François Cocq
Le retrait des Etats-Unis d’Amérique de l’accord sur le nucléaire
iranien a précipité la région et au-delà au bord du gouffre.
Pourtant,
une curieuse cécité destinée à mieux masquer leur suivisme naïf de la
politique macroniste frappe les commentateurs bon-teint. Il est en effet
de bon ton de gloser aujourd’hui sur une décision « unilatérale » du
président américain. Voire d’une décision personnelle. Le Figaro y
allait ainsi d’un article intitulé « Ce que révèle la signature de Donald Trump (de l’acte de retrait – NDA ) sur sa personnalité ».
Une telle dénonciation sur ces bases inscrit en contrepoint
l’acceptation d’une autre logique : celle d’un ordre multilatéral tel
que défini par le président Macron depuis le début de son mandat.
Tout à leur admiration, les commentateurs honteux n’ont rien trouvé à
redire quant à l’abandon du droit international au profit de ce nouvel
ordre des puissants à géométrie variable. Ainsi, le 15 avril, au
lendemain de frappes sur la Syrie, le président assénait sur RMC/BFM et
Mediapart que l’intervention s’était faite « de façon légitime dans le
cadre multilatéral. […] C’est la communauté internationale qui est
intervenue ». Exit donc l’ONU. Et le président Macron d’en remettre une
couche : le 10 mai, recevant le prix Charlemagne à Aix-la-Chapelle au
surlendemain de la décision américaine, il faisait des européens les « co-dépositaires du multilatéralisme ».
Seulement voilà : établir, ou plutôt succomber à de nouvelles doctrines
géopolitiques qui annihilent l’ordre commun existant, libère la volonté
de puissance des fauteurs de guerre. Après avoir été suivi par la
France dans ses frappes en Syrie, M. Trump n’a pu que considérer son
action hors cadre de la légalité internationale comme légitimée.
Dès lors, le multilatéralisme ne résiste pas à l’unilatéralisme qui
permet de se libérer selon son bon vouloir d’un accord comme celui sur
le nucléaire iranien qui a pourtant été signé par l’ensemble des pays
représentés au conseil permanent de l’ONU. À s’être affranchi du droit
international, le multilatéralisme est nu lorsque l’un de ses membres
refuse de s’y plier. Il ne reste plus le socle du droit et tout se voit
potentiellement remis en question. Les Etats-Unis d’Amérique le savent.
C’est pour cela qu’ils ont pris tant de soin de contourner depuis des
décennies l’ONU. Les dirigeants français qui ont avalé la couleuvre
nommée OTAN ou ont agi aux côtés des américains hors de la légalité
internationale lorsqu’il s’est agi d’aventures belliqueuses et/ou
bellicistes sont leurs complices.
Quant à M. Macron, qui s’est rendu à Washington s’entendre notifier
la décision nord-américaine quelques jours avant l’annonce officielle de
celle-ci, il s’est lui-même lié pieds et poings. Il se voit désormais
contraint de subir la décision de son allié. Pire : en proposant sitôt
la déclaration effectuée de rajouter des conditions à l’accord, il a
acté l’enterrement de l’accord large avec les membres du Conseil de
sécurité de l’ONU pour lui privilégier un autre accord dans un cadre
multilatéral. Il peut dès lors bien tancer M. Trump après coup, la
géopolitique n’est pas affaire de com’. Le multilatéralisme est le
cache-sexe de l’atlantisme. Il était autrefois un ordre international
basé sur le droit. Des aventuriers ont voulu lui substituer un ordre
multilatéral qui répond d’abord aux intérêts des plus forts, ceux qui
jouent de l’arme de la monnaie et qui ont des troupes disséminées aux
quatre coins de la planète.
Alors que revient la saison des tempêtes, il serait temps de
reconstruire au plus vite un ordre international libéré du suivisme
nord-américain. Et pour cela commencer par sauver l’accord sur le
nucléaire iranien malgré les incartades trumpesques.
De deux choses
l’une : soit M. Macron se paie une fois encore de mots avec ses
déclarations communes avec Mmes Merkel et May, soit il accepte de rompre
avec la vassalisation par rapport aux Etats-Unis d’Amérique et affirme
enfin l’indépendantisme de notre pays, premier pas vers une Europe
libérée de l’OTAN. Son multilatéralisme sera aussi jugé à cet aune.
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