L’autre jour je discutais avec un gars que je connais un peu, avec
qui l’on discute parfois politique. Je venais de lire un article sur
« Legrandsoir.info », que je voulais lui faire lire, à propos de l’horreur qui se produisait à Mossoul, en Irak.
Aussitôt qu’il a vu d’où venait l’article, il a tout de suite cessé
la discussion en émettant cette sentence définitive : « ah oui, je
connais « Le Grand Soir », c’est un site complotiste ». Il ajouta
qu’ils étaient pro-chavez et pro-russe, et fin de la discussion.
Il ne lisait pas les articles de ce site, ni celui-ci ni les autres. Comment pouvait-il le savoir ?
C’est qu’une fois un site estampillé « complotiste », les gens
pensent que ceux qui les lisent sont eux-mêmes des complotistes. Ou
qu’il leur suffirait de lire un des articles de ce site pour basculer
subitement du côté obscur.
Prenons le cas du Venezuela. Pour être honnête j’avoue n’y connaître
rien, mais comme la situation commence à devenir assez tendue je me dis
qu’il faudrait que j’en sache un peu plus. Je lis des articles sur
« lemonde.fr », j’écoute France Inter et je tape sur google. À première
vue il semble que Maduro a pété les plombs, qu’il y a eu plus de 100
morts (parmi les manifestants ?) et qu’il est en train de mettre en
place une dictature dans son pays. Je n’aime pas les dictatures et je
suis donc contre Maduro.
Si je m’arrête là j’ai tout bon, je suis du bon côté de la barrière
idéologique. Mais si je commence à regarder sur « Le Grand Soir », ou
sur « Les Crises », je me rends compte que le discours est totalement
différent. On parle de l’extrême-droite vénézuélienne, de manipulations
en provenance des Etats-Unis, de violences exercées non contre les
manifestants mais contre les forces de l’ordre.
Si je m’arrête là, je deviens un complotiste, alors que pour ma part
je me considérerais plutôt à ce stade comme un mec perdu, dans le flou,
dans le doute.
Quand en France des casseurs se battent avec les forces de l’ordre et
qu’il y a « bavure », les seconds crient à la répression sauvage tandis
que les premiers hurlent à la provocation. Quand une Assemblée
Constituante est élue en Tunisie, les premiers glorifient la démocratie
et les seconds crient à la manipulation. Tandis qu’au Venezuela, c’est le
contraire.
Qui croire dans tout ça ? Je ne connais personne au Venezuela, je ne
lis ni l’espagnol ni l’anglais. Que le « successeur » d’un chef de
gouvernement devienne petit à petit un dictateur ne m’étonne pas, mais
que les Etats-Unis fomentent des déstabilisations politiques dans un
pays étranger ne m’étonne pas non plus. Ce ne serait pas la première
fois, dans un cas comme dans l’autre.
La seule chose que je puisse dire à propos du Vénézuela est que la
situation est explosive, et que je ne sais ni qui croire ni pour qui
prendre parti. Je n’en sais rien, tout simplement.
Alors maintenant le complot. Enfin le « complotisme ». Désormais
toute parole qui diffère un tant soit peu de la parole officiellement
admise est suspectée de complotisme. Nous enjoignant à faire comme dans
toute dictature de la pensée : hurler avec les loups.
Pour autant n’ai-je pas le droit de m’interroger sur ce que je lis
dans les journaux, ou sur ce que j’entends à la radio ? La propagande
n’a-t-elle jamais utilisé les médias pour abuser le peuple ? Les
complots n’existent-ils pas ? Lorsque l’on sait qu’une grande majorité
de la presse française appartient à des milliardaires dont les intérêts
sont quelques peu « divergents » de ceux du peuple (je peux le dire
parce que je l’ai entendu sur France Inter), il me paraît sain
d’entendre plusieurs points de vue auprès de différentes sources, pour
pouvoir exercer ensuite librement mon esprit critique.
Je ne sais pas si le Vénézuela est victime d’un complot organisé par
les Etats-Unis, ou part l’extrême-droite ou qui encore, ni s’il est
victime d’un complot organisé par Maduro pour établir une dictature.
Mais je sais que les deux sont possibles, et qu’on ne saura la vérité
que très longtemps après que des drames se seront déroulés.
Au bout du compte cela finit toujours comme cela. Un nouveau
dictateur prendra la place du précédent, et un nouveau complot suivra le
précédent. Pendant ce temps des gens auront souffert, se seront battus
et seront morts. Toujours la même chose.
Celui qui comme moi veut s’informer correctement aujourd’hui ne le
peut pas, car la Vérité n’existe pas. Mais refuser de vouloir regarder
ou écouter les autres points de vue que ceux « autorisés » mérite tout
de même réflexion : que craignent-ils ? Croient-ils qu’il existe un
complot qui ferait qu’en lisant « Le Grand Soir » Big Brother vous
prenne pour Winston Smith ? Croient-ils que Le Grand Soir est financé
par les Russes, les Vénézuéliens ou autres pour faire tomber la France
et les Etats-Unis ? Mais c’est croire au complot que d’avoir peur du
complot !
Le plus terrible dans tout ça, c’est qu’il faille sans cesse se
défendre d’être un « complotiste » alors qu’on essaie juste de
s’informer. Des complots il y en a plein les films, les séries, les
livres, et l’Histoire humaine en est recouverte. Des petits, des grands,
des moyens, utilisés par les uns contre les autres et réciproquement,
depuis toujours…
Le problème ce n’est pas qu’il y ait des complots, mais de savoir
qui les organise. Ce qu’il faudrait savoir aussi c’est pourquoi, et pour
quoi ils sont organisés. Et c’est pour cela qu’il faut une information
fiable. Et tous les journalistes honnêtes vous le diront, un seul point
de vue ne suffit pas.
Caleb Irri
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