Charles Sannat
Depuis hier soir, je suis la cagnotte du « boxer » qui a été mise en
ligne sur le site Leetchi et les réactions que cela entraîne.
Ce qui se
passe est passionnant. Intellectuellement, c’est ahurissant. J’ai
l’impression de contempler un asile de fous. La tension monte
terriblement depuis hier soir, et là, nous en sommes au moment où un
membre de gouvernement réclame la liste des « donateurs »… Le pays
sombre dans une hystérie collective, prélude à la folie de tous qui se
transformera en violence de tous contre chacun.
Je précise, dans ce climat délétère, qu’analyser un phénomène n’est pas le soutenir ou le condamner…
Une « petite » cagnotte, mais un gros problème !
C’est
fou comme une petite cagnotte microéconomique peut révéler et relever
de « politique » et de la situation désastreuse de notre pays.
En
quelques heures, la barre des 100 000 euros collectés a été franchie
allègrement. Les dons affluent par milliers, ainsi que les commentaires.
Je vous invite à aller les lire. Peu importe ce que vous pensez, ce que
vous croyez moral ou pas. Si nous analysons froidement les choses et ce
que nous révèle la réalité, c’est que, au moment où j’écris ces lignes,
8 000 personnes viennent de donner de l’argent à Christophe Dettinger, 2
500 ont écrit un mot de soutien sans cacher leur identité. En fait,
vous ne pourrez plus les lire, car Leetchi a fermé la cagnotte.
De
l’autre côté, les « foulards rouges » ont lancé au même moment ou
presque une pétition demandant à ce même Christophe de « rendre
l’argent ».
1 000 signatures… et 2 commentaires.
Sur le ring donc, les gilets jaunes, le flot de dons et de soutien.
De
l’autre côté, la « Macronie », un peu moins de 1 000 signatures peu
engageantes, puisque signer une pétition en ligne ce n’est pas donner de
l’argent !! et 2 commentaires… c’est dire le peu d’engouement.
En
cliquant sur les deux images, vous arriverez sur chacun des sites
concernés et vous pourrez aller vérifier par vous-même les deux réalités
qui s’opposent et la force des deux « camps ». En fait non. La cagnotte
a été fermée par le site Leetchi, mais je vous l’ai déjà dit. La
pétition, elle, est toujours en ligne !!
Un soutien populaire massif à la violence contre les policiers ou contre la violence des policiers ?
Les médias ont passé les images en boucle de gendarmes roués de coups.
Cela n’est pas justifiable.
Pas
moins (évidemment) que de brûler 3 policiers dans une voiture en
maintenant les portières fermées en hurlant la volonté de faire du
« poulet rôti », si vous voyez ce que je veux dire…
Le parallèle que je fais n’est pas un hasard.
Tous
ces éléments sont dans la tête des Français. Les grands médias ne le
diront pas, mais sur les réseaux sociaux, et dans les discussions entre
amis, c’est cela qui est dit ! C’est cela qui est évoqué.
Voici donc quelques éléments de réflexion et quelques enseignements que je souhaitais partager avec vous.
Je
tiens à préciser que je n’ai rien contre nos forces de sécurité, bien
au contraire. Il n’y a pas de liberté sans ordre et de bonheur sans
droit à la sécurité. Il n’y a pas d’économie saine sans sécurité. Vous
ne trouverez jamais chez moi un discours anti-flics !
La sécurité
est un besoin fondamental. La sécurité est multiple et
multidimensionnelle. Elle est physique, mais aussi, pour ne donner que
quelques exemples, sociale, ou encore… alimentaire, énergétique, etc.
1/
La propagande ne fonctionne que sur les gens qui resteront dans leur
salon quoi qu’il se passe. Les révolutions ne sont pas faites par ceux
qui restent dans les salons… Ni par les majorités. Quand un système
s’effondre, c’est parce qu’il n’y plus assez de monde pour y adhérer.
C’est la fin de la fiction imaginaire qui le soutient. C’est arrivé à
l’URSS il y a 30 ans. Ce sont toujours les plus motivés qui l’emportent.
Quand vous regardez ces deux sites, où voyez-vous la motivation ? Où
voyez-vous l’engagement (que cela vous plaise ou non, je précise ici que
nous analysons) ?
2/ Le soutien massif au boxeur n’est pas un
soutien massif à la violence du boxeur contre la police, mais une
protestation massive contre la violence injuste des forces de l’ordre et
contre la répression qui est l’unique stratégie depuis des semaines
d’un gouvernement qui joue au poker, et pas aux échecs. Manque de
culture vraisemblablement.
