À la mémoire d'Anna Politkovskaïa,
assassinée à Moscou le 07/10/06,
et de tous les journalistes disparus
avec une branche de semences dans la bouche :
La passion par la vérité.
* * *
« Les aléas du métier »
Par Cristina Castello
— Cristina, oublie l'entrevue avec « Carlitos ».
— Pourquoi ? Je suis cette affaire depuis deux mois, et pour la faire j'ai cherché énormément d'informations, et... toi, tu le sais...!
—- Evidemment, je le sais.
— Alors ?
— Il ne veut pas te recevoir, mais il accepte d'être interviewé par Renée (Sallas), ne t'en fais pas
— Bon, mais... que s’est-il passé ?
—Il dit qu'il nous accorde une entrevue exclusive, à condition que tu ne la fasses pas toi. Mais… Allons, Chris... tu devrais en être fière ! Tu es un point de repère dans le journalisme et lui, il te ferme la porte.
— Mais qu'est-ce que tu dis ? Je ne comprends pas.
— Que monsieur le Président de la Nation Argentine craint et refuse absolument que tu l'interviewes ! Il ne sait pas répondre à tes questions.
Ce fut mon dialogue téléphonique avec Jorge de Luján Gutiérrez, directeur de la revue « Gente » (« Gens »), où je travaillais. La date : la seconde moitié de juillet 1989.
« Carlitos »… n'était —n'est — autre que CARLOS MENEM, celui qui était président de l'Argentine depuis le 8 juillet de cette année-là.
Celui qui m’a informée de la décision présidentielle était alors le chef de la SIDE (Secrétariat d'Informations de l'État), Juan Bautista « Tata » Yofre.
* * *
« … Montrer la foule et chaque homme en détail/Avec ce qui l'anime et qui le désespère/Et sous ses saisons d'homme tout ce qu'il éclaire/Son espoir et son sang son histoire et sa peine » (extrait de « Poème pour tous », Paul Éluard).
La poésie illumine toujours. Par ce fragment poétique je commençais mes cours de journalisme ; et la première lecture que je livrais aux élèves, avec l'excuse qu’ils en feraient un travail certain, était « Lettres à un jeune poète », de Rainer-Maria Rilke. Je voulais-je veux- allumer des feux inextinguibles dans chaque être dont le chemin converge vers le mien.
J'ai faim et soif de Vérité.
Faire du journalisme c’est répandre des semences. Et l'ensemencement requiert férocité et tendresse pour défendre la vie comme expérience créatrice ; la beauté est la tâche de l'homme et elle exige de dévoiler : d’enlever les masques. Tous.
J'ai commencé à étudier le journalisme parce que je voulais écrire. Je me suis trompée. J’avais terminé l'école secondaire à quinze ans et trois mois, j’avais lu beaucoup de livres et écrit beaucoup de poèmes. Je savais trop et ne savais rien : mon « érudition » n'était que théorie. J’avais le savoir de mes lectures et de mon intensité pour vivre à cœur ouvert et à ciel ouvert. Passionnément. Mais j’ignorais mon être, ma soif et mon destin de poète. Je méconnaissais ma racine et je n’ai pas su écouter la voix de mon essence ; celle qui a vécu en moi depuis que j’ai fait mon nid dans le ventre de l'amour, de la poésie et de l'abnégation. Dans celui de Rosita « Chiquita Batmalle », ma maman. Toutefois, j’avais une conscience claire de l'autre force qui nourrit et absorbe ma vie : me donner à « mes » autres.
Durant ma première année d’études, j'ai commencé à travailler dans un hebdomadaire, et j’ai terminé le cursus avec la mention la plus honorable et reçu le diplôme d'honneur. Est survenu alors le premier abîme. Celui que nous devons affronter à la fin d’une étape et au début d’une autre, aussi se demande-t-on : « Et maintenant, quoi ? ».
L'abîme a duré un moment. Parce que ce destin est signe de me donner « à mes » autres, il s’est ajouté à ma plume de poète, celle que je reniais, et je me suis livrée à la profession avec la ferveur et la mystique des semeurs.
