Le gouvernement d'Emmanuel Macron envisage d'inscrire dans la loi
commune toutes les mesures de cet état d'exception. Des dispositions
contraires à l'état de droit deviendraient ainsi la norme.
Le gouvernement d’Emmanuel Macron n’est pas moins acquis à la logique
sécuritaire que ses prédécesseurs. Au contraire. Son projet de loi «
renforçant la lutte contre le terrorisme et la sécurité intérieure »,
dont Le Monde a dévoilé la teneur prévoit rien moins que d’inscrire dans le droit commun la plupart des dispositions d’exception autorisées par l’état d’urgence.
La précipitation avec laquelle Emmanuel Macron avait annoncé, au
lendemain de l’attentat de Manchester, son intention de prolonger l’état
d’urgence jusqu’au 1er novembre était de mauvaise augure. D’autant que
le chef de l’État justifiait cette prolongation par la nécessité de
faire adopter une énième loi antiterroriste avant de sortir de l’état
d’urgence.
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Le texte de ce projet de loi, soumis au Conseil de défense du 7 juin, est très inquiétant. Selon Le Monde,
qui a pu le consulter, toutes les mesures emblématiques du régime
d’exception créé en 1955 pendant la guerre d’Algérie – assignations à
résidence, perquisitions administratives, saisies d’ordinateurs et
téléphones afin d’exploiter les données qu’ils contiennent, fermetures
de lieux de culte, zones de protection et de sécurité – « devraient se retrouver dans le droit commun avec quelques modifications marginales ».
Nos confrères notent ainsi que « l’article qui permettra de
prononcer des assignations à résidence de trois mois renouvelables
reprend quasiment mot pour mot les termes de l’article 6 de la loi sur
l’état d’urgence ». Comme c’est la règle dans ce régime
d’exception, toutes les mesures citées plus haut pourront être décidées
par l’autorité administrative (ministère de l’Intérieur, préfets), sans
avoir à en référer à l’autorité judiciaire. Ce qui revient à inscrire
l’arbitraire dans la loi commune. Et à perpétuer indéfiniment toutes les
dérives dénoncées depuis dix-huit mois, et récemment encore par Amnesty
international.
Seule innovation, pas plus rassurante : le ministre de l’Intérieur
pourra décider de placer sous bracelet électronique toute personne
suspecte.
Ce texte, qui comporte également des mesures de surveillance des
communications hertziennes afin de répondre à la censure partielle de la
loi renseignement de juillet 2015 par le Conseil constitutionnel,
pourrait être examiné en Conseil des ministres dès le 21 juin en même
temps que le septième projet de loi de prorogation de l’état d’urgence.
Cette banalisation de l’état d’urgence n’a à aucun moment été
envisagée par Emmanuel Macron durant sa campagne. Et pour cause, en
légalisant l’arbitraire administratif elle attente à l’État de droit.
L’annonce d’un tel projet ne lui aurait pas permis d’être présenté comme
le garant de nos libertés face à Marine Le Pen.
politis.fr
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