareights,
pour exposer leurs revendications. Samedi 1er avril,
suite à l’insatisfaction du collectif Pou La Gwiyann Dekolé face aux
propositions gouvernementales, des ateliers thématiques étaient mis en
place pour travailler sur les différents points de blocage. L’atelier
Peuples autochtones faisait partie des groupes de travail où les points
d’achoppement peinaient plus qu’ailleurs à être résolus.
La première revendication amérindienne est que la France ratifie la Convention « relative aux peuples indigènes et tribaux »
de l’Organisation internationale du travail. La ministre des Outre-mer
se serait engagée à adresser une lettre au Conseil d’Etat à ce propos.
Parmi les autres demandes qui pourraient recevoir une réponse
positive à l’issue des négociations se trouve une revendication
foncière. Tout comme la Collectivité territoriale de la Guyane, les
communes et des représentants du monde agricole, les peuples autochtones
de Guyane demandent de la terre : "La rétrocession immédiate de 400.000 hectares de terres du domaine privé de l’Etat", précisent-ils dans leur liste de revendications. "Il
s’agit de garantir un espace de vie suffisant dans les villages pour la
génération future. Mais aussi de protéger cet espace de vie des
spéculations foncières, des occupations illégales, de la déforestation,
de l’agriculture intensive, des projets d’exploitation aurifères et de
biomasse" explique le document des doléances amérindiennes.
Le souhait d’une plus grande association des Amérindiens à la gestion
foncière de la Guyane s’accompagne de revendications environnementales.
Les organisations autochtones se sont ainsi positionnées contre les activités minières en demandant "l’arrêt
immédiat du projet d’exploitation aurifère par les sociétés Colombus
Gold et Northgold sur le site Montagne d’Or, ainsi que l’arrêt de tout
projet d’exploitation de ce type dès lors qu’il est porté par des
multinationales étrangères". Cette demande est étayée par l’affirmation que la méga-industrie minière "n’est
pas solidaire ni équitable en terme de retombées économiques. Elle ne
développera donc pas notre pays mais, bien au contraire, minera les
bases même de notre patrimoine naturel, à savoir ses ressources
énergétiques et hydriques, son attractivité touristique potentielle et
sa biodiversité."
Les représentants des peuples autochtones demandent aussi à être
représentés à la Commission départementale des mines pour avoir leur mot
à dire sur les choix de développement. Enfin, ils militent pour "l’éradication de l’orpaillage illégal“,
dont certain Amérindiens sont les premières victimes. De par leur
alimentation principalement constitué de poissons, les habitants des
hauts fleuves présentent les taux d’imprégnation au mercure les plus
forts de Guyane, dépassent souvent la limite maximale retenue par l’OMS.
Les Amérindiens demandent également comme l’ensemble des Guyanais un
meilleur accès à la santé et à l’éducation. La création de centres
délocalisés de soins et de prévention dans chaque village du Haut-Maroni
est souhaitée. À l’heure actuelle, seuls deux villages comptent un
centre de ce type. Dans les autres, les consultations effectuées lors de
tournées médicales en pirogue se font sous des carbets communautaires,
au su et au vu de tous.
Pour l’accès à l’éducation, il est demandé la création d’un collège
en pays wayana sur le haut-Maroni et d’une antenne de collège à
Trois-Sauts sur le haut-Oyapock. À l’heure actuelle, les enfants
scolarisés à plusieurs heures de pirogue de chez eux au collège de
Maripasoula sont hébergés dans un internat dont l’état empire d’année en
année, d’après Aikumale Alemin président de l’association Pëtuku Eitëk.
Il dénonce des "maltraitances envers les enfants qui mangent des nourritures fermentés"
par manque de cuisiniers. Sur l’Oyapock, les enfants du village de
Trois-Sauts étudient dans un collège à plusieurs jours de pirogue à
St-Georges de l’Oyapock. En l’absence d’internat public, ils y sont
logés dans un internat tenu par des soeurs catholiques.
Lundi 3 avril, le premier ministre Bernard Cazeneuve jugeait
irrecevables les demandes guyanaises se chiffrant à 2,5 milliards
d’euros. Mardi 4 avril, le collectif Pou La Gwiyann Dekolé appelle les
Guyanais à maintenir la pression sur le gouvernement en manifestant à
Kourou, aux abords du Centre spatial. Les organisations autochtones ont
prévu de se joindre au mouvement pour continuer à faire entendre leurs
revendications au sein de la mobilisation guyanaise.
Vendredi 31 mars,
le porte-parole de La Jeunesse Autochtone Christophe Pierre parlait de "durcir le mouvement" sur le média local Guyaweb, si les attentes amérindiennes n’étaient pas entendues.
reporterre.net
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