3/ Le gouvernement et les forces de
l’ordre sont en train de perdre la guerre des cœurs, et c’est
l’enseignement le plus important pour la suite des événements.
Lorsque je dis que la répression n’est pas la solution, c’est une analyse qui repose sur ce genre d’éléments
Une « guerre », une « insurrection », une « révolution », cela se gagne en gagnant les cœurs.
Les
cimetières de l’histoire sont remplis de victoires militaires et de
défaites politiques. On gagne la guerre, on perd la paix… ce qui revient
au bout du compte à perdre la guerre. Regardez l’Irak, l’Afghanistan.
Autant de guerres modernes gagnées et de paix perdue. Puis, inévitable,
après des milliers de morts pour rien… le retrait !
On gagne
contre une insurrection, en coupant les sources d’alimentation de
l’insurrection concernée, pas en matraquant aveuglément.
Croire
que la répression viendra à bout d’une insurrection est d’une bêtise
insondable. Même en Algérie, avec torture et tout le tremblement,
l’insurrection l’a remportée.
Macron a perdu les cœurs.
Les forces de l’ordre, police comme gendarmerie, perdent également le soutien populaire, et c’est très clair.
Cela n’est pas souhaitable, car encore une fois, l’ordre est une nécessité, mais quand la police confond maintien de l’ordre avec maintien au pouvoir, elle devient milice.
Cela
fait plusieurs fois que j’exprime cette idée. Les implications d’un tel
ressenti des foules sont potentiellement dramatiques et portent des
germes de violences encore plus terribles.
Quand tout le monde s’égare de la sorte, le pire, qui n’est pas souhaitable, devient possible.
C’est pour cela que je dénonce avec force cette dérive répressive.
Elle sera contre-productive.
Elle donne des « martyrs »… et le boxeur en devient un.
Iconique. Son acte incarne une résistance héroïque à une oppression.
Hurlez
tant que vous voulez, c’est vécu ainsi. C’est ce qui s’écrit sous les
yeux effarés de nos mamamouchis qui l’ont déclenché eux-mêmes en
instrumentalisant plus que de raison ces violences.
Elle alimente l’insurrection qu’elle voudrait combattre.
Gilets
jaunes comme gilets bleus deviennent les marionnettes et la chair à
canon moderne de mamamouchis mal élus, peu légitimes parce que peu
représentatifs et dont la politique ne reçoit qu’une adhésion très
minoritaire.
Cela manque cruellement de culture, de réflexion et
de sagesse aussi bien dans les états-majors que chez les mamamouchis. À
moins, à moins que…
Car il y a une autre hypothèse, celle où le
gouvernement souffle volontairement sur les braises pour justement
déclencher la violence chez les plus « fragiles » des gilets jaunes dans
le but de justifier la répression. Dans un tel cas, il est encore plus
crucial de ne pas tomber dans ce piège de la violence tendu par le
gouvernement.
L’erreur fatale d’une gestion à la grecque !
Nous
voyons bien la tentation des élites européistes et françaises, qui
pensent depuis le départ qu’elles vont pouvoir gérer la situation comme
les protestations ont été gérées en Grèce après la crise de 2008. Il a
fallu réduire le niveau de vie de la Grèce pour maintenir sa
solvabilité. Sauver les banques au détriment des peuples.
Cela,
évidemment, a posé de graves problèmes sociaux et les manifestations ont
été violentes, bien plus qu’en France actuellement d’ailleurs.
La police grecque a tenu bon.
Les Grecs ont été matés et sont entrés dans le rang.
L’exemple sécuritaire grec est appliqué à la France dans une forme de tentative désespérée du système à se maintenir.
Pourtant, c’est à mon sens, une erreur.
La France n’est pas la Grèce.
Nous
ne sommes pas meilleurs ou pires, nous sommes différents. Notre
culture, nos sociétés, notre géographie ou la taille de nos populations
n’ont rien à voir.
Le maintien de l’ordre n’est pas concentré sur
la place Syntagma (celle du parlement grec) mais sur la totalité du
territoire. « Militairement », c’est un enfer pour les forces de l’ordre
qui sont à l’os. Trop de terrain à couvrir, trop de manifestants à
gérer sur trop de temps.
Il n’est pas dit que les forces françaises tiennent aussi longtemps que les forces grecques.
