Verbe pur et nom nu, c’est Cristina Castello, la femme des mots cristallins, la journaliste poète qui, en mai et à Paris, présentera son premier livre de poèmes illustrés par le grand Antonio Seguí :
Accompagnée de ses muses aux ailes blanches elle est venue dans « L’Île » pour nous faire cadeau d’une entrevue parsemée de vols, d’anges et d’oiseaux.
Qu’est-ce que c’est la soif ?
C’est le principe de la vie et un mandat adressé à l’être intérieur. C’est l’ennui et la sérénité, le désespoir et l’espoir, le désert et la source. Sans soif il n’y a ni désir, ni plaisir ni vérité ; il n’y a pas d’abîmes qui songent à des sommets, il n’y a pas l’entêtement de la mer, non plus. Sans soif il n’y a ni la beauté ni les yeux qui la recréent. Sans soif la science … cette équation poétique et vitale qui sauve des vies et multiplie les fleurs, qui allume des aubes et engendre l’amour, n’existerait pas non plus ; Miguel de Cervantes nous avertissait déjà que la poésie servait toutes les sciences, mais celles-ci sont obligées de s’en autoriser. Sans soif il n’y a pas de poésie, car la poésie elle-même est soif ; et soif et poésie, signifient s’éveiller à la lumière.
« Soif gorge sable » s’appelle la première soif, disons, de ton recueil « Soif », et là tu as écrit « Soif d’orphelins hurlants/ Soif de pluie dans l’horizon/ Soif exile de l’Infini/ Hurlement dans le désert, soif/ Soif exile de rosée… ». Ta poésie est pleine d’images multiples et intenses, fortes, en tout cas…Sais-tu pourquoi ?
Non. Je sais seulement qu’il y a des thèmes ou des mots qui me guettent et me poursuivent, et il y a aussi des situations limites, comme la cruauté et l’amour, ou la non compréhension des semailles de bonté par la bonté elle-même -de la part des êtres tortueux-, qui défont les nœuds de l’esprit, désarticulent les peurs, stimulent l’imagination ; bref, elles me font écrire. Tu sais que l’indifférence m’est étrange, donc le silence me fait peur et devient poème. Et pourtant, j’aime aussi écrire sans m’inspirer des idées préconçues : j’aime observer la couleur blanche de la feuille ou de l’écran et laisser l'alphabet y dessiner des chorégraphies.
C’est ton côté ludique ?
Peut-être … et c’est aussi ma quête vers la connaissance intérieure. Le résultat de ce tour des caractères qui cherche sa place et émerge de mon être le plus profond, est une danse. Et cette danse, c’est moi, et c’est en elle que je me découvre.
Et toi, comment te vois-tu ?
Des fois heureuse, des fois souffrante. Souffrante quand, par exemple, ma danse me raconte que je me suis éloignée de moi-même, ou bien quand je n’ai pas pu retrouver mes racines. Comme le poète Rafael Cadenas, « Je veux des exactitudes effrayantes. / Je tremble quand je crois avoir falsifié ma pensée. Je dois porter le poids de mes mots ». Je ne me sens pas à l’aise mais –en même temps- j’ai le calme de l’Infini.
Par des états d’esprit pareils, quel est l’indicateur qui marque la fin d’un poème ?
C’est une musique qui me demande du silence.
Paul Eluard est l’un de tes poètes préférés. Quelle influence exerce-t-il sur ton œuvre ?
Écoute, je ne serais pas tout à fait sincère si je te disais que l’essentiel qu’Eluard m’a donné, et qu’il me donne encore, est le sens de l’amour, de la révolte et de la liberté. C’est vrai, mais je n’ai pas reçu de lui que ces valeurs-là. Il fait partie -plus que d’autres poètes- de ma propre histoire. Il y a longtemps j’ai vécu - un autre obstacle de la vie à surmonter ?- Des années terribles, et cette étape de ma vie n’a rien à voir ni avec les années du génocide ni avec une situation semblable. Cette période a commencé en mai 1987 et elle a été comme un tunnel d’ombres, éclairé par la seule lumière de ma propre résistance. Cependant, le destin, ma patience, ma décision de vivre entière et pleine, et la fraternité des êtres dont l’amour m’a donné de l’asile, tout a provoqué l’arrivée de la lumière. La lumière totale, la pure lumière : c’était comme un soleil infini et à moi, qui ne laissait filtrer ni la moindre étincelle d’obscurité. La vie, qui avait pourtant été présente dans ma danse quand j’étais au tunnel, est venue, toute, à ma rencontre, s’est emparée de moi, m’a prise : elle a bâti sa demeure en moi. Eh voilà, c’est alors que j’ai repris Eluard. « Je t’aime tel qu’on naît », a-t-il écrit, et c’est ainsi que j’aime Paul Eluard, tel qu’il est. Je l’aime comme l’on aime les phares et les épis, comme l’on aime les étoiles et la pluie quand elle n’est pas tempête mais des larmes de bonheur qui sont des cascades bénissant l’érotisme de la beauté.
Je ne veux pas te demander à propos de ce tunnel…
Merci Claudia, je sais de tes questions perspicaces et, je sais en même temps de ton respect envers l’autre. C’est pour cela que j’ai pu te le commenter… mais jamais, je n’en parlerai. « Souffle de l'infini. / La bringue du poème. /Soif. / Un lâcher d’oiseaux tu es … », dit, ou plutôt je dis, dans l’un des poèmes de mon livre. C’est ça ce que je veux… un lâcher d’oiseaux, mais pour l’Humanité.
(Mains de la poète - ©Photo Denis Garnier -Paris)
Un « lâcher d’oiseaux »… Pour toi, Paris c’est ça ?
Paris est une caresse et une tempête. Paris, c’est l’amour et comme ça, c’est le mystère ; tel qu’est mystérieux le rapport que nous entretenons, l’une et l’autre : l’amour est réciproque…voilà… sinon il n’y aurait pas d’amour ! ; son étreinte, dont l’intensité devient toujours beaucoup plus enveloppante, est chaque fois un peu plus douce lorsque j’y retourne : je sens qu’elle m’appartient et moi, je lui appartiens toujours un peu plus. Et pourtant, je ne l’aime pas aveuglement mais avec lucidité, et je sais de ses maux ; cependant, dès que j’y suis arrivée je sens en moi cette danse dont je t’ai parlée et je m’y reconnais. À Paris on respire l’art dans ses rues, dans son ciel, dans sa brume et dans son soleil ; chez la Seine généreuse, chez chaque enfant qui marche vers sa classe, l’instrument de musique sous le bras ; à travers chaque fenêtre d’où l’on entend échapper les notes musicales provenant d’un piano ; dans ces cloches qui chantent à la vie dans le concert du crépuscule et me confirment l’existence de l’éternité. Je suis allée tant de fois à Paris… et cependant c’est toujours comme la première fois et toujours, comme le jour suivant ; même si je reconnais ses chemins et son ciel, pour moi, elle est toujours neuve, comme si c’était la rencontre amoureuse quand tout l’Être s’envole. J’ai vécu (et je vivrai encore) tant d’instants sublimes là-bas… comme ce soir dans cette église perdue entre les ruelles où le mystère m’avait conduite ; et la voix de cette soprano qui chantait l’ « Ave Maria » de Gounod… elle n’était pas de ce monde. Ça a été une implosion, ça a été communier avec les étoiles. Paris est aussi les yeux de quelques amis dans lesquels je me regarde ; c’est la dette du poème que je ne lui ai jamais écrit de façon explicite.
On peut comprendre alors que tu aies publié « Soif » (« Sed ») dans la ville qui te caresse…
Oui, quand le livre a été bien assemblé, je n’ai pas douté.
Quelle relation existe-t-il entre les dessins exclusifs faits par Antonio Seguí pour « Soif » et tes poèmes ?
Le mystère –le sort et le signe de ma vie- une fois de plus a provoqué le miracle. J’avais pensé à des reproductions d’Odilon Redon ou d’Eugène Carrière, pour que mon cri et mon murmure, dans la modestie des mots, se joignent au silence de ces œuvres, chargées de tension spirituelle. Mais, comme Alfonsina Storni dit dans l’un de ses poèmes : « telle qu’une source, lorsqu’elle se donne aux autres sans égoïsme [...] j’ai offert mon cœur ». Ce fut le geste d’Antonio Seguí –l’un des plus grands artistes contemporains- quand je lui ai commenté par communication téléphonique Buenos Aires-Paris mon projet d’illustration. Tel qu’une source, sans réserve, il a fait –généreusement et sans que moi, je le lui demande- les dessins originaux pour « Soif ». J’admire son art et ses qualités humaines, et je sens son geste comme une autre confirmation de la vie. C’est ainsi que « Soif » est un livre à Antonio Seguí et à moi… même si la maison d’édition a oublié de mettre sur la couverture le nom du créateur des dessins qui disent, pour moi, mes poèmes.
Aujourd’hui qu’est-ce qui t’arrive lorsque tu lis « Soif » ?
Je sens que je renais et qu’en même temps j’ai enterré une étape de ma vie.
Je sais quel est le fil conducteur de « Soif » mais j’aimerais que tu l’explicites puisque tu es l’auteure…
Bon, voilà…parmi quelques centaines de poèmes, j’ai vu qu’il y en a quelques-uns qui ont des rapports entre eux. Tu as remarqué que le livre est divisé en trois parties et, même s’il s’agit toujours du même poème et de la même toile, on peut affirmer que la première partie fait référence à mon amour envers l’Humanité, que la deuxième aborde l’horreur que l’Humanité produit et que la troisième parle de la relation amoureuse. Mais enfin, c’est toujours le même thème : c’est l’envie d’excellence. Par exemple, si on prend la troisième partie tu pourras constater que, bien que chaque poème soit unique en lui-même, l’ensemble est une narration : ça commence avec le début d’un amour et termine avec sa fin. Tout à fait simple… quand même, je suis convaincue qu’on a gâché pas mal de textes, indispensables, et je ne sais pas si je les publierai dans l’avenir. Aujourd’hui j’ai besoin de me reconnaître dans mon présent et la chorégraphie est différente, bien qu’à la base elle soit la même…On le verra dans le livre que j’espère éditer cette année.
Quand même, tes poèmes respirent toujours la vérité…
Je ne sais pas…en fait….la seule chose que je sais c’est que je fuis le bruit et l’artifice. Le bruit –et tout ce que ce mot implique– trouble le regard intérieur ; l’artifice, à son tour, c’est l’absence d’émotion –la seule habileté– sans aucune référence à la puissance humaine, celle qui –par désir de verticalité– a besoin de devenir acte, en prose ou en poème.
(©Photo Denis Garnier -Paris)
Est-ce que tu veux dire que la parole poétique peut s’épuiser ?
Je veux dire que l’artifice est pour ceux qui vivent pour les concours, pour enrichir des CV et pour apparaître dans des anthologies après avoir payé pour y participer. Je ne fais pas partie de ce monde. Je veux dire que j’ai besoin du silence ; je le recherche et je souffre beaucoup quand je ne trouve pas, et j’abomine de moi et je soupçonne mes réserves intérieures. Et pourtant le dire poétique ne s’épuise pas ni me quitte car il ne s’agit pas d’écrire avec de beaux mots mais de vivre comme poète. D’ailleurs, je crois à la possibilité de l’intuition profonde -je dirais même de la divination-, le fait d’atteindre le disque noir au centre de la cible, le cœur de la pierre ou les entrailles d’une âme, ça, on ne l’apprend pas ; c’est un don pour ceux qui ont accès à ce qui est insaisissable.
Tu as dit que l’un des lieux où tu présenteras ton livre à Paris est le « Club des Poètes ». Comment est-il, ce lieu ?
C’est un lieu sacré de la poésie, sans solennité mais avec la simplicité de la vérité ; c’est une aquarelle de la plénitude intérieure que je ressens lorsque je suis là-bas. Il a été fondé en 1961 par l’énorme Jean-Pierre Rosnay, le dernier représentant des poètes de la Résistance Française. Il y est entré comme combattant à l’âge de quinze ans et tout suite il est tombé prisonnier des nazis, mais il a pu sauver sa vie et il a continué son labourage éthique à travers la beauté de sa poésie.
Es-tu en contact permanent avec lui ?
Je parle avec lui, mais surtout je le regarde : sans révérence mais avec remerciement, de la discrétion et de la joie. La poésie vit en lui. J’ai fait sa connaissance en 2001, ainsi que celle de son épouse Marcelle, de son fils Blaise Rosnay et de l’épouse de ce dernier, Yasmine. Ils sont tous poètes. En 2001, quand je suis entré au Club pour la première fois j’ai senti que la poésie m’embrassait et m’embrasait. Je n’avais jamais imaginé que j’aurais l’occasion de présenter dans ce lieu sacré ma « Soif » et ma soif.
Alors donc ?
Donc, c’est un rêve jamais rêvé.
Il y a un poème surtout qui m’a attiré l’attention. « Semences », il sonne comme un hymne…
Bon…c’est l’un de mes textes qui renferme tout ce dont j’ai envie. L’art, la bonté, la justice, la liberté, l’égalité, la pitié. « Je veux des adultes au rire vierge/ et des anges portraiturés dans des enfants. / Que les impies respirent. Blake. / Que Rilke exorcise ce qui est évident./ Que les vieillards vivent dignement./ Que le Pays le Continent le Monde
l’Univers/ soient pour des êtres égaux, sans discrimination… ». Il y a une mélodie d’Éric Bertomeu pour ce poème et, justement, on est en train de le transformer en une espèce d’hymne à la vie, dans une version avec musique classique.
Dans le poème « Dessins de l’U », tu dis : «La bouche devient veille de baisers / quand elle dit U… », pourquoi ?
Regarde, Claudia, essaie…Quelle forme a ta bouche lorsqu'elle va donner un baiser ? Quelle forme a-t-elle lorsqu’elle prononce « U » ?
C’est vrai, c’est un « U » ! Et ce poème est un autre hymne et…Voyons, tu es très engagée dans la lutte pour un monde juste, s’il te plaît…en deux mots, ton désir le plus fervent pour tous et pour toi-même, c’est possible ?
Oui, c’est la fin de « Semences » : « Rien que la lumière, rien que la vérité ».
Soif et l’eau
Les poèmes de Cristina Castello sont des cruches comblées d’eau fraîche au milieu du désert et sur le sable immense. Ses paroles tombent comme la pluie -doucement et à torrents- dans Soif / Sed : son premier livre de poèmes édité en français et en espagnol par L' Harmattan sous la garde attentive de Ricardo Dessau.
L’impeccable collection bilingue Poètes des Cinq Continents (dirigée par Geneviève Clancy, Emmanuelle Moysan et Mithridad Pourmir) réunit les lumineuses préfaces de François Xavier et Oscar Barney Finn qui caressent les 44 poèmes qui accomplissent le mandat sacré de l’écriture : «donner de la voix au silence». Les sept illustrations révélatrices d’Antonio Seguí donnent des ailes à la soif et une réalité de faucilles à la parole.
Lire Soif nous fait avoir soif et rassasie l’envie de liberté poétique. Cette lecture libère les mots sans attaches de la journaliste-poète et ses anges révoltés.
Soif est un livre aussi nécessaire que l’eau : il caresse l’âme avec du bleu et du jaune.
L’art est la joie de la poète épanouie et sa soif est indispensable pour que la source fasse irruption, trempe et nourrisse les lecteurs remerciants de tant de beauté.
«Soif» / «Sed», où ? Quand ? Comment ?
Soif (Sed) Cristina Castello - Éditions L‘Harmattan, Paris. Bilingue : français - espagnol. Publication : octobre 2004.
Dessins originaux d’Antonio Seguí, exclusifs pour Soif. Édition sous garde de Ricardo Dessau.
Préfaces de François Xavier (Paris) et Oscar Barney Finn (Buenos Aires).
Texte de la quatrième page de couverture de Ricardo Dessau.
Publié dans (le journal) « Diario Uno » – Entre Ríos (Argentina) / 8 février, 2005.
http://www.cristinacastello.com/
christinacastello@yahoo.fr
* * *
Palabras de agua viva para la sed poética
Cristina Castello, autora de «Soif» («Sed»)
Por Claudia Sosa
Verbo puro y sustantivo desnudo es Cristina Castello: la mujer de palabras cristalinas, la periodista poeta que (en mayo, en París) presentará su primer libro de poemas ilustrados por el gran Antonio Seguí: Sed /Soif. Con sus musas de alas blancas se acercó a La Isla para regalar una entrevista plagada de vuelos, ángeles y pájaros.
¿Qué es la sed?
Es el principio de la vida y un mandato hacia el ser interior. Es desazón y serenidad, desesperación y esperanza, desierto y manantial. Sin sed no hay deseo, ni placer, ni verdad; no hay abismos que sueñen cumbres, ni hay porfía de mar. Sin sed no hay belleza, ni ojos que la recreen. Sin sed no habría ciencia... esa ecuación poética y vital que salva vida y multiplica flores, alumbra amaneceres y engendra el amor; ya Miguel de Cervantes nos advertía que la poesía sirve a todas las ciencias, pero que éstas se han de autorizar con ella. Sin sed no hay poesía, porque la poesía es sed; y sed y poesía significan despertar a la luz.
«Sed garganta arena» se llama la primera sed -digamos entonces- de tu poemario, «Soif», y allí escribiste «Sed de huérfanos aullantes/ Sed de lluvia en horizonte/ Sed destierro de Infinito/ Alarido en desierto, sed/ Sed exilio de rocío...». En tu poesía hay imágenes múltiples e intensas, fuertes, en este caso... ¿Sabés por qué?
No. Sólo sé que hay temas o palabras que me acechan y persiguen, y también hay situaciones límite, como la crueldad y el amor, o la no comprensión de la siembra de bondad, por la bondad misma ―de parte de seres tortuosos―, que desatan los nudos del espíritu, desarticulan los miedos, estimulan la imaginación y me hacen escribir. Vos sabés que la indiferencia me es ajena, y entonces el silencio se espanta y se convierte en poema. Y sin embargo, también me gusta escribir sin ideas previas: ver el blanco del papel o de la pantalla, y que el alfabeto dibuje una coreografía.
¿Es tu aspecto lúdico?
Posiblemente... y es, también, mi búsqueda de autoconocimiento. El resultado de ese giro de letras que busca su lugar y emerge de mi ser más profundo, es una danza. Y esa danza soy yo, y en ella me descubro.
¿Y cómo te ves?
A veces con alegría y otras con dolor. Dolor, por ejemplo, cuando mi danza –mi poesía- me cuenta que me distraje de mí misma, o que no pude llegar hasta mi raíz. Como el poeta Rafael Cadenas, «Quiero exactitudes aterradoras./ Tiemblo cuando creo que me falsifico. Debo llevar en peso mis palabras». Vivo con desasosiego y –a la vez- con calma de Infinito.
Con esos estados del espíritu, ¿cuál es el indicador que marca el fin de un poema?
Es una música que me pide silencio.
Paul Eluard es uno de tus poetas preferidos. ¿Qué influencia tiene en tu obra?
Mirá, no sería del todo sincera, si te dijese que lo fundamental que me dio y da Eluard es el sentido del amor, de la rebeldía y de la libertad. Eso es verdad, pero no recibí sólo de él esos valores. Él forma parte ―más que otros poetas― de mi propia historia. Alguna vez pasé dos años ―¿otra prueba de la vida?― que me fueron terribles, y que no tienen que ver ni con los años del genocidio en Argentina, ni con situaciones parecidas. Empezaron en mayo de 1987 y fueron como un túnel de sombras, con la sola luz de la propia resistencia espiritual. Pero el destino, mi paciencia, mi decisión de vivir entera y plena, y la fraternidad de seres cuyo amor me cobijó, hicieron que llegara la luz. La luz total, absoluta luz: era como un sol infinito y mío, que no dejaba filtrar ni una chispa de oscuridad. La vida, que aún en el túnel me había estado presente en mi danza, vino toda a mí, me ocupó, me tomó: hizo su morada en mí. Y fue precisamente entonces cuando yo retomé a Eluard. «Te quiero como se nace», escribió, y así quiero a Paul Eluard, así lo amo. Lo amo como se ama a los faros y a las espigas, como se ama a las estrellas y a la lluvia, cuando ella no es tempestad sino lágrimas de dicha que son cascada, para bendecir el erotismo de la belleza.
No quiero preguntarte por aquel túnel...
Gracias Claudia, sé de tus preguntas a fondo y, a la vez, de tu respeto. Por eso lo mencioné. No... jamás hablaría de aquello. «... Soplo de infinito/ Juerga del poema/ Suelta de pájaros...», dice, o digo, en uno de los poemas de mi libro. Eso quiero... una suelta de pájaros, pero para la Humanidad.
Una «suelta de pájaros»... ¿Eso es París para vos?
París un caricia y una tempestad. París es el amor y, como tal, es el misterio; como misteriosa es la relación que tenemos: el amor es recíproco... bueno, qué digo... si no, no habría amor; y me recibe con su abrazo cada vez más suave, en su intensidad siempre más envolvente, cada vez más mía, cada vez más suya yo. No la amo con ceguera sino con los ojos siempre abiertos, y sé de sus males; pero en el instante mismo de mi llegada siento aquella danza de que te hablé y en ella me reconozco. En París se respira el arte en sus calles, en su cielo, en su bruma y en su sol; en el Sena generoso, en cada niño que camina con un instrumento hacia su clase de música; en cada ventana por la que se escucha un piano; en esas campanas que cantan un concierto por la vida en el crepúsculo, y me ratifican la eternidad. Fui tantas y tantas veces a París, y sin embargo, siempre es la primera y siempre es el día siguiente; y aunque reconozco sus caminos y su cielo, siempre me es nueva, siempre me es como el encuentro amoroso, cuando todo el Ser está en vuelo. Tantos instantes sublimes viví (y viviré) allá... como aquella tarde en alguna iglesia, perdida entre callecitas, hacia donde el misterio me llevó; y aquella voz de aquella soprano que cantaba el «Ave María» de Gounoud y que no era de este mundo. Fue una implosión, fue un comulgar con las estrellas. Y París es también los ojos de algunos amigos, en los que me miro; y es la deuda del poema que nunca le escribí de modo explícito.
Se explica entonces que publicaras «Sed» (o «Soif») en la ciudad que te acaricia...
Sí, cuando el libro estuvo armado no dudé.
¿Qué relación hay entre los dibujos exclusivos que hizo Antonio Seguí para «Sed» y tus poemas?
El misterio -que es sino y signo de mi vida- también en este caso hizo el milagro. Yo había pensado en reproducciones de Odilon Redon o de Eugène Carrière, para que mi grito y mi susurro en la modestia de las palabras se unieran al silencio de aquellas obras, cargadas de tensión espiritual. Pero, como dice Alfonsina Storni en uno de sus poemas: «...como se da una fuente, sin reservas [...] yo di mi corazón». Y así fue el gesto de Antonio Seguí –uno de los más grandes artistas contemporáneos- cuando se lo comenté por teléfono Buenos Aires-París. Como se da una fuente, sin reservas, hizo -generosamente, como generoso es él, y sin que yo hubiera osado pensarlo- los originales para «Soif». Y yo admiro su pintura y su calidad humana, y siento su gesto como otra confirmación de la vida. Así que «Soif» es un libro de Antonio Seguí y mío...aunque en la editorial olvidaron poner en la portada el nombre del autor de los dibujos que dicen, por mí, mi poesía.
¿Qué te pasa hoy cuando lees «Sed»?
Siento que –al mismo tiempo que sepulté una etapa- nací otra vez.
Sé cuál es el hilo conductor de Sed, pero me gustaría que me lo dijeras, como autora...
No sé... entre cientos de poemas, vi que algunos tienen relación entre sí. Habrás notado que el libro está dividido en tres partes y, si bien siempre se escribe el mismo poema y se pinta el mismo cuadro, digamos que la primera parte está más referida al amor mío a la Humanidad; la segunda al horror que la Humanidad produce; y la tercera a la relación amorosa. Pero en definitiva, todo es lo mismo: el anhelo de excelsitud. Mirá...si tomamos, por ejemplo, la tercera parte, verás que, a la vez que cada poema es uno en sí mismo, el conjunto es una narración; comienza con el principio de un amor y termina con el fin de ese amor. Así de simple fue todo..., aunque creo que se desperdiciaron muchos textos, indispensables, que no sé si publicaré en el futuro. Ahora necesito saberme en mi hoy, y la coreografía es otra aunque sea la misma... Ya lo veremos en el libro que espero editar este año.
De todos modos, siempre tus poemas respiran verdad...
No sé, sólo sé que escapo del ruido y del artificio. El ruido –con todo lo que esta palabra implica― enceguece la mirada interior; y el artificio es la carencia de emoción ―la sola habilidad― sin ninguna referencia a la potencia humana, a aquella que -por anhelo de verticalidad- necesita ser acto, en prosa o en poema
¿Querés decir que la palabra poética puede agotarse?
Quiero decir que el artificio es para quienes viven para los concursos, para llenar currículos, y para aparecer en esas antologías donde se paga para participar. Yo no participo de ese mundo. Quiero decir que necesito silencio; y lo indago, y sufro mucho cuando no lo encuentro, y abomino de mí, y sospecho de mis reservas interiores. Pero no, el decir poético no se agota ni se me agota, porque no se trata de escribir con palabras bellas, sino de vivir como poeta. Además, creo que la posibilidad de la intuición profunda ―casi diría de la adivinación―, eso de dar en el centro justo: en el corazón de la piedra o en la entraña de un alma, no se aprende; me parece que es un don para quienes tienen acceso a lo inasible.
Dijiste que uno de los lugares donde presentarás tu libro en París es el «Club des Poètes», ¿Cómo es exactamente ese sitio?
Es un recinto sagrado de la poesía, sin solemnidad y con la sencillez de la verdad; es una acuarela de la plenitud interior que siento allí. Lo fundó en 1961 el enorme Jean-Pierre Rosnay, el último representante de los poetas de la Resistencia de Francia, donde ingresó a los quince años y enseguida fue hecho prisionero, pero conservó la vida y siguió siempre su siembra ética, a través de la belleza de su poesía.
¿Hablás mucho con él?
Hablo con él, pero -sobre todo- lo miro: sin reverencia, pero con agradecimiento, discreción y regocijo. En él vive la poesía. Lo conocí en 2001, y también a Marcelle ―su esposa― y a su hijo, Blaise Rosnay, y a Yasmine, su mujer. Todos son poetas. Cuando en el año 2001 entré por primera vez, sentí que la poesía me abrazaba y abrasaba. Nunca imaginé, ni siquiera fue un anhelo, que un día yo presentaría allí mi «Sed» y mi sed.
¿Entonces?
Entonces es un sueño que nunca soñé.
Hay un poema que me llamó la atención especialmente. «Semillas», suena como un himno...
Bueno... es uno de los textos míos que contienen todo lo que deseo. El arte, la bondad, la justicia, la libertad, la igualdad, la piedad. « Quiero adultos con risa virgen /y ángeles que retraten en niños./Que los impiadosos respiren a Blake./ Que Rilke exorcice la obviedad. /Que los viejitos vivan en honor./Que el País el Continente el Mundo el Universo /sean para iguales y sin discriminación...». Hay una música de Éric Bertomeu para ese poema y, justamente, se está pensando en hacer con él una suerte de himno a la vida, con música clásica.
Y en el poema «Dibujos de la U», decís:.«La boca es víspera de besos/ cuando dice U...», ¿Por qué?
Fijate, Claudia, probá... ¿Qué forma toma tu boca cuando va a besar?, ¿y qué forma tiene cuando dice «U»?
¡Es verdad, es una «U»! Y el poema es otro himno y... A ver, tan comprometida con un mundo justo, por favor... en dos palabras, tu anhelo para todos y para vos, ¿sí?
Sí, es el final de «Semillas»: «Sólo luz sólo verdad».
Sed y agua
Cántaros atiborrados de agua fresca en medio del desierto y sobre la arenainmensa son los poemas de Cristina Castello. Llueven -de a poco y a cascadasllenas- sus palabras en Sed /Soif : su primer libro de poemas editado enfrancés y español por L'Harmattan al cuidado cuidadoso de Ricardo Dessau.La cuidada colección bilingüe Poetas de Cinco Continentes (dirigida porGeneviève Clancy, Emmanuelle Moysan y Mithridad Pourmir) atesora losluminosos prefacios de François Xavier y Oscar Barney Finn que acarician alos 44 poemas que cumplen con el sabio mandato de la escritura: «dar voz alsilencio». Y las siete enjundiosas tintas de Antonio Seguí le dan alas a lased y realidad de guadañas a la palabra.Leer Sed provoca sed y sacia las ansias de libertad poética. Liberan lasletras sin amarras de la periodista-poetisa y sus ángeles rebelados.Sed es un libro tan necesario como el agua: acaricia el alma con azules yamarillos.El arte es la ventura de la poeta plena. Y su sed necesaria para que elmanantial irrumpa, empape y nutra a los lectores agradecidos por tantabelleza.
Claudia Sosa
«Soif» / «Sed», dónde, cuándo, cómo
Soif (Sed) Cristina Castello «Éditions L‘Harmattan», París. Bilingüe : francés - español. publicación : octubre de 2004.
Dibujos originales de Antonio Seguí exclusivos para Soif.
Edición al cuidado de Ricardo Dessau.
Prefacios de François Xavier y Oscar Barney Finn.
Publicado en Diario Uno – Entre Ríos (Argentina) / 8 de febrero de 2005.
http://www.cristinacastello.com
http://les-risques-du-journalisme.over-blog.com/


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