Je me suis lancée à harceler les choses impossibles. À essayer de contribuer à « changer la vie » (Rimbaud). Et je persiste. J'ai écrit des kilomètres de mots dans les publications à grand tirage et les plus connues d’Argentine, où je suis née : j'écrivais les articles à la une ; ma voix, mon mot et mon image — mon message — se sont multipliés par la radio et la télévision ; j'ai déclenché une pluie de semences dans l'âme et dans la connaissance de mes disciples de « L'entrevue journalistique ». « Et les arbres et la nuit ne bougent que depuis les nids » (Giuseppe Ungaretti). Enseigner c’est faire des nids. J'ai aimé mes élèves. Je les ai aimés, je les aime. Et j'ai reçu beaucoup d'eux dans notre histoire faite de rigueur journalistique et de complicités, de rires, de mises en question « métaphysiques », douleurs et ravissements partagés : la vie
J'ai été censurée, muselée, menacée de mort et poursuivie. Pour être née en Argentine, pendant la période 1976/83 j'ai souffert ce qu'est l’horreur pour tant d'êtres exterminés ; l'effroi devant 30.000 « disparus » (massacrés), par les militaires du génocide, déclarés ensuite par la Justice coupables de « crímenes de lesa humanidad » («crimes contre l’humanité »).
Sans militantisme dans aucun parti politique et étrangère à tout « isme », sans cet abri (et esclavage) que peut donner le fait d’« appartenir », j’étais certainement en intempérie. Pendant ce temps, je marchais par la vie et par les prisons — quand je pouvais entrer — en visite aux pauvres êtres clôturés, en brandissant une éthique des idées qui évoluerait en éthique de la conduite. J'étais presque une adolescente, mais je vivais seule — j'aime la liberté — et j’ai passé des nuits, tendue à l'étage de mon appartement, en voyant sous la porte deux pieds qui se déplaçaient avec légèreté et permanence : ils étaient des oppresseurs et m'intimidaient ; je suis passée par les interrogatoires policiers jusque dans ma maison ; j'ai subi les « réquisitions » - terme du jargon policier-militaire, dans ce cas relatif à l'inspection humiliante du corps, pour découvrir s'il était dissimulé quelque chose lors de mes visites dans les prisons, par amour pour la vie, pour faire don de moi, à mon prochain.
Je suis passée, je suis passée… je suis passée par tant de choses.
Je ne pouvais intégrer le personnel d'aucun média comme journaliste, parce que j'étais « interdite » par les « services de l'Intelligence ». Je pouvais seulement être pigiste, ce qui revenait à perdre le sommeil face au clavier et ne gagner presque rien comme salaire.
Dans ces jours de fin 2006, les menaces continuent… mais plus isolément. En réalité, il n'y a jamais eu de trêve. Ils ont mauvais goût, les ennemis de la vie. En 1987, le jour où, depuis la clinique où j’avais été hospitalisée, en raison d'un sérieux accident de circulation, ils m’ont emmenée provisoirement à la maison, pour poursuivre une convalescence de deux années, ces « gens » se sont fait entendre. Les infirmiers venaient de me « déposer » dans mon lit... finalement le mien !, jusqu'à l'hospitalisation suivante, et à l'autre et l'autre, et les autres opérations... « Tu as un ticket pour la mort, journaliste », ils m'ont menacée. La presse argentine pensait que mon accident avait été un attentat.
Par quelque Grâce, j'ai surmonté complètement ce qui a trait à cet accident-là. Mon corps n'enregistre aucun signal, et mon être intérieur n'abrite pas de ressentiments ; il y aura une certaine trace ou une peur occulte, oui, mais aussi le remerciement, être vivante et entière... Pourquoi ceci n'arriverait-il qu'aux autres, sans pour autant se produire pour moi ? Ce qui est dialectique de la vie et de la mort est en nous, mais je suis très sensible à la caresse divine. La poésie et ma substance de résistance spirituelle m'ont sauvée. « Alors, je n'ai pas arrêté. Alors, j'ai marché encore, avec la douleur du froid. J'ai marché et j’ai vu que là, il volait, que là, il revenait –une autre fois — le printemps » (Pablo Neruda). Et mon engagement dans la profession devint en constante évolution. Je n'ai jamais fait de faux pas. Je n’ai jamais commis une seule incohérence, jamais je ne me suis « vendue » bien que les « offres » pour essayer de me corrompre n'aient pas été peu nombreuses. Toutefois, ça n'est pas un mérite, mais un engagement.
Jusqu'à aujourd'hui, j’en paye le prix. Le prix, oui. Et ça fait mal, oui. Et ça engendre des problèmes, oui. Mais je suis ignorante : je ne sais pas abdiquer. Et dans ma trajectoire il y a des angoisses, mais - aussi des joies, triomphes, satisfactions et, surtout, la sensation du devoir accompli : du mot prononcé à temps.
De l'université la trace indélébile de mon maître m'est restée, Pablo Ponzano — un poète, un journaliste, un écrivain — celui par qui j'ai aussi appris l'importance de laisser un sillon, de passer le flambeau. « Travaillons-nous comme » ou « sommes-nous journalistes ? », nous nous le demandions. Nous « sommes» des personnes et « travaillons » -quand nous avons un travail - en tant que journalistes. Mais travailler comme un journaliste c’est Être Humain. C’est - ou, ce devrait être - respecter le côté sacré de la vie. C'est faire des études et des investigations ; c’est une responsabilité et un dévouement. C’est — ou ce devrait être — un amour en acte, pour tenter par la communication de montrer que l'existence est plénitude et non vide. Le journalisme est — ou devrait être — un courage. Et quand je dis « courage », je ne parle pas d'une absence de peur, mais de dignité face au danger.
(Cristina Castello - Paris 2007)
L'abîme. Cet abîme-là. Et dans cet instant, l'autre pousse à mes pieds. : « Et maintenant, quoi ? ». Et maintenant comme j’écris que le bon journalisme n'existe pas dans le monde, sauf exceptions… Comment franchir et l'outrepasser ce précipice ? Avec la vérité : car pour pouvoir tromper la réalité, il faut la connaître.
De quel journalisme parlons-nous ? En novembre 2006 le Congrès des États-Unis a voté pour légaliser la torture et d'autres atrocités similaires, tandis que la discussion dans les médias de masse tournait autour de certaines allusions sexuelles d'un législateur républicain à quelques jeunes hommes employés au Parlement. Et certes, c'est important… si le but n'est pas de distraire l'attention sur une barbarie semblable et d'ignorer les massacres au Liban, en Palestine, en Iran... et voilà que suit le nombre incalculable des victimes. Qui, quel média de communication parle des millions de dollars que le marché de la drogue apporte à son économie, entre autres « petitesses » ? Cela n'arrive pas seulement aux Etats Unis, mais dans le monde entier, sauf dans quelques médias « alternatifs », sur Internet, dans des exceptions honorables et dans certains médias de masse.
Comment peut-il se faire que chaque année 15 millions d'enfants meurent de faim, malgré le fait que l’on produit 10 % d'aliments de plus qu’il n’en fallait à toute l'humanité pour vivre ? Et surtout : Comment peut-on admettre que, combattre la violence de la faim, n'est pas prioritaire pour la presse ?
Pourquoi la culture est-elle la Cendrillon des médias ? Je pense à Kafka et à sa certitude de ce qu'elle devrait nous réveiller comme un coup de marteau sur le crâne. La lucidité peut nous perturber ou nous donner une paix ; nous poser des questions ou nous répondre.
Ce qui est certain est qu'elle ne nous laisse pas égaux, parce que la véritable révolution est la révolution de la culture et de la vérité. Mais si le plus élémentaire manuel de journalisme indique comme objectifs : informer, éduquer et éclaircir, alors j'ajouterais qu’il est indispensable que nous nous demandions si c’est cela informer. Et instruire.
Non. Les médias sont des corporations, ils manipulent l'opinion. La pensée unique a centralisé la liberté de la presse dans les entreprises et les gouvernements, qui — paradoxalement — proclament l'indépendance. En contrepartie, le peu de journalistes qui défendent la vérité —ceux à qui les médias le permettent — peuvent être réduits au silence. Exilés de la profession. Ou pire encore. Selon « Reporters Sans Frontières », jusqu'en novembre 2006 - la date de ce texte - 65 journalistes ont été assassinés et 131 emprisonnés ; et déjà en septembre la Fédération Internationale des Journalistes et d'autres organisations ont promu une nouvelle initiative globale pour encourager les efforts internationaux, afin que le journalisme soit un travail plus sûr dans le monde entier.
Je me demande s'il est contradictoire d’affirmer ; que le bon journalisme et les bons médias ne sont pas légions, ainsi que les cas que je viens de citer. Non, puisque ce sont les exceptions.
