Patrick Samba
L’autre titre, un brin surréaliste, auquel vous avez échappé : « EPR : plus fort que le vol des drones : le sur-vol des cadenas ! ».
Et si vous avez d’autres idées de titre j’en suis très volontiers preneur, parce qu’il est probable qu’on va vers un feuilleton).
Dès
à présent je tiens à vous mettre en garde vu l’âge moyen apparent des
rédacteurs d’Agoravox : mieux vaut prendre vos dispositions si vous
voulez vous éviter une angine de poitrine, un infarctus, ou un accident
vasculaire cérébral à la lecture de ce qui suit, car vous risquez de ne
pas en croire vos yeux, et le choc peut s’avérer intense. Cette mise en
garde ne concerne évidemment pas les nucléophyles, pour qui le danger
est une notion éminemment abstraite.
À l’automne 2014, une quarantaine connue de survol par des drones de
plusieurs installations nucléaires de base avaient eu lieu en France au
nez et à la barbe de la DCRI, supposée être l’un des services de
renseignement les plus efficaces au monde. Sans qu’aucun drone ne soit
intercepté et encore moins qu’un de leurs télé-pilotes ne soit
appréhendé. Le mystère n’a jamais été, publiquement du moins, percé.
(Sauf peut-être ici, ici, et ici).
« Citoyennes, citoyens, le nucléaire, et en particulier le nucléaire
français, est sûr, croyez-nous sur parole puisqu’on vous le dit », nous
serinent sous la forme d’une lancinante berceuse l’élite de nos
ingénieurs que nous envie le monde entier, j’ai nommé : les X-Mines.
Ceux-là même qui nous ont construit un EPR mité, miteux et calamiteux,
qui nous coûte à l’heure actuelle trois fois plus cher que prévu, dont
la durée de construction a été multiplié par trois (et c’est pas fini
avec les "nouvelles" anomalies : le couvercle qui doit impérativement
être remplacé dans les plus brefs délais vu l’état de son acier, la
"récente" découverte des soudures défectueuses, etc, etc…), ceux-là et
celles-là même qui ont réalisé le goodwill du siècle en
achetant pour une fortune des mines quasiment dépourvues de minerai
d’uranium (la fameuse affaire Uramin qui n’est d’ailleurs toujours pas
jugée).
Et tout aussi fort qu’eux, mais dans un autre registre, notre
Président énarque, capable, il nous l’a prouvé avec les 6 EPR à l’Inde, de vendre des baskets à une anguille.
« Dormeeez, dormeeez, et faites de beaux rêêêves, nous avons arrêté à
nos frontières le nuage de Tchernobyl » nous avaient-ils sussuré
hypnotiquement au printemps 1986. Mais le pire, d’une certaine manière,
c’est que la plupart des journalistes français de l’époque les avaient
crus sur parole !
Que vont-ils nous servir aujourd’hui ?
Que des voleurs de poule attirés par l'odeur du laiton des cadenas,
ayant vu de la lumière sont négligemment entrés et sont parvenus à faire
le "casse" du siècle par hasard en se baladant au cœur même du site
qu’on imagine le plus protégé des sites nucléaires puisqu’il s’agit d’un
prototype, fleuron du nucléaire, et censé être inviolable pour des
raisons de sécurité essentielle ?
« Quoi, vous questionnerez-vous, des ados ont réussi à piquer des
cadenas dans l’enceinte de l’EPR de Flamanville par jeu et par
esbroufe ? »
Des ados on ne sait pas, mais ce dont on est sûr - car EDF,
bizarrement, a porté plainte plutôt que d’étouffer l’affaire comme à ses
habitudes - ce ne sont pas quelques, non, (pas trois, cinq ou dix
cadenas), mais 150 cadenas qui ont été sciés, sectionnés ou crochetés
dans le centre névralgique de l’EPR de Flamanville !! Oui, oui, vous
avez bien lu : dans le lieu le plus inatteignable de la super-Formule 1
parmi les Formules 1 que sont les centrales nucléaires françaises !
Déjà, le vol de 150 cadenas au lieu de 2 ou 3 ce n’est pas rien. Car
il faut tout de même un peu de temps pour parvenir à les voler, ces 150
cadenas ! Ils faisaient quoi pendant ce temps les gardiens de l’un des
sites les plus sensibles de France ? Ils roupillaient ? Ou alors
peut-être n’y a-t-il tout simplement pas de gardiens par souci de
rentabilité ou d’optimisation économique ? Pourtant aujourd’hui on n’est
plus à un « petit » milliard d’euros près à Flamanville… Mais dites, il
y a des caméras au moins dans ce lieu hyper-sécurisé ?
Donc 150 cadenas se sont volatilisés. Mais ce n’est pas tout. Le pire
est à venir, accrochez-vous : ces 150 cadenas servaient à rendre
inaccessible le contenu des armoires qui renferment les matériels informatiques du contrôle-commande du réacteur nucléaire !
Oui, oui, pas moins. Je vous avais prévenu, c’est du lourd.