Il n’est pas dit du tout que la population supporte ce que les Grecs endurent depuis 10 ans.
Il
n’est pas dit du tout que cela se passe aussi facilement en France
qu’en Grèce, ce n’est tellement pas dit que je pense que la probabilité
est très forte que cela ne se passe pas ainsi.
La mobilisation
reste très forte, elle est même en train de repartir de plus belle, et
mieux vaut avoir des gilets jaunes sur des ronds-points gérés par les
gendarmes du coin et tolérés s’il n’y a pas de blocage que d’avoir des
manifestations importantes dans toutes les villes de province où vont se
retrouver chaque samedi les « chassés des ronds-points ». Le week-end
dernier, beaucoup étaient encore en vacances ou sur la route des
retours. Le mouvement s’essouffle donc officiellement d’après
« radio-Paris », mais tout le monde sait qu’il reprend de plus belle.
Les mensonges et les paradoxes d’un système inique explosent à la figure de ceux qui l’incarnent et qui hurlent plus fort.
Ce n’est pas républicain de « gagner de l’argent » en tabassant des flics !!
Certes.
Mais c’est du niveau 0 de l’argumentation politique que de se limiter à ce genre de propos.
Le
gouvernement met un voile pudique sur une vérité qu’il ne veut pas voir
et qu’il a provoquée, comme en son temps, il y a 50 ans exactement, le
préfet de Police de l’époque en 1968, Grimaud, l’avait écrit de façon
tellement juste dans une lettre adressée à tous les policiers. Je vous
la reproduis dans sa totalité dans un article de cette édition.
Allons plus loin dans l’analyse si vous le voulez bien.
La vérité ? C’est celle du préfet Grimaud. C’est celle-ci :
« Dites-vous
bien et répétez-le autour de vous : toutes les fois qu’une violence
illégitime est commise contre un manifestant, ce sont des dizaines de
ses camarades qui souhaitent le venger. Cette escalade n’a pas de
limites.
Dites-vous aussi que lorsque
vous donnez la preuve de votre sang-froid et de votre courage, ceux qui
sont en face de vous sont obligés de vous admirer même s’ils ne le
disent pas. »
Voilà ce que la cagnotte indécente pour le gouvernement révèle de profond.
Elle est une forme « d’escalade » de la protestation populaire contre les violences policières.
Elle est une protestation non violente contre les violences.
Couper
son expression est compréhensible en termes de communication (cachez
cette réalité que je ne veux surtout pas voir), bien que le gouvernement
et les médias auraient mieux fait d’ignorer le phénomène comme ils
ignorent la réalité de l’importance des manifestations du samedi.
Couper
les expressions non violentes est en revanche une erreur politique qui
pousse à l’escalade (vous savez, toujours cette histoire de citation de
JFK sur les révolutions pacifiques ou violentes).
Aujourd’hui, ce
qui est admiré, ce n’est pas le fait de « tabasser » du flic (et
heureusement), c’est qu’un peuple (ou une partie non négligeable) subit
les outrances d’une répression très forte que la majorité silencieuse
souhaiterait plutôt voir s’exercer contre la délinquance quotidienne de
droit commun qu’à l’égard de manifestants très majoritairement
pacifiques, non violents.
Même Apathie, le chroniqueur d’Europe 1,
en parle lui aussi, et c’est dire, car objectivement, il n’est pas l’un
de ceux qui soutiennent massivement les gilets jaunes. Mais à un
moment, la répression cela se voit.
La force subversive de la non-violence et de l’insolence
C’est ainsi qu’il faut comprendre la force de la non-violence et du fait de « tendre l’autre joue ».
En réalité, tendre l’autre joue n’est pas si « altruiste » que cela.
C’est
une arme politique redoutable. Accepter la violence, accepter les
outrances d’un pouvoir, c’est vouloir le montrer tel qu’il est.
Froidement. Lucidement.
Il apparaît dictatorial. Il apparaît illégitime.
Grâce à la non-violence, il ne peut se cacher derrière aucun prétexte pour justifier ce qu’il devient.
Pire. Accepter sa violence et continuer pacifiquement à le défier en disant non, c’est le renvoyer à son impuissance.
Accepter
la violence de notre gouvernement en place publique et cathodique,
c’est s’attirer la compassion des foules et des masses, car les peuples,
les gens, les petits, les sans-grades et les sans-dents, tous les gueux
que nous sommes, ne peuvent qu’éprouver de la compassion pour nos
congénères gueux qui souffrent sous les coups d’un gouvernement détesté
chaque jour un peu plus.