Sortir de l'abîme de : « et maintenant, quoi ? », j'ai écrit dans des lignes antérieures et c’est déjà fait, une partie de la vérité est dite. Mais j'essaierai de l'enrichir, puisque non tout est terrible ; il y a des moments lumineux et, toujours dans les plus obscurs, l'aube apparaît obstinée.
J'ai travaillé dans des spécialités distinctes à l'intérieur de ce métier, mais la culture, la critique d'art et la politique sont celles où j'ai véritablement mis l'accent, majoritairement en Argentine, mais aussi en l'Europe. J'ai été une simple rédactrice, un chroniqueur, une éditorialiste et rédactrice en chef, en graphique ; une productrice, une scénariste et une conductrice, à la radio à la télévision ; également enseignante à l’Université.
En 1982 est apparu à Buenos Aires le glorieux quotidien « Tiempo Argentino »
(« Temps Argentin »), une création de celui qui a été son directeur dans la première étape, notre bien-aimé Horacio Burzaco. Mon chef de rédaction à cette époque, dans la section « La Culture », a été le très talentueux écrivain et membre de l'Académie Nationale de Journalisme, Ernesto Schoo. Il a décelé en moi un talent d’interviewer ; et depuis lors il m'est resté cette étiquette et la quasi-exclusivité de cette spécialité, qui est un genre de la littérature, quand on l'exerce comme il se doit. Ainsi ai-je réalisé plus de trois mille entrevues.
Jusqu'à 1986, date de la fermeture de ce quotidien-là, j'ai vécu l'étape la plus heureuse- pleine et enrichissante. Mes compagnons étaient personnes cultivées, joyeuses, et aussi noctambules à l'image de Buenos Aires ; nous travaillions dans ce que nous aimions et nous recevions un bon salaire. Nous étions en harmonie : nous cherchions l'excellence et nous savions nous amuser. Un délice.
(Sin Máscara - Sans Masque, avec la pianiste Pía Sebastiani)
Mes interviews avec les hautes personnalités de la culture occupaient les deux pages centrales ou, faisaient la une du journal. J’interviewais également des personnes illustres, des artistes, des hommes de science, des écrivains, des philosophes… Je me suis spirituellement enrichie dans ces dialogues qui pouvaient durer de deux à huit heures, mais surtout, j’ai pu donner aux lecteurs un autre regard, d'autres contenus, une autre vision du monde au-delà du contingent et de l’immédiat : le sens de la transcendance. L’aboutissement consiste à tenir compte avant tout du public non de son image personnelle : le public, et non l'éclat personnel.
Dans cette perspective, posons-nous la question de savoir qu’est-ce qu’une interview ? Puisque, je me répète : c’est répandre des graines. Si l’interlocuteur possède des richesses, elles sont renforcées par les bonnes questions, d'où l'importance de tout savoir de lui au préalable. Mais « tout » veut dire « tout », ce qui est un travail obligatoire : par respect pour chaque trajectoire, pour éviter les lieux communs… ainsi, pour enrichir le lecteur, le téléspectateur ou l’auditeur, celui qui veut entendre le monde et se connaître, celui qui a besoin d'une compagnie, de références et d’identités.
Ceux-là étaient les « dignes », avec qui j'étais arrivée munie de l'expérience de mon travail antérieur dans tous les médias de la ville de Córdoba (Cordoue), particulièrement ceux des journaux « Córdoba » (« Cordoue »), et « La voz del Interior » (« La voix de l'Intérieur »).
Les « dignes », mais aussi il y avait les « autres », les « indignes »… Et voilà cet apparent manichéisme, auquel j'ai recours pour simplifier le récit. Les « autres » : « la race de ceux qui détestent la vie, la race de celles qui ne disent jamais la vérité, la race qui fonde les os du peuple, avec le mensonge et la tromperie » (William Yeats).