Mais rassurez-vous, leur contenu, scellé, n’aurait pas été violé. Le
ou les cambrioleurs se sont contentés de voler les 150 cadenas (au prix
actuel du laiton, on comprend qu’on puisse prendre le risque inouï de
s’introduire dans l’EPR dans ce seul but !). Sympas les mecs (sans
orthographe inclusive) : ils ont respecté les scellés, et par là même
tout le contenu informatique de ces armoires de commande-contrôle de
l’EPR. Des armoires hypersécurisées. Par 150 cadenas. En fait, il y en a
bien plus puisque plusieurs armoires, les plus sensibles (comme par
hasard...), n'ont pas été ouvertes. Ces monte-en-l'air ont pris tant de
risques insensés pour seulement chouraver 150 cadenas. Pour le fun en
somme. La grande classe…
Maintenant un peu de sérieux
En tout cas, à l’heure actuelle, aucun indice n’a été découvert ou
révélé à la presse, laquelle se contente de signaler sans commentaire
ahuri ou ironique (comme ce fut le cas pour le nuage de Tchernobyl ou
comme ça l’est pour la « maitrise de la situation » à Fukushima) que des
cadenas des armoires de commande informatique du réacteur ont été
dérobés. Seul Ouest-France dans l’immédiat indique que leur nombre est
de 150. Les autres, sans points d’exclamation ou de propos sarcastiques,
informent avec le sérieux et la neutralité très professionnels qui les
caractérisent, que des cadenas ont été subtilisés.
Pas étonnant que cette même presse ne soit pas encore vent debout
pour s’opposer becs et ongles au vote de la loi sur le secret des
affaires !
La France, un pays de clowns et de pieds-nickelés ?
Alors, qui a piqué les cadenas ?
Ce pourrait-il que l’actuel Valls de Matignon puisse répondre
sérieusement : « Forcément ça ne peut être que les Rroms du coin » ? Ce
n’est apparemment pas son genre. Mais n’oublions pas qu’il a été
directeur de la communication chez Areva, et il va bien lui falloir
trouver dare-dare un bouc-émissaire qui rassure.
S’agirait-il d’une nouvelle génération de rats mutants provenant de
la centrale d’à coté, des rats-geeks férus de cadenas d’armoires de
contrôle informatique ?
Plus sérieusement, quelle soupe d’éléments de langage les services de communication de l’Elysée vont-ils finir par nous servir ?
Qu’il s’agit de l’action irresponsable des merveilleux militants de
Greenpeace ? Courageux militants auxquels le gouvernement, selon
certains "spécialistes" très bien informés d’AgoraVox, ouvre les portes
des centrales ? Quand pourtant ceux-ci sont perquisitionnés par la DGSI,
et qu’ils ont été condamnés pour la première fois de leur histoire à de
la prison ferme par le tribunal de Thionville pour s’être introduit
dans la centrale de Cattenom ? (le procès en appel a eu lieu le 17 mai à
Privas)
Qu’il s’agit d’un nouvel Arsène Lupin ou de son fantôme convaincu que
les cadenas étaient en or et non pas en laiton vu le prix de l’EPR ?
D’une nouvelle génération monte-en-l’air d’antinucléaires ?
Qui ?
Il faut s’attendre à tout.
Ou bien, divine surprise - jupitérienne pourrait-on dire - nos
dirigeants finiront-ils, à l’heure d’internet, par se convaincre qu’une
attitude plus sage, plus raisonnable, plus rationnelle que celle de
leurs prédécesseurs est devenue inévitable ? Vont-ils se dire : « Et si
on arrêtait le délire, les mensonges et les manipulations imposés (sans
orthographe inclusive) par le lobby nucléaire français ? » ?
Car évidemment seuls des militaires d’un service secret étranger sont
capables de commettre un tel "casse" (et, pourquoi pas, des agents
secrets français si par chance il y en a parmi eux qui n’en peuvent plus
de ce bordel d’EPR). Et alors, quel service secret étranger ? Les
Russes ou les Israéliens comme pour les drones ? Mais, cette fois-ci, pas
de Mistrals que le gouvernement français se refusait en 2014 à livrer
aux Russes. L’affaire de l’accord sur le nucléaire iranien pourrait-il
en être le motif ? Ou l’attitude de la France en Syrie ?
Ou alors seraient-ce que des techniciens et/ou des ingénieurs français,
au risque de leur carrière (mais qu’est-ce qu’une carrière au regard de
l’avenir de l’Humanité ?), convaincus que seul le sabotage peut arrêter
le délire de l’EPR, sont finalement passés à l’acte avant le chargement
de combustible ?
Ou la femme ou l’homme de ménage de la salle de contrôle ?
Spontanément, parce qu’il y en a qui sont très bien informés (lisant
Agoravox), intelligents et nucléphobes (excusez le pléonasme). Ou à la
suite de leur infiltration dans les lieux par un service secret
étranger.
En tout cas le résultat est tout bonnement génial : car un simple vol
de cadenas, dont la sanction en cas d’échec ne peut qu’être mineure vu
la nature du vol, va produire une inévitable conflagration psychologique
et politique.
Et à l’évidence ne vaut-il pas mieux qu’il s’agisse d’un acte
symbolique explosif de préférence à l’explosion future d’une centrale
atomique ?
Un immense merci donc à la ou aux personnes qui ont réussi cet exploit. L’Humanité lui ou leur en est immensément reconnaissante. Champagne ! aurait clamé Jacques Higelin.
PS : la passoire popularisée par le CANO (Collectif Anti-Nucléaire Ouest : https://www.can-ouest.org/),
et dessinée par Vanhelle (en-tête de l’article), pour illustrer la
fragilité de la cuve de l’EPR a manifestement, et désormais, un avenir
qui n’était pas prévu à son origine…
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