Chère Cristina,
Je ne crois pas aux prophéties. Bien sûr, ça ne les empêche pas d'exister. Mais alors, elles sont tout à fait inutiles. Par exemple, on pourrait me prédire que demain j'aurai un accident. Et alors, si grâce à la prédiction, je réussis à éviter cet accident, on pourra dire que la prédiction était fausse. Et si j'ai quand même un accident, alors, la prédiction ne sert à rien. Je ne crois pas à la magie, aux prodiges des magiciens, des diseurs de bonne aventure. Mais je crois à l'extrapolation de nos connaissances, de nos expériences. Et si on continue comme ça, on n'ira pas beaucoup plus loin. Ça ne signifie pas pour autant la fin du monde. Mais peut-être le début d'un nouvel âge des ténèbres.
Morrison n'est pas un prophète, mais un poète. Il ne parlait pas du futur, mais du présent. Il ne disait pas : nous allons faire du mal à la terre, et nous allons tous mourir. La plupart de ses chansons ont plutôt un goût de Day After: qu'est-ce que nous avons fait ? Nous sommes tous morts.
Mais qui parle de pollution ? Honnêtement, si les journaux n'en parlaient jamais, personne n'en parlerait non plus. Et ces journaux, est-ce que ce ne sont pas les mêmes qui nous racontent toutes sortes d'histoires, jusqu'à ce que nous en soyons blasés ? Terrorisme, grippe aviaire, pollution, crise économique, menace chinoise, soviétique, vietnamienne, islamique, et pourquoi pas, extra-terrestre. Quel journal nous promet une agréable fin de soirée ? Et qui sont les propriétaires de ces journaux ? Il me semble que ce sont aussi les propriétaires du monde. Alors, pourquoi nous parlent-ils de la pollution ? Et du mal que nous faisons à la Terre ? Mais pour que nous ne pensions pas au mal qu'on nous fait aussi à nous. Mais dans le fond, qu'est-ce que ça me fait, que la terre soit polluée, et qu'elle meurt bientôt, si je meurs avant elle, de n'avoir plus de vie humaine ? Quand nous n'y serons plus pour la blesser, elle reviendra vite à la vie. Nous ne sommes pas plus dangereux pour elle qu'un vilain volcan. Mais justement, nous n'y serons plus, pour la voir revivre. Quel dommage. Ça pourrait être si beau. Et franchement, c'est aussi parfois si beau. Mais ça ne dure pas. Nous sommes de vilains petits garçons. Nous cassons tout : jouets, maisons, parents, enfants...
Quant à la chute de l'Empire Américain. C'est une naïve utopie de l'espérer. Il y a déjà eu bien d'autres chutes d'empires, et de bien plus importants que celui des Américains. Celui des Perses, des Mèdes, des Celtes, des Grecs, des Égyptiens, des Romains, des Anglais, des Français, des Chrétiens, des Musulmans, des Nazis. Mais enfin, ça n'est pas parce qu'on tue un empereur, que son empire disparaît. J'aime beaucoup cette phrase de Roger Peyrefitte, dans La fin des ambassades : on a tué des Nazis, mais pas le nazisme. Et puis, quand un empire meurt, il y en a d'autres qui naissent. Et combien de futurs empereurs attendent dans l'ombre, et parfois même en plein soleil, la prochaine chute de l'empire américain ? Nous avons échappé à la dictature de Hitler pour subir celle des Américains. Mais qui sera le prochain maître du monde ? Un Américain ? Un Chinois ? Un Musulman ? Et pourquoi pas un Africain ou un Sud Américain ?