Lors de mon emploi à « Temps Argentin » et après, surtout dans les revues « Gente » (« des Gens »), « Somos » (« Nous Sommes »), « La Semana » (« La Semaine ») (où j'étais pour celle-ci pigiste), « Para Ti » (« Pour toi »), « El Gráfico » (« Le Graphique »), j’ai dû me faire violence avec certains politiques qui se montraient exécrables, bien qu'il y ait aussi eu certaines exceptions d’hommes politiques bienveillants. J’ai été face à face avec des arrivistes, des corrompus, des tortionnaires et des assassins. De la même manière que j’avais été ferme pour trouver le meilleur des plus avenants, je restais implacable avec les autres. Chargée d'information — je savais « tout », ce qui veut dire « tout », de chacun d'eux —je semais au gré du vent, mais sans oublier que celui qui conduit le dialogue est le journaliste. Ce qui est certain c’est qu'ainsi avec les « bienveillants » je recueillais des parfums, des couleurs et des fragments d'Absolu, dans le cas des fourbes et une fois enlevés les masques, il ne restait en lumière que « des visages impitoyables » qui bouleversent la Nature
Implacable, j'ai été et suis dans mon travail comme journaliste. Pour montrer et démontrer au public la beauté, afin qu'elle l'attire, et le rapproche de la bonté ; Pour montrer ce qui est horreur et causer un rejet. Pour « … montrer la multitude et chaque homme en détail… ».
Dans la revue « Gente », où j'ai travaillé pendant de nombreuses années et presque toujours chargée des « contrefaits », le directeur — Jorge de Luján Gutiérrez— a créé une section pour mes entrevues ; elle s’appelait « A quemarropa » (« À bout portant »). Le nom agit comme adjectif.
Je poursuivais ma route. On disait que je faisais même parler les pierres, mes collègues plaisantaient, insistant sur le fait que je faisais le « travail malsain » de la profession. Dans « Viva » (« Vive »), la revue du journal « Clarín » (« Clairon ») — journal qui a le plus gros tirage d’Argentine — j'ai fait de grandes entrevues qui occupaient dix ou douze pages de cette édition dominicale-là, à des personnes de la culture et du spectacle. La condition était qu'elles soient très connues. Les médias publient seulement ceux qui sont « célèbres », mais ne devraient-ils pas… faire connaître les personnes pour leurs valeurs humaines, citoyennes, fraternelles, professionnelles ou artistiques ? Ils publient ceux qui sont « célèbres ».
Je dis toujours que tous nous avons dans la vie un, deux ou davantage de moments de rupture. Faits heureux ou malheureux, qui marquent une fracture, à partir de laquelle il y a un avant et un après. Si je pense à ma vie professionnelle, il y en a eu plusieurs. Mais la plus belle a été un piège que la vie a tendu vers l’horreur. Curieusement, je la « dois » aux militaires du génocide de l'Argentine. Non seulement, ils ont interdit que je fasse partie de tout personnel des médias, et ils m'ont « punie » comme pigiste, mais aussi sur ce que j’avais écrit de « politique » ou sur la « société ». Dans le journal ils m’ont « condamnée » à écrire sur l'art. Alors, tandis qu'on fermait beaucoup de portes cet État de terreur, là, il a été ouvert de plus une porte pour mon âme. L'art, axe dans ma vie. Écrire sur les arts plastiques, faisant corps avec la poésie dessinée ou des couleurs, ce qui a enrichi mon imagination et m'a confirmée, davantage, comme poète. Volait le vol, au milieu de/ et malgré la mort.
("Descente dans les ateliers de la liberté de la presse." Lithographie de Grandville (v. 1832).)**
Habituée à « vivre dangereusement » dans la violence – c’est –à-dire aimer et lutter pour la paix dans un monde devenu fou - je me suis construit un havre de paix avec mon programme de télévision, « Sans Masque ». Une émission de culture, traversée par la vie, où j'unissais poésie, peinture et musique à ma tâche de journaliste. J’y étais l’unique responsable et cela me permettait de faire ce que je voulais, j'y ai interviewé des personnalités importantes pour puiser en elles « la substantifique moelle » comme dit Rabelais (la quintessence) afin de nourrir culturellement et spirituellement le public. Mêmes circonstances à la radio avec mon émission « Convenons que … avec Cristina Castello » ainsi qu’avec ma participation dans d’autres émissions comme éditorialiste. La liberté est la beauté et la beauté exige la liberté.
De nos jours le défi est de changer le journalisme, pour qu'il serve au bien commun. Et cette mission est celle des journalistes et des citoyens dont nous devons exiger qu’ils servent à essayer de changer la vie car nous ne pouvons pas être des brebis.
« J'ai essayé d'écrire le paradis. / Qu'est-ce que le paradis ? /Ne vous bougez pas/Laissez parler le vent/Celui-là c'est le paradis. /Que les êtres humains pardonnent ce que j'ai fait » (Ezra Pound).
J’emprunte les mots du poète. Que ceux qui lisent ce battement de vie pardonnent ce que j'ai fait. Et que les journalistes actuels ou futurs mettent des gants. Pour écrire le paradis et faire écouter la musique du vent.
Cristina Castello
« Les volcans lancent des pierres et les révolutions des hommes » (Victor Hugo)
Par des volcans et révolutions (dans le sens de transformation : en paix).
Et par le poète et la poésie qu'ils leur nomment. (C.C.)
- Cet article fut écrit à la gentille demande de la journaliste et poète Maggy de Coster, afin de le publier dans son livre « Le journalisme expliqué aux non-initiés ».
* Cristina Castello est poète et journaliste argentine. Paris /Buenos Aires.
http://www.cristinacastello.com/
http://les-risques-du-journalisme.over-blog.com/
* Cet article est libre de reproduction, à condition d'en respecter l’intégrité et d’en mentionner l’auteur
** Sur la gauche, le roi Louis-Philippe plaque sa main sur la bouche d'une ouvrière symbolisant la liberté de la presse. Derrière lui se tient le député et magistrat Jean-Charles Persil, avec son nez en forme de bec de perroquet et, à la main, une grande paire de ciseaux représentant la censure. Sur la droite, d'autres membres du gouvernement s'en prennent aux imprimeurs et au matériel d'imprimerie. Sous la plafond sont accrochées des revues anti-gouvernementales telles que et les Droits de l'homme. Source Wikipédia
* * *
Commentaire de Thiago de Mello
« Vie merveilleuse »
(Du poète Thiago de Mello)
« Vivre dangereusement. Dans la violence de la paix ». Ce texte issu de ta vie, chère Cristina, relève des choses les plus importantes et puissantes, de la terrible prise de conscience, de ces choses nécessaires par ces temps de cruauté inhumaine contre cette merveille qu'est la vie. Un exemple lumineux, témoignage de courage, de décence et d'humilité. Non seulement pour les journalistes et pour tous ceux qui, comme nous, travaillent au moyen de la parole, mais aussi pour tous ceux que ne se découragent pas et croient qu'il est possible de sauver et de faire perdurer la beauté de la condition humaine. Je te serre dans mes bras, je te serre dans mes bras et je t'assure que tu me remplis de la force la plus limpide pour continuer d'assurer la tâche qui m'incombe dans la lutte en faveur de la vie.
25/11/07
* * *
(Version originale)
«Vivir peligrosamente. En la violencia de la paz»
Por Cristina Castello
A la memoria de Anna Politkovskaïa,
asesinada en Moscú el 07/10/06,
y de todos los periodistas desaparecidos
con un ramo de semillas en la boca:
La pasión por la verdad.
«Gajes del oficio»
—Cristina, no intentes más la entrevista con «Carlitos».
—¿Cómo que no? Si estoy tras ella desde hace dos meses, y para hacerla busqué muchísima información, y... ¡vos sabés…!
—¡Claro que lo sé...!
—¿Entonces?
—No quiere recibirte, pero lo entrevistará Renée (Sallas), no te preocupes.
—Bueno, pero… ¿qué pasó?
—Dijo que nos concede una entrevista exclusiva, a condición de que no la hagas vos. ¡Pero vamos, Cris... deberías estar orgullosa! Sos un hito en el periodismo y él te cierra la puerta.
—¿Qué estás diciendo? No entiendo.
—Que el señor Presidente de la Nación Argentina te tiene miedo y se niega a que lo entrevistes. No sabe cómo contestar tus preguntas.
Este fue mi diálogo telefónico con Jorge de Luján Gutiérrez, director de la revista
«Gente», donde yo trabajaba. La fecha: la segunda mitad de julio de 1989.
«Carlitos» no era -no es- otro que Carlos Menem, quien era presidente de la Argentina desde el 8 de julio de aquel año.
Quien informó de la decisión presidencial fue el entonces jefe de la SIDE (Secretaría de Informaciones del Estado), Juan Bautista «Tata» Yofre.
«… Mostrar la multitud y cada hombre en detalle/con eso que lo anima y que lo desespera. /Bajo su vida de hombre todo lo que él alumbra/Su esperanza y su sangre/Su historia y su dolor». (Paul Éluard, de «Poème pour tous»).
La poesía siempre alumbra. Con este fragmento empezaba yo mis clases de periodismo; y la primera lectura que entregaba a los alumnos, con la excusa de que hicieran con ella algún trabajo, era «Cartas a un joven poeta», de Rainer Maria Rilke. Quería –quiero- encender hogueras inextinguibles en cada ser cuyo camino confluya con el mío.
Se dice que en la profesión soy implacable. Es cierto. Nunca trabajé por la fama, ni para ser una «star», ni por cantidades de dinero que jamás se ganan, salvo si se vende el alma. No me conformo con «esto» que llaman «realidad», y rechazo lo que existe por la certidumbre de lo que poco vi pero cuya existencia presiento.
Tengo hambre y sed de Verdad.
Hacer periodismo es tirar semillas. Y la siembra requiere fiereza y ternura para defender la vida como experiencia creadora; la tarea del hombre es la belleza y ella exige develar: quitar las máscaras. Todas.
Empecé a estudiar periodismo porque quería escribir. Me equivoqué. Había terminado la escuela secundaria tres meses después de cumplir quince años, había leído muchos libros y escrito muchos poemas. Sabía demasiado y no sabía nada: mi «erudición» no era sino teoría. Sabía de lecturas y de mi intensidad para vivir a corazón y a cielo abiertos. Apasionadamente. Pero ignoraba mi ser, mi sed y mi destino de poeta. No «me» sabía en mi raíz y no supe escuchar la voz de mi esencia; la que vivió en mí desde que anidé en el vientre del amor, la poesía y la abnegación. En el de Rosita «Chiquita» Batmalle, mi mamá. Sin embargo, tenía clara conciencia de la otra fuerza que nutre y absorbe mi vida: darme a «mis» demás.
En mi primer año como estudiante empecé a trabajar en un semanario, y terminé la carrera con las más altas calificaciones y diploma de honor.
Entonces llegó el primer abismo. El que nos acontece frente a una etapa que termina y otra que comienza, frente a ese preguntarse: «¿Y ahora, qué?».
El abismo duró un instante. Porque ese sino y signo de darme a «mis» demás se sumó a mi pluma de poeta, de la cual renegaba, y me entregué a la profesión con fervor y mística de sembradora.
Me lancé a hostigar imposibles. A tratar de contribuir a «cambiar la vida» (Rimbaud). Y persisto. Escribí kilómetros de palabras en los medios gráficos de más venta y más conocidos de Argentina, donde nací: hacía los artículos de la portada; mi voz, mi palabra e imagen –mi mensaje- se multiplicaron por la radio y la televisión; y disparé una lluvia de semillas en el alma y en el conocimiento de mis discípulos de «La entrevista periodística». «Y los árboles y la noche no se mueven sino desde los nidos» (Giuseppe Ungaretti). Enseñar es nacer nidos. Amé a mis alumnos. Los amé, los amo. Y recibí mucho de ellos en nuestra historia hecha de rigor periodístico y de complicidades, de risas, planteos «metafísicos», dolores y dichas compartidos: la vida.
Fui censurada, amordazada, amenazada de muerte y perseguida. Por haber nacido en Argentina, durante el período 1976/83 padecí el horror por tantos seres exterminados; el espanto ante 30.000 «desaparecidos» (masacrados), por los militares genocidas, declarados después por la Justicia culpables de «crímenes de lesa humanidad».
Sin militancia en ningún partido político y ajena a todo «ismo», sin ese abrigo (y esclavitud) que puede dar el hecho de «pertenecer», estaba ciertamente a la intemperie. Mientras tanto, andaba por la vida y por las cárceles –cuando se podía entrar- en visita a los pobrecitos seres clausurados, blandiendo una ética de las ideas que deviniera en ética de la conducta. Era casi una adolescente pero vivía sola -amo la libertad- y pasé noches tendida en el piso de mi departamento, viendo por debajo de la puerta pies que se movían con levedad y permanencia: eran de los represores y me estaban intimidando; pasé mañanas de interrogatorios policíacos en mi propia casa; sufrí «requisas» -término de la jerga policial-militar, en este caso referido a la inspección humillante del cuerpo, para descubrir si se ocultaba algo- cuando visitaba las cárceles, por puro amor a la vida, por donarme a mi prójimo.
