vendredi 3 février 2023

Mais il est où le RN ?

Antoine Manessis

Le RN et sa cheffe Marine Le Pen sont discrets sur la réforme macroniste des retraites. Cela pour plusieurs raisons. 

L'une des raisons, c'est que la position de l'extrême-droite sur le sujet a beaucoup varié au cours des dernières années. En 2017, Marine Le Pen défendait la retraite à 60 ans pour tous après 40 annuités. Désormais, elle souhaite réserver cette condition à ceux qui ont commencé avant 20 ans, et propose que les autres puissent partir entre 62 et 67 ans après 42 ou 43 annuités, selon leurs profils. Pour justifier ce revirement, elle évoque la dette et la situation économique du pays. Exactement les mêmes arguments que le gouvernement. De plus on voit qu'à l'Assemblée le RN fustige l'attitude des députés de la Nupes, qui ont patiemment défendu leurs amendements.

En fait, le RN se trouve dans une situation inconfortable.  70% des sympathisants du parti déclarent soutenir ou avoir de la sympathie pour le mouvement de grèves et de manifestations lancé par les syndicats. Or le RN a besoin d'être adoubé par une fraction au moins du grand capital pour espérer gouverner. Et le capital (le MEDEF) est pour la réforme macroniste. Il lui faut donc afficher une opposition de façade à la réforme vis-à-vis de son électorat mais très tempérée vis-à-vis du capital. D'où la grande discrétion. D'autant plus que la fraction la plus droitière de son électorat est hostile au "désordre". Il nous faut dénoncer le funambulisme politique du RN. "On n'encourage pas la grève" a déclaré Nicolas Bay (eurodéputé RN). On s'en doutait...

Si on peut comprendre que le RN ne participe pas aux manifs syndicales où ses responsables ne seraient sans doute pas très bien reçus...on pourrait se demander pourquoi un parti qui est arrivé au 2e tour de la présidentielle n'est pas capable d'organiser ses propres manifestations puisque sa base de masse est largement hostile à la réforme macroniste.

Mais Marine Le Pen ne déclarait-elle pas sur BFM que "dans une démocratie, mener la bataille, c’est mener la bataille dans les assemblées dans lesquelles on est élu". Autrement dit, surtout pas sur les piquets de grève ni dans la rue. D'ailleurs l’extrême droite qui s’est toujours historiquement opposé aux grèves, dénoncées comme "des méthodes archaïques" et aux syndicats. Le syndicat mène la lutte des classes et il est internationaliste, deux caractéristiques insupportables pour l'extrême-droite. Ainsi le RN est contre les "blocages" : ça veut dire quoi ? Quand on fait grève c'est bien pour "bloquer" sinon ça sert à quoi ? Donc le RN est contre le droit constitutionnel de faire grève. Et on imagine facilement comment le RN pourrait s'inspirer des lois anti-grèves et anti-syndicales britanniques.

En fait, comme chaque fois que se déroulent des luttes sociales, le RN, qui avance toujours masqué, est très gêné. Le masque s'effrite. Il lui est difficile d'être en même temps le recours ultime du capital et répondre aux attentes sociales d'une fraction de son électorat. 

Dans les luttes, en effet, on ne regarde plus la couleur de la peau de ceux qui combattent, ni leur religion, ni leurs origines ethniques : il n'y a que des travailleurs et des citoyens unis qui, "tous ensemble", défendent leurs droits et l'intérêt général. Et cela évidemment va à l'encontre du racisme et de la xénophobie qui sont les caractéristiques de l'extrême-droite et de leur rôle de troupes de choc anti-syndicales.

La gauche a aussi la responsabilité d'expliquer à ceux qui se laissent berner par le discours "nationaliste-social" du RN, qu'au pied du mur ces pseudos défenseurs du peuple ne sont que les alliés objectifs du capital avec leurs diversions racistes qui divisent, empoisonnent et obscurcissent la conscience de nos concitoyen-ne-s.

Antoine Manessis

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