En fait, je ne m'inquiète pas beaucoup de la race ou de la nationalité du prochain maître. Ce qui m'importe avant tout, c'est de savoir s'il sera plus humain que les autres. Mais j'en doute. Qui s'intéresse à la politique ? Quelle sorte de personne désire être prince, roi, empereur ? Relisons l'histoire : Gengis khan, Alexandre, César, Napoléon, Hitler, des tueurs en série. Non, les sages ne recherchent pas le pouvoir. Des gens comme Bouddha, Jésus, Gandhi, Einstein, ont refusé les gouvernements qu'on leur offrait. Les grands pouvoirs n'attirent pas les sages, mais les fous. Et comme le disait un philosophe dont j'ai oublié le nom : il ne faut surtout pas confier le gouvernement du monde à un type qui est assez fou pour s'en croire capable, ou assez bête pour l'accepter. Bon, c'est peut-être moi qui ait dit ça. Mais comme le disait aussi le cinéaste Denys Arcan, que j'ai amicalement rebaptisé le pseudo Denys de l'ère moderne : je ne suis pas tellement optimiste pour ce qui est de notre futur. Mais franchement, peut-on lui reprocher son pessimisme ? Certainement pas si on a lu un peu l'histoire de notre monde. C'est déjà fantastique qu'on ait pu se rendre jusqu'ici. Mais une pareille chance de pendu ne nous suivra pas jusqu'au bout. Après le grand pas qu'on a fait sur la Lune, il serait temps qu'on en fasse de petits sur la Terre. Hélas, pour les quelques-uns qui voient au-delà des brumes, et pour les plus rares encore, qui osent s'y aventurer, ils sont bien nombreux, ceux qui reculent à pas de course, jusqu'au fond des cavernes de nos ancêtres.
Je suis donc aussi pessimiste que Denys Arcan. Mais je n'espère pas que tous les humains seront des Bouddhas demain matin. S'ils pouvaient seulement cesser de faire les diables dans la nuit. Mais enfin, je ne suis pas vraiment triste, malgré mon discours défaitiste. Je suis un peu déconnecté de ce cauchemar, qu'on prétend être la seule réalité possible. Mais je préfère la réalité de mes rêves. Heureusement qu'il me reste la poésie.
There's got to be a morning after
If we can hold on thru the night...
Maureen McGovern, 1972
Yvon
PS : En passant, j'ai lu aujourd'hui, que nous fêtions cette année, le cinquantième anniversaire du soulèvement des Tibétains contre la Chine. Dire que pendant tout ce temps-là, j'avais cru que c'était la Chine, qui avait envahi le Tibet, il y a justement cinquante ans cette année. Vois-tu, j'ai lu ce mensonge dans notre grand journal national. Alors, quand ils viennent ensuite me dire que le ciel est bleu, je ne peux plus m'empêcher de lever les yeux, pour voir si c'est bien vrai.
http://pages.infinit.net/verrier/
Lire également la réaction de Victor Varjac :
Je ne crois pas aux prophéties. Bien sûr, ça ne les empêche pas d'exister. Mais alors, elles sont tout à fait inutiles. Par exemple, on pourrait me prédire que demain j'aurai un accident. Et alors, si grâce à la prédiction, je réussis à éviter cet accident, on pourra dire que la prédiction était fausse. Et si j'ai quand même un accident, alors, la prédiction ne sert à rien. Je ne crois pas à la magie, aux prodiges des magiciens, des diseurs de bonne aventure. Mais je crois à l'extrapolation de nos connaissances, de nos expériences. Et si on continue comme ça, on n'ira pas beaucoup plus loin. Ça ne signifie pas pour autant la fin du monde. Mais peut-être le début d'un nouvel âge des ténèbres.
Morrison n'est pas un prophète, mais un poète. Il ne parlait pas du futur, mais du présent. Il ne disait pas : nous allons faire du mal à la terre, et nous allons tous mourir. La plupart de ses chansons ont plutôt un goût de Day After: qu'est-ce que nous avons fait ? Nous sommes tous morts.
Mais qui parle de pollution ? Honnêtement, si les journaux n'en parlaient jamais, personne n'en parlerait non plus. Et ces journaux, est-ce que ce ne sont pas les mêmes qui nous racontent toutes sortes d'histoires, jusqu'à ce que nous en soyons blasés ? Terrorisme, grippe aviaire, pollution, crise économique, menace chinoise, soviétique, vietnamienne, islamique, et pourquoi pas, extra-terrestre. Quel journal nous promet une agréable fin de soirée ? Et qui sont les propriétaires de ces journaux ? Il me semble que ce sont aussi les propriétaires du monde. Alors, pourquoi nous parlent-ils de la pollution ? Et du mal que nous faisons à la Terre ? Mais pour que nous ne pensions pas au mal qu'on nous fait aussi à nous. Mais dans le fond, qu'est-ce que ça me fait, que la terre soit polluée, et qu'elle meurt bientôt, si je meurs avant elle, de n'avoir plus de vie humaine ? Quand nous n'y serons plus pour la blesser, elle reviendra vite à la vie. Nous ne sommes pas plus dangereux pour elle qu'un vilain volcan. Mais justement, nous n'y serons plus, pour la voir revivre. Quel dommage. Ça pourrait être si beau. Et franchement, c'est aussi parfois si beau. Mais ça ne dure pas. Nous sommes de vilains petits garçons. Nous cassons tout : jouets, maisons, parents, enfants...
Quant à la chute de l'Empire Américain. C'est une naïve utopie de l'espérer. Il y a déjà eu bien d'autres chutes d'empires, et de bien plus importants que celui des Américains. Celui des Perses, des Mèdes, des Celtes, des Grecs, des Égyptiens, des Romains, des Anglais, des Français, des Chrétiens, des Musulmans, des Nazis. Mais enfin, ça n'est pas parce qu'on tue un empereur, que son empire disparaît. J'aime beaucoup cette phrase de Roger Peyrefitte, dans La fin des ambassades : on a tué des Nazis, mais pas le nazisme. Et puis, quand un empire meurt, il y en a d'autres qui naissent. Et combien de futurs empereurs attendent dans l'ombre, et parfois même en plein soleil, la prochaine chute de l'empire américain ? Nous avons échappé à la dictature de Hitler pour subir celle des Américains. Mais qui sera le prochain maître du monde ? Un Américain ? Un Chinois ? Un Musulman ? Et pourquoi pas un Africain ou un Sud Américain ?
En fait, je ne m'inquiète pas beaucoup de la race ou de la nationalité du prochain maître. Ce qui m'importe avant tout, c'est de savoir s'il sera plus humain que les autres. Mais j'en doute. Qui s'intéresse à la politique ? Quelle sorte de personne désire être prince, roi, empereur ? Relisons l'histoire : Gengis khan, Alexandre, César, Napoléon, Hitler, des tueurs en série. Non, les sages ne recherchent pas le pouvoir. Des gens comme Bouddha, Jésus, Gandhi, Einstein, ont refusé les gouvernements qu'on leur offrait. Les grands pouvoirs n'attirent pas les sages, mais les fous. Et comme le disait un philosophe dont j'ai oublié le nom : il ne faut surtout pas confier le gouvernement du monde à un type qui est assez fou pour s'en croire capable, ou assez bête pour l'accepter. Bon, c'est peut-être moi qui ait dit ça. Mais comme le disait aussi le cinéaste Denys Arcan, que j'ai amicalement rebaptisé le pseudo Denys de l'ère moderne : je ne suis pas tellement optimiste pour ce qui est de notre futur. Mais franchement, peut-on lui reprocher son pessimisme ? Certainement pas si on a lu un peu l'histoire de notre monde. C'est déjà fantastique qu'on ait pu se rendre jusqu'ici. Mais une pareille chance de pendu ne nous suivra pas jusqu'au bout. Après le grand pas qu'on a fait sur la Lune, il serait temps qu'on en fasse de petits sur la Terre. Hélas, pour les quelques-uns qui voient au-delà des brumes, et pour les plus rares encore, qui osent s'y aventurer, ils sont bien nombreux, ceux qui reculent à pas de course, jusqu'au fond des cavernes de nos ancêtres.
Je suis donc aussi pessimiste que Denys Arcan. Mais je n'espère pas que tous les humains seront des Bouddhas demain matin. S'ils pouvaient seulement cesser de faire les diables dans la nuit. Mais enfin, je ne suis pas vraiment triste, malgré mon discours défaitiste. Je suis un peu déconnecté de ce cauchemar, qu'on prétend être la seule réalité possible. Mais je préfère la réalité de mes rêves. Heureusement qu'il me reste la poésie.
There's got to be a morning after
If we can hold on thru the night...
Maureen McGovern, 1972
Yvon
PS : En passant, j'ai lu aujourd'hui, que nous fêtions cette année, le cinquantième anniversaire du soulèvement des Tibétains contre la Chine. Dire que pendant tout ce temps-là, j'avais cru que c'était la Chine, qui avait envahi le Tibet, il y a justement cinquante ans cette année. Vois-tu, j'ai lu ce mensonge dans notre grand journal national. Alors, quand ils viennent ensuite me dire que le ciel est bleu, je ne peux plus m'empêcher de lever les yeux, pour voir si c'est bien vrai.
http://pages.infinit.net/verrier/
Lire également la réaction de Victor Varjac :

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