Pasé, pasé… pasé tantas cosas…
Yo no podía integrar el staff de ningún medio como periodista, pues «servicios de Inteligencia» me habían «prohibido». Sólo me permitían ser free-lance, esto es perder el sueño frente al teclado y ganar casi nada de dinero.
En estos días de fin de 2006 siguen las amenazas… pero más aisladamente. En realidad, nunca hubo tregua. Tienen mal gusto los enemigos de la vida. En 1987, el día que desde la clínica donde había estado internada a causa de un serio accidente de circulación, me llevaban provisoriamente a mi casa, para seguir una convalecencia de dos años, esta «gente» se hizo escuchar. Los enfermeros acababan de «depositarme» en mi cama… ¡por fin la mía!, hasta la siguiente internación, y la otra y la otra, y las otras operaciones. «Sos boleta, Nena, sos boleta, periodista», me amenazaron de muerte. La prensa argentina pensó que mi accidente había sido un atentado.
Por gracia, superé por completo lo de aquel accidente. Mi cuerpo no registra ninguna señal, y mi ser interior no abriga resentimientos; habrá alguna huella o miedo oculto, sí, pero también el agradecimiento por estar viva y entera… ¿Por qué si a otros les pasa, no iba a ocurrirme a mí? La dialéctica de la vida y la muerte está en nosotros, pero soy muy sensible a la caricia divina. Me salvó mi material de resistencia espiritual y la poesía.
«Entonces no paré. Entonces anduve, aún con el dolor de frío. Anduve y vi que allí estaba volando, que allí volvía -otra vez- la primavera» (Pablo Neruda). Y mi compromiso en la profesión se hizo más fuerte aún. Nunca di un paso al costado. Jamás cometí una incoherencia, nunca me «vendí», aunque las «ofertas» para tratar de corromperme no fueron pocas. Pero no es un mérito, sino un compromiso.
Hasta hoy pago los precios. Los pago, sí. Y duelen, sí. Y traen problemas, sí. Pero soy ignorante: no sé claudicar. Y en mi trayectoria hay angustias, pero –también- alegrías, triunfos, satisfacciones y, sobre todo, la sensación del deber cumplido: de la palabra pronunciada a tiempo.
De la universidad me quedó la huella indeleble de mi maestro, Pablo Ponzano –poeta, periodista, escritor- de quien aprendí también la importancia de dejar un surco, de pasar la antorcha. « ¿Trabajamos como» o «somos» periodistas? », nos preguntábamos. «Somos» personas y «trabajamos» -cuando tenemos trabajo- como periodistas. Pero trabajar como periodista es Ser Humano. Es -o debería ser- respetar la sacralidad de la vida. Es estudio e investigación, responsabilidad y entrega. Es –o debería ser- amor en acto, para intentar desde la comunicación que la existencia sea plenitud y no vacío.
El periodismo es -o debería ser- coraje. Y cuando digo «coraje» no hablo de ausencia de miedo sino de dignidad frente al peligro.
El abismo. Aquel abismo. Y en este instante, otro brota a mis pies. «¿Y ahora, qué?». ¿Y ahora cómo escribo que el buen periodismo no existe en el mundo, salvo excepciones? ¿Cómo franqueo este precipicio? Con la verdad: para poder burlar la realidad, hay que conocerla.
¿De qué periodismo hablamos? En noviembre de 2006 el Congreso de Estados Unidos votó por legalizar la tortura y otras atrocidades similares, mientras la discusión en los medios masivos giraba alrededor de ciertas alusiones sexuales de un legislador republicano a algunos jóvenes empleados en el Parlamento. Y por cierto que esto es importante… si el objetivo no es distraer la atención sobre semejante barbarie e ignorar las masacres en el Líbano, en Palestina, en Irán...y siguen los nombres. ¿Quién, qué medio de comunicación habla de los millones de dólares que el mercado de la droga aporta a su economía, entre otras «pequeñeces»? Pero esto no ocurre sólo en el país del Norte sino en todo el mundo, salvo en algunos medios «alternativos», en Internet y en honrosas excepciones en ciertos medios masivos.
¿Cómo puede ser que cada año mueran de hambre 15 millones de niños, a pesar de que se produce el 10% más de alimentos que toda la humanidad necesita para vivir? Y sobre todo, ¿cómo es posible que combatir la violencia del hambre, no sea prioritario para la prensa