C’est cette compassion qui fait gagner la
bataille des cœurs, les guerres, et la paix qu’il faut bâtir ensuite
ensemble et collectivement.
Au bout du chemin, les systèmes
oppressifs s’effondrent faute de combattants pour le soutenir parce que
devenus totalement illégitimes aux yeux de tous.
La répression se voit d’autant plus qu’en réalité, l’usage de la force est souvent disproportionné.
La solution?
Elle est simple et complexe.
Simple parce qu’il suffit de rendre le pouvoir au peuple, ce qui est légitime.
Complexe
parce que cela sera évidemment porteur d’immenses bouleversements, de
la fin de l’Union européenne telle que nous la connaissons et qui est
centrale dans nos problèmes de souveraineté, qu’une caste politique
entière sera balayée, qu’il nous faudra au moins 20 ans pour stabiliser
notre pays et trouver notre nouvel équilibre. C’est ce que j’expliquais
dans ma lettre STRATÉGIES dès novembre intitulée « Révoltes, révolutions et patrimoines », accessible à tous les nouveaux abonnés (plus de renseignements ici pour ceux qui le souhaitent).
Comment ?
1/
Libérer les paroles et les mots et cesser de judiciariser tous les
propos tenus qui ne plaisent pas à tel ou tel. Utiliser les mots évite
évidemment la violence.
2/ Ce président élu conformément à la loi
mais sans légitimité et à l’insu du plein gré du peuple ne peut
manifestement plus diriger le pays sans l’armée et sans que certains
envisagent de tirer sur la foule…
Surréaliste.
Il faut donc
évoquer désormais le fait de préparer le départ du président dans le
respect du cadre des institutions et de la stabilité de notre pays en
initiant une transition politique et en annonçant que le pouvoir sera
remis au Président du Sénat qui conformément à notre Constitution
préparera les prochaines élections. Sans panique, et sans précipitation
en annonçant une période de transition de plusieurs mois a l’issue de
laquelle le Président démissionnera en bon ordre.
3/ Dans la période de transition mettre en place le référendum d’initiative citoyenne…
4/ Remettre systématiquement le peuple de France face aux complexités de la réalité, sociale, économique, environnementale etc…
On
peut aussi comme le demande Luc Ferry faire directement tirer sur la
foule de Gilets Jaunes à balles réelles et tuer femmes et hommes. Comme
le montre cet article de France Soir (cliquez dessus pour le croire…)
On
peut aussi embastiller Ferry pour incitation à la haine… Ces propos
sont inqualifiables en provenance d’un responsable politique dans la
situation qui est la nôtre.
Bref,
nous n’y couperons pas, et globalement, nous sommes arrivés à l’heure
des comptes. Solder les errements est toujours douloureux.
La question est de savoir si nous saurons le faire pacifiquement ou pas.
Vous
me trouverez toujours du côté et aux côtés de la multitude qui souffre
et des opprimés, mais la violence ne doit pas être le chemin emprunté et
en cela, le gouvernement comme nos forces de l’ordre ont aussi un
immense rôle modérateur à jouer par leur exemplarité.
Ce qui se
passe à Toulon, l’utilisation de flash-ball en tirs tendus et tout ce
qui sort du champ classique (et légal) est porteur de grands dangers.
Quand le premier gilet jaune tombera, fauché par un flash-ball sous les
caméras et en direct, que se passera-t-il à votre avis ?
Je suis
très inquiet de ce cercle vicieux de la violence que personne ne veut
briser et qui s’annonce à nouveau paroxystique pour samedi prochain.
La violence mène à l’effondrement, l’effondrement conduit au chaos. Le chaos n’est jamais dans l’intérêt des peuples.
Chacun
à notre place, sans la moindre complaisance vis-à-vis d’un pouvoir à la
dérive et dont les membres sont peut-être en marche mais marchent sur
la tête, nous nous devons d’être pacificateur pour éviter les drames et
préserver la vie.
« Ceci est un article ‘presslib’, c’est-à-dire libre de reproduction
en tout ou en partie à condition que le présent alinéa soit reproduit à
sa suite. Insolentiae.com est le site sur lequel Charles Sannat
s’exprime quotidiennement et livre un décryptage impertinent et sans
concession de l’actualité économique. Merci de visiter mon site. Vous
pouvez vous abonner gratuitement à la lettre d’information quotidienne
sur www.insolentiae.com. »
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire