jeudi 17 mai 2018

Une République par défaut


Olivier Cabanel

Election après élection, l’électeur finit toujours par se sentir floué, trahi, et il existe d’autres mots plus crus que chacun connait.

Une démocratie en panne pour les uns... Une République monarchique pour les autres.
Mais que pourrait être un autre système de gouvernance, et d’élection, qui nous permettrait d’élire le meilleur et non pas le moins pire ?
En effet, les français préfèreraient probablement choisir le meilleur candidat, et non pas le moins pire... ce qui est le cas depuis longtemps.
C’est donc ce système électoral qui est en cause.
Certains n’hésitent pas à affirmer qu’il faudrait d’abord élire un gouvernement, afin de ne pas remettre tous les pouvoirs dans les mains d’un seul homme, faisant de cette République une monarchie républicaine, car au fond, accepter de faire diriger un pays par des ministres que le peuple n’aurait pas avaliser, n’est-il pas un déni de démocratie ?
Doit-on privilégier l’élection du 1er personnage de l’état, ou plutôt élire les ministres, démocratiquement, sans laisser au président le soin de le faire, lui permettant ainsi d’exercer une influence considérable sur les ministres qu’il s’est choisi ?
D’autant que le président choisit régulièrement des énarques, dont les compétences dans les domaines qu’il leur a attribué sont souvent douteuses.
On pourrait ainsi s’interroger sur les compétences de différents ministres, qui passent allègrement d’un ministère à l’autre : Jean-Yves le Drian, auparavant ministre de la défense sous le gouvernement précédent, le voilà nommé aux affaires étrangères...
Florence Parly est passé du budget aux armées... Jacques Mézard il est passé de l’agriculture à la cohésion des territoires...
Quelle cohérence ?
Plus souvent qu’à son tour, le chef de l’état n’hésite pas à risquer le conflit d’intérêt, comme on a pu le constater avec la nouvelle présidence.
Ainsi, dans une République qui prétend se tourner délibérément vers la transition énergétique, le président nomme comme 1er ministre un homme qui a fait carrière dans la promotion du nucléaire.
Il choisit aussi comme ministre de la santé, une personne qui a fait longtemps fréquenté Big Pharma... et si l’on creuse un tout petit peu sur la personnalité des différents responsables des ministères, on s’aperçoit que, pour de nombreux ministres, le risque de conflit d’intérêt est évident.
Quid de Murielle Pénicaud, sortie tout droit de chez Dassault et du groupe Danone, des aéroports de Paris, de la SNCF, du groupe Orange ? 
Si l’on s’intéresse à celui qui dirige l’agriculture, a-t-il jamais conduit un tracteur, ou tenu une pioche, et quelles sont les compétences de la ministre du transport, diplômée de polytechnique et des ponts et chaussée, qui doit être tentée de donner du grain à moudre à tous les bétonneurs du pays, Vinci en tête, et l’on ne s’étonnera donc pas de la voir promouvoir les grands projets inutiles, Lyon/Turin en tête.
Ne vient-elle pas d’annoncer « la fin de la pause » dans les grands projets d’infrastructure pour le plus grand plaisir de Vinci ? lien
Que dire d’un ministre censé défendre l’environnement, Hulot en l’occurrence, dont la fondation est financée par Areva, ou Vinci, et qui avale couleuvre sur couleuvre ?
Et les gouvernements qui ont précédé n’ont pas été mieux...on se souvient encore des millions gaspillés pour des vaccins inutiles de Roselyne Bachelot, laquelle sortait tout droit de l’industrie pharmaceutique, gaspillage estimé à l’époque par le Sénat à plus d’1 milliard et demi d’euros, pour le plus grand profit de big pharma. lien
Au lieu d’avoir des ministres, coupés plus souvent qu’à leur tour des réalités de la vie de tous les jours des citoyens, ne faudrait-il pas avoir à ces postes essentiels, des femmes ou des hommes réellement compétents ?
On se souvient de l’embarras d’un certain Copé incapable de donner le prix d’un pain au chocolat, (vidéo) ou de celui de NKM, ou Jean-Paul Huchon, incapables de chiffrer le prix d’un ticket de métro...lien
Lydia et Claude Bourguignon, qui mènent depuis des années une croisade contre les pratiques agricoles dangereuses ne seraient-il pas des ministres de l’agriculture plus efficaces ? lien
Et au ministère du travail, un ministre issu de ce milieu ne serait-il pas plus efficace qu’un énarque en col blanc ?
Ne serait-il pas des lors judicieux que l’électeur vote pour choisir les ministres ?
De nombreux internautes se posent déjà la question. (lien) d’autant que d’après un modeste sondage réalisé en 2009, ils étaient 34,78% à être pour, et seulement 47,83% à le refuser, alors que 13,04% demandaient à y réfléchir. lien
Dans son « Esprit des Lois », Montesquieu avait tranché : «  ses ministres ne sont pas à lui, s’il ne les nomme : c’est donc une maxime fondamentale de ce gouvernement, que le peuple nomme ses ministres, c’est-à-dire ses magistrats ». lien
D’ailleurs, dans le domaine judiciaire, dès 1790, les révolutionnaires avaient décidé que tous les juges, qu’ils soient juges de paix, véritables professionnels du droit, juges des tribunaux de district, des tribunaux criminels ou du tribunal de cassation seraient élus par le peuple : il s’agissait déjà d’établir l’indépendance de la justice face à l’exécutif. lien
En Suède, pays exemplaire ou les ministres ne sont pas là « pour se servir », mais pour servir, ce sont les ministres démocratiquement élus qui gouvernent le pays, et le chef de l’état n’a aucun pouvoir réel, mais uniquement des fonctions cérémoniales, ce qui signifie que toutes les décisions qui sont prises sont basées sur les opinions et les intérêts des électeurs. lien
C’est sans doute pour cela que les ministres suédois déjeunent à la cantine, comme tout le monde, et que « si un ministre oubliait de débarrasser un plateau, vous n’imaginez pas les gros titres le lendemain dans la presse », commente un fonctionnaire.
À part le chef du gouvernement qui se voit octroyer un logement de 175 m², pour lequel il paye un modeste loyer, les autres ministres n’ont aucun logement de fonction, ni de voiture avec chauffeur...ils prennent le train, comme tout le monde, et utiliser un jet privé, prendre une suite dans un palace provoquerait un véritable scandale. lien
Rien à voir avec le luxe de l’Elysée.
À l’évidence, d’aucuns classeront cette proposition d’une nouvelle République plus représentative des désirs du citoyen, de populisme...
C’est en effet le mot qu’utilisent régulièrement ceux qui sont au pouvoir, et qui entendent bien le garder...contre toute légitimité.
C’est en effet la question de la légitimité qui est posée, tant pour le premier personnage de l’état, élu par défaut, pour éviter le drame qui aurait consisté à mettre au pouvoir les racistes du FN.
Il ne faudrait tout de même pas oublier lors du premier tour de la présidentielle seulement 2 français sur 10 ont voté pour celui qui est devenu président. lien
C’est aussi la question de la légitimité des ministres, parfois incompétents, et surtout inféodés au chef de l’état, puisque c’est lui qui les a choisis...
Finalement la dernière présidentielle a montré les limites de l’exercice.
Les primaires à droite ont mis sur les rails Fillon, Sarközi, empêtré dans les affaires que l’on sait, ne pouvait gagner...mais l’heureux élu s’est retrouvé à son tour pris dans la nasse d’autres affaires, entre des soupçons d’emplois fictifs, et des costumes mal taillés.
Les mentors de la droite n’ont pas réussi à le désavouer, tant l’élu était convaincu de sa victoire annoncée... entrainant sa propre chute.
À gauche, le bilan lamentable du sortant, a mis sur le devant de la scène Hamon, soutenu finalement du bout des doigts par son parti, laissant une voie royale au FN... mais aussi à Macron, soutenu par les banques et les grands patrons de l’industrie et des médias.
Quant aux insoumis, faute de n’avoir pas réuni toutes les forces du peuple de gauche, ils ne sont arrivés qu’à la 3ème place.
Lors du débat du 2ème tour, la lamentable prestation de MLP face à un Macron souriant a fait le reste, et il n’a eu qu’à se baisser pour ramasser la mise, dans un bel exercice de « tirage des marrons du feu », pour devenir le président d’une minorité de français, prouvant par-là que cette République mal taillée n’est qu’un pâle reflet d’une démocratie tant espérée.
Et de République en République, nous sommes devenus en réalité les otages d’une monarchie républicaine qui ne dit pas son nom, soumise au bon vouloir d’un président aux ordres des puissances financières du pays, et à la tête de députés godillots et soumis.

Comme dit mon vieil ami africain : « Pour qu’un enfant grandisse, il faut tout un village ». 


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