Europalestine
La journaliste israélienne Amira Hass, expose dans le quotidien Haaretz
comment Israël vole la terre palestinienne selon un plan bien calculé.
"L’israélisation de 137 000 dunams (près de 34 000 acres, soit
environ 14.000 hectares) de terres palestiniennes s’intensifie chaque
fois que leurs propriétaires légaux, leurs enfants et leurs
petits-enfants s’en voient refuser l’entrée", explique cette semaine la
journaliste dans le reportage suivant.
"Abu al-Huzun refoulait ses larmes tout au long de notre
conversation. D’autres agriculteurs, dont les terres sont également
accaparées par Israël à l’ouest du mur de séparation, n’ont pu retenir
leurs larmes. Parmi eux, une femme se tordait les mains en exprimant son
désir ardent de se rendre dans son champ, alors qu’ Israël lui en barre
l’accès.
Les agriculteurs, très attachés à chaque arbre de la parcelle
familiale, les connaissant depuis l’enfance, aident leurs parents lors
des semences, de la récolte du persil et partagent les fruits de leur
travail avec leurs cousins. La richesse qu’ils ont retirée de leur
travail irrigue la vie dans leurs maisons modestes mais si bien
entretenues, jusque dans les étages supérieurs qu’ils ont construits
pour leurs enfants qui étudient à l’université. Et puis vint le temps du
bourreau.
Sous leurs yeux, mais à l’écart de tout regard du public, un vol de
terres organisé s’opère étapes après étapes, orchestré par toute une
série d’ ordres iniques pensés par le coordinateur israélien des
activités du gouvernement dans les territoires, le tout au milieu des
incontournables et sadiques obstacles bureaucratiques de
l’Administration dite "civile" en Cisjordanie.
Abu al-Huzun (pseudonyme), assis dans le salon de sa maison dans un
village du nord de la Cisjordanie, nous a relaté ce processus
progressif.
Lors de la construction du mur en 2003, l’accès à leurs terres leur a été interdit pendant huit mois, sauf pendant la récolte des olives. Ensuite, ils ont reçu des autorisations leur permettant d’aller dans leurs vergers sans problème, « parce que l’Administration israélienne a tous nos actes de propriété et d’enregistrement ».
Lors de la construction du mur en 2003, l’accès à leurs terres leur a été interdit pendant huit mois, sauf pendant la récolte des olives. Ensuite, ils ont reçu des autorisations leur permettant d’aller dans leurs vergers sans problème, « parce que l’Administration israélienne a tous nos actes de propriété et d’enregistrement ».
Mais les portes du mur les plus proches étaient fermées. Ils ont été
forcés de passer par une porte bien éloignée. Au lieu de trois
kilomètres, ils devaient parcourir 12,20 kilomètres ou plus.
En 2005, quatre incendies se sont déclarés sur leurs terres. Les
agriculteurs les ont vus de l’autre côté de la clôture, mais n’ont pas
pu venir sur place pour les éteindre. Quelque 1 500 dunams (soit 150
hectares) sont alors partis en fumée.
Ils ont payé beaucoup d’argent à un avocat pour exiger l’ouverture
des portes les plus proches. Les portes ont été ouvertes - mais
seulement trois jours par semaine.
Les pesticides doivent être pulvérisés quand il fait frais, tôt le
matin ou bien en soirée. Or, c’est précisément à ces deux moments de la
journée, que les agriculteurs n’ont pas droit d’accès à leurs terres. La
production a chuté d’environ 30%. Ils ont dû arrêter les plantations.
Néanmoins, il y a eu quelques années où la situation s’est améliorée.
Mais depuis 2015, les règles sont devenues plus restrictives.
Abu al-Huzun et des milliers d’autres agriculteurs palestiniens
doivent satisfaire à une liste de conditions farfelues pour prouver
qu’il s’agit bien de leur terre, que la parcelle a une superficie
supérieure à 330 mètres carrés, qu’il existe un « besoin agricole » pour
la travailler, avec en filigrane le but de les amener à changer le
type de produits qu’ils cultivent, ou bien d’obtenir l’autorisation
d’être aidés de leurs enfants. Mais il est interdit à leurs
petits-enfants de le faire.
Les fermiers perdent beaucoup de temps et d’argent dans un dédale
administratif kafkaïen. Ils doivent passer devant un clerc de notaire
local palestinien, puis aller au bureau de liaison israélien, pour
revenir devant notaire, pour finalement se voir notifiés par un
bureaucrate israélien que leur parcelle ne se trouve pas réellement là
où elle a toujours été, ou bien que sa taille est négligeable, ou encore
qu’ils ont oublié de signer et de joindre les documents nécessaires.
À ce moment-là, certains se tournent vers Hamoked - Centre de défense
de l’individu et demandent à son personnel de prouver que leurs terres
n’ont pas été déplacées, que toutes les signatures requises sont
présentes et que leur grand-père, âgé de 80 ans, n’a plus la force de
désherber, labourer et récolter. Les mois passent et les mauvaises
herbes poussent haut sur leurs terres.
Un total de 137 000 dunams (près de 14 000 hectares) de terres
palestiniennes privées et publiques se sont ainsi trouvées piégés entre
le mur de séparation et Israël. Malgré toutes les promesses faites à la
Haute Cour de justice de ne pas porter atteinte aux droits de propriété
des Palestiniens, l’israélisation de cette terre s’aggrave chaque fois
que ses propriétaires légaux, leurs enfants et leurs petits-enfants s’en
voient refuser l’entrée.
L’excuse non officielle israélienne de ces abus bureaucratiques est
que les habitants du village « exploitent » leurs permis pour entrer en
Israël afin d’y venir travailler.
Mais les officiers expérimentés et les conseillers juridiques tout aussi expérimentés, qui ont planifié et autorisé la construction du mur de séparation, loin de la Ligne verte, ont sciemment planifié cette ruse israélienne, l’une des nombreuses, pour accroître toujours plus l’espace vital vert disponible pour les Juifs." - Amira Hass -
Traduction : Lionel R. pour CAPJPO-EuroPalestine)
Source : Haaretz
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire