Anticor
Anticor a pris connaissance des projets de loi organique et ordinaire pour une démocratie plus représentative, responsable et efficace. L’association constate que le Gouvernement a vidé de son sens la limitation dans le temps des mandats et fonctions.
Le Premier ministre avait annoncé le dépôt de trois projets de loi (ordinaire, organique et constitutionnelle) pour moderniser les institutions, le 4 avril 2018.
Anticor avait
approuvé plusieurs mesures contenues dans le projet de loi
constitutionnelle pour une démocratie plus représentative, responsable
et efficace, présenté le 9 mai dernier. L’association avait
également proposé de profiter de cette révision constitutionnelle pour
ajouter sept autres mesures…
Le Gouvernement vient de rendre public les projets de lois organique et ordinaire qui viennent compléter la loi constitutionnelle.
Les exposés des motifs de ces textes expliquent que « le
principe consiste à interdire au titulaire de trois mandats
parlementaires […] de se présenter à l’élection qui suit le terme de son
troisième mandat », étant entendu que « l’interdiction vise trois mandats complets et successifs ». De même,
« nul ne peut exercer plus de trois fois consécutivement les fonctions
de chef de l’exécutif ou de président de l’assemblée délibérante d’une
même collectivité territoriale ou d’un même établissement public de
coopération intercommunale (EPCI) à fiscalité propre ».
Anticor approuve sans réserve l’objectif
affiché… mais constate que le Gouvernement a vidé les lois de leur sens !
Qu’on en juge :
1/ Alors que le candidat Macron avait promis « l’interdiction du cumul de plus de trois mandats identiques successifs »,
force est de constater qu’au final, cette interdiction ne s’applique
pas aux mandats locaux (conseiller municipal, conseiller départemental,
conseiller régional). Seuls les mandats de parlementaires (député,
sénateur, député européen) et les fonctions exécutives locales (maire,
président de conseil départemental, président de conseil régional,
président d’établissement public de coopération intercommunale à
fiscalité propre, etc.) sont, en effet, concernés.
2/ De plus, la limitation dans le temps ne s’applique qu’aux mandats ou fonctions « consécutifs » et « complets ».
En l’état, cette limitation risque d’être contournée par des élus qui
pourront faire appel à des « Medvedev » pour leur permettre de retrouver
leur mandat, cinq ou six ans plus tard. En outre, les mandats ou
fonctions incomplets ne seront pas pris en compte si la durée pendant
laquelle ils n’ont pas été exercés est supérieure à une année!
3/ La loi ordinaire précise que ces dispositions « ne
sont pas applicables aux communes de moins de 9 000 habitants ni aux
établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre
de moins de 25 000 habitants ». Le seuil annoncé n’est évidemment
pas adapté puisque il n’y a que 48 % des EPCI qui ont 25 000 habitants
ou plus… tandis que seulement 3 % des communes ont 9 000 habitants ou
plus !
4/ Les mandats et fonctions en cours sont
réputés être les premiers pour l’application des deux futures lois. Par
conséquent, un parlementaire qui aurait déjà fait trois mandats pourra
encore en exercer deux de plus ! Concrètement, l’interdiction ne prendra
effet qu’en 2032, pour les députés, les maires et les présidents d’EPCI
à fiscalité propre et, en 2033, pour les sénateurs, les présidents de
conseil départemental et les président de conseil régional. Et encore,
il existe toujours le risque que, d’ici là, cette limitation soit
purement et simplement supprimée lors d’une prochaine mandature (à
l’instar du conseiller territorial, prévu par la loi du 10 décembre
2010, qui n’a finalement jamais vu le jour)…
Il est étonnant de lire dans l’exposé des
motifs des deux projets de loi que la limitation dans le temps des
mandats et fonctions « constituera la garantie du renouvellement démocratique attendu de longue date par les Français » alors que, dans le corps des textes, tout est fait pour empêcher cette oxygénation de la vie politique. Le « renouvellement démocratique » peut-il vraiment attendre 2032 ou 2033 ?
Au final, la limitation dans le temps ne
s’applique ni aux conseillers municipaux, ni aux conseillers
départementaux, ni aux conseillers régionaux, ni à 52 % des présidents
d’EPCI à fiscalité propre, ni à 97 % des maires, ni aux titulaires de
mandats ou fonctions non consécutifs, ni aux titulaires de mandats ou
fonctions incomplètes… Quant aux autres, les premiers effets de la loi
ne commenceront à se faire sentir que dans quatorze ans !
Bref, en l’état, cette mesure phare
annoncée par le candidat Macron est ratée. Pire, la rédaction proposée
ressemble à une mauvaise plaisanterie, digne du Gorafi.
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