mercredi 22 mai 2024

"Nous nous battrons jusqu'au bout"

Antoine Manessis

Les sondages compilés donnent une résultante, qui vaut ce que valent les sondages, mais qui sont des indication. Quelles sont-elles ?

Première et sans doute centrale : le chiffre très haut de l'abstention. Entre plus ou moins 50%. C'est ce chiffre qui donne sa force à l'extrême-droite. C'est l'abstention des classes populaires qui ouvre la route au néo-fascisme. C'est le socle sociologique de la gauche qui s'abstient et qui prive la gauche de ses forces. Alors que la fraction de droite de l'électorat populaire s'ajoute à une base de masse de droite de plus en plus radicalisée qui se tourne vers l'extrême-droite. C'est pourquoi les appels au boycott de groupuscules souverainistes de droite et de gauche, font directement le jeu du RN.

Ensuite vient la navigation largement en tête du RN avec 31% des intentions de vote. Sans oublier Reconquête à 6%. Ce qui nous donne une extrême-droite à environ 40% des exprimés (donc rappelons-le avec 50% d'abstention.) Si les classes populaires votaient, se mobilisaient, cela réduirait cette prévision à environ 20% pour le néo-fascisme, à condition bien sûr qu'elles ne votent pas pour le RN. Mais on voit mal les jeunes des quartiers populaires, la jeunesse étudiante et la classe travailleuse dans sa nouvelle configuration voter pour des partis racistes.

Il faut toujours ramener l'extrême-droite à sa véritable force. Elle est hélas importante mais en aucun cas hégémonique. Rien n'est inéluctable surtout pas la victoire de Le Pen en 2027. Il y a davantage de gens contre le RN qu'en sa faveur. Le tout est qu'ils s'expriment, s'organisent, s'unissent. Union d'autant plus nécessaire qu'il apparait e plus en plus que les droites envisagent sans état d'âme leur alliance avec le néo-fascisme.

Les Pays-Bas viennent de le démontrer avec éclat où le chef du parti néo-fasciste et raciste ( le Parti pour la liberté-PVV). Geert Wilders, est parvenu à un accord de gouvernement avec les libéraux conservateurs du Parti populaire pour la liberté et la démocratie (VVD), le Mouvement agriculteur-citoyen (BBB) et la formation de droite Nouveau Contrat social (NSC), bref une alliance entre chrétiens-démocrates, libéraux, centristes et fascistes.

Cela nous amène naturellement à observer ce qui se passe dans les partis a priori anti-fascistes. Les gauches donc.

Le PS et le groupuscule de Glucksmann (Place publique) ont fait cause commune, le PS étant dans un tel état de faiblesse et de division qu'il a placé à la tête de sa liste un individu dont la seule caractéristique est d'être de droite. Libéral, atlantiste, colonialiste et sioniste, il appartient sans contestation possible à l'arc capitaliste. Le PS est divisé entre une tendance qui avait joué la carte de la NUPES pour sauver ses élus après le cataclysme Hidalgo et une fraction franchement à droite menée par Cazeneuve, Delga, Mayer-Rossignol, Hollande and Co. La synthèse issue de ce marécage est Raphael Glucksmann. 

Ce dernier a adopté une posture qui lui a permis d'attirer une fraction de l'électorat socialiste (CSP+) anti-NUPES pour des raisons de classe mais aussi une fraction de la petite-bourgeoise tendance Dalaï-Lama et jardinage. Ce qui ampute EELV d'une partie de son électorat et qui fiche en l'air sa stratégie qui consistait à affirmer sa force aux européennes. Désormais les sondages donnent les Verts à 6,1%  juste derrière Reconquête à 6,2%.

La liste PS est donc parvenue à 13% en agglomérant la droite social-démocrate et la droite Ecolo genre Jadot ou pire Cohn-Bendit. Après une progression depuis janvier (+3%) Glucksmann stagne malgré un soutien médiatique massif. Il faut dire qu'il est le seul à gauche à soutenir Macron dans ses délires guerriers. Le bellicisme de Glucksmann sur le dossier ukrainien et son refus de dénoncer le carnage que commet Israël en Palestine expliquent sans doute que sa prétendue dynamique se heurte au bon sens des électeurs.

Mais, disons-le encore, son score est encore trop élevé compte tenu de sa base sociale et idéologique parce que l'électorat populaire ne se mobilise pas suffisamment sur la liste d'Union populaire. L'abstention, nouveau système censitaire, favorise l'extrême-droite et la droite sociale-libérale dont les électeurs votent davantage. 

La liste du PCF menée par Léon Deffontaines est donnée à 2% par tous les sondages sauf un ou deux qui le donnent à 2,5%. Bref, le bateau ou plutôt le rafiot poursuit son naufrage sans pour autant que les passagers ne paraissent comprendre que le capitaine a abusé du "bon vin français".

