Claude-Marie Vadrot
Dans ce département du Centre-Val de Loire, les manifestants étaient
souvent des néophytes de la revendication politique. La colère ne
portait pas que sur les taxes des carburants.
Premières impressions après une tournée en deux-roues, à travers le
département du Loiret, pour éviter les barrages : ces derniers sont
plutôt nombreux, mais les rangs des gilets jaunes qui les tiennent sont
plutôt clairsemés et se réchauffent en brûlant des palettes de bois ou
en entonnant régulièrement des « Marseillaise » qui manquent de
musicalité. Quant aux banderoles qui les surmontent, elles dépassent la
simple question du diesel ou de l’essence, et réclament fréquemment la
démission d’Emmanuel Macron.
La plupart se tiennent sans la présence de forces de l’ordre. Seuls
quelques policiers municipaux commencent à se montrer en milieu
d’après-midi. Les jeunes sont relativement peu nombreux, l’âge des
participants s’étalant surtout entre 40 et 60 ans avec, sur à peu près
la moitié des barrages, une forte représentation des retraités, si on
prend en compte les pancartes brandies et les explications des personnes
présentes. Autre indice de la crainte des blocages, la plupart des
marchés en plein air du samedi ont été désertés par un tiers à la moitié
des commerçants itinérants.
2 450 manifestants comptabilisés
D’après les décomptes de nos confrères des locales de Radio France,
on comptait 23 barrages sur l'ensemble du département, rassemblant 2 450
personnes à la mi-journée, les plus fortes participations ayant été
constatées à Saran, à Amilly (près de Montargis), à Saint-Jean-de-Braye
dans la banlieue d’Orléans et à Pithiviers. Pour cette dernière (ville
d'une dizaine de milliers d’habitants), qui paraît avoir battu les
records d’efficacité des barrages bloquant le centre, il faut rappeler
qu'elle est située au cœur de la Beauce, ne possède plus de liaison
ferroviaire avec Orléans et Paris, et qu’il faut parcourir une quinzaine
de kilomètres en voiture pour atteindre Malesherbes et y trouver le
terminus du RER D, qui met une heure et demie pour atteindre Paris.
Sur les barrages visités, les altercations avec les automobilistes
sont fréquentes et agressives, sans policiers pour arbitrer les
désaccords qui surgissent entre gilets jaunes et automobilistes désireux
de poursuivre leur route, notamment quand ils souhaitent gagner le
parking d’un supermarché. Les discussions sont ponctuées de « secouages »
de voitures, de coups de bâton sur les carrosseries et de rugissements
de moteur menaçants de la part des conducteurs bloqués. Avec, presque
toujours, des affrontements verbaux véhéments entre les gilets jaunes
intransigeants et ceux partisans d’ouvrir quelques minutes un barrage
pour faire baisser les tensions.
Une première fois
Les manifestants que nous avons interrogés sont nombreux à expliquer
qu’ils manifestent pour la première fois de leur vie, ajoutant souvent
qu’ils ne votent plus depuis des années ; et quand il leur est demandé
s’ils se sont manifestés lors de la loi travail ou pour un maintien ou
un renforcement du nombre de trains passant dans leur ville ou à
proximité, ils répondent fréquemment par la négative. Quand ils
n'affirment pas tout de go que ce n’était pas leur problème, en égrenant
leurs griefs à propos des restrictions ou « entraves » à la circulation
(80 km/h sur les routes, radars trop nombreux , prix des assurances,
contrôles techniques…). Un dialogue de sourds, parfois avec les maires
venus sentir l’humeur de leurs concitoyens, et expliquant qu’ils ne
pouvaient rien faire.
À la tombée de la nuit, alors que la température se rapproche déjà de
zéro, la moitié des barrages sont déjà levés dans le Loiret et ceux qui
résistent sont plus clairsemés.
Bien peu peuvent dire s’ils reviendront
dimanche ou plus tard, malgré les encouragements d’élus venus
discrètement, sans faire état de leur couleur politique, et la présence
assez forte des membres du Rassemblement national.
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