(Argentine, 1899- Genève –Suisse, 1986)
« Les Justes »
Un homme qui cultive son jardin, comme le voulait Voltaire.
Celui qui est heureux que sur terre il y ait de la musique.
Celui qui découvre avec plaisir une étymologie.
Deux employés qui dans un café jouent silencieusement aux échecs.
Le potier qui prémédite une couleur et une forme.
Le typographe qui compose bien cette page, qui peut-être ne lui plaît pas.
Un homme et une femme qui lisent les tercets finaux d'un certain chant.
Celui qui caresse un animal endormi.
Celui qui justifie ou veut justifier un mal qu'on lui a fait.
Celui qui est heureux que sur terre il y ait Stevenson.
Celui qui préfère que les autres aient raison.
Ces personnes, qui s'ignorent, ce sont elles qui sauvent le monde.
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« Le Suicide »
Il ne restera pas dans la nuit une étoile.
Il ne restera pas la nuit.
Je mourrai et avec moi la somme
De l'intolérable univers.
J'effacerai les pyramides, les médailles,
Les continents et les visages.
J'effacerai l'accumulation du passé.
Je rendrai poussière l'histoire, poussière la poussière.
Je regarde le dernier soleil levant.
J'entends le dernier oiseau.
* * *
Jorge Luis Borges
(Argentina, 1899- Ginebra, Suiza, 1986)
©Zdravko Ducmelic

Un hombre que cultiva un jardín, como quería Voltaire.
El que agradece que en la tierra haya música.
El que descubre con placer una etimología.
Dos empleados que en un café del Sur juegan un silencioso ajedrez.
El ceramista que premedita un color y una forma.
Un tipógrafo que compone bien esta página, que tal vez no le agrada
Una mujer y un hombre que leen los tercetos finales de cierto canto.
El que acaricia a un animal dormido.
El que justifica o quiere justificar un mal que le han hecho.
El que agradece que en la tierra haya Stevenson.
El que prefiere que los otros tengan razón.
Esas personas, que se ignoran, están salvando el mundo.
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«El suicida»
No quedará en la noche una estrella.
No quedará la noche.
Moriré y conmigo la suma
del intolerable universo.
Borraré las pirámides, las medallas,
los continentes y las caras.
Borraré la acumulación del pasado.
Haré polvo la historia, polvo el polvo.
Estoy mirando el último poniente.
Oigo el último pájaro.
Lego la nada a nadie.
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