La liste de l'Union populaire est donnée autour de 8%.  L’Insoumise Manon Aubry qui confirme un léger frémissement qui devrait s'amplifier si, et seulement si, l'électorat populaire se mobilise. C'est la seule liste de gauche qui se soit positionnée clairement pour la paix tant en Ukraine qu'en Palestine et contre la recolonisation de la Kanaky. La seule à esquisser des solutions anti-capitalistes crédibles et avec une légitimité populaire.

A droite ce sont les prévisions de la liste macronienne qui font le plus jaser. Avec 16% la Macronie est à son plus bas étiage. Rien d'étonnant compte tenu du bilan de Macron. De plus sa cheffe de file, Valérie Hayer,  ne vaut pas tripette, Macron est aux abonnés absents et Attal, chef théorique de la majorité (relative), est incapable de provoquer la moindre dynamique. Le noyau du macronisme se ratatine de plus en plus.

La droite LR a mis à sa tête l'un des plus extrémiste parmi elle, François-Xavier Bellamy. Son discours est le même que le RN, la démagogie sociale en moins. Résultat, les sondages lui prêtent 6,7% à peine plus que Reconquête. Il semble que cette famille politique se soit laissée bouffer la laine sur le dos par Macron d'un côté et le RN de l'autre. La droite est inaudible et sans saveur, sans aucun espace politique propre. En tous les cas, elle est idéologiquement mûre pour une alliance avec le néo-fascisme dont rien ou peu de chose ne la sépare désormais.

Reconquête et sa tête de liste Marion Maréchal-Le Pen sont donnés à 6,2%. Quand on pense que la liste du PCF est à 2% on se rend compte de l'évolution du rapport des forces dans notre pays quand un-e citoyen-ne sur deux ne vote plus et que ces 50% d'abstentionnistes sont la base sociologique de la gauche.

Bien entendu cette situation a des causes. L'une d'entre elles est l'incapacité d'une partie de la gauche d'analyser la situation sociale, politique et idéologique créée par le capitalisme néolibéral et ses conséquences sur le comportement politique des classes populaires.

Une autre est le ralliement d'une partie de la gauche (en France le PS) au néolibéralisme, son refus ne serait-ce que de concevoir une rupture avec le capitalisme. Une partie de la gauche est devenue une aile du parti capitaliste, du bloc bourgeois, appelons-le comme on veut.

Désormais une gauche plus radicale s'est affirmée avec la France Insoumise. Une gauche porteuse d'une dynamique politique progressiste dont on constate les effets sur toutes les questions qui traversent la société :  salaires, prix, profit, écologie, féminisme, racisme, violences policières, solidarité internationale...

C'est la base sociale, politique, idéologique d'un rassemblement populaire plus vaste, intersectionnel qui doit donner la parole et des places de responsabilité politique et élective aux classes populaires à la mesure de leur importance dans la société. Nous ne sommes plus en 1936. Le temps a passé et la réalité n'est plus la même. Le Front populaire n'est pas un modèle mais il reste un exemple dans le sens où le rassemblement le plus vaste possible est souhaitable car nécessaire et incontournable. Pour le reste les choses s'incarneront de façon radicalement différentes. 

L'union populaire est un objectif et moyen. L'union populaire sera radicale ou ne sera pas si l'on comprend qu'être radical c'est prendre les choses à la racine et non d'adopter des postures ou refuser les compromis nécessaires. Etre radical c'est proposer des solutions concrètes aux problèmes concrets et quotidiens des gens. Etre radical c'est être aux côtés des exploités et vivre leur vie. C'est engager des processus et constituer des rapports de forces qui permettent de répondre aux exigences populaires, en s'appuyant toujours, à chaque pas sur le soutien et la mobilisation des classes populaires et moyennes. Etre radical c'est donc s'inscrire sans cesse dans la recherche de ce soutien de masse sans lequel on ne peut pas vaincre. On l'a déjà dit sur tous les tons, notre seule force c'est le nombre. Et le nombre non pas à un "moment" mais sur la longueur. La révolution pour ne pas refroidir et être trahie doit se ressourcer dans ce qui lui donne et son sens et sa force, le soutien éclairé du peuple.

Nous voyons que nous en sommes loin. Mais nous voyons aussi un processus qui va dans ce sens, chaque jour davantage. Une perspective politique pour les luttes, 22% à la présidentielle en 2022, des positions justes et dignes vis à vis des Palestiniens ou des Kanak, des luttes pour le progrès humain sur tous les fronts avec leurs diversités, le long combat pour l'émancipation avec ses reculs et ses avancées. A chacune, à chacun de nous d'y contribuer et d'y participer. Il n'y aura pas de raccourci. Il n'y aura que l'organisation du combat et l'intelligence des situations.

Comme le disait Alphonse Dianou et tant d'autres "Nous nous battrons jusqu'au bout".

Et pour conclure sur un objectif proche et concret, le 9 juin, qui doit être simplement perçu comme un moment et une forme parmi d'autres de la lutte, votez et faites voter Union populaire.

Antoine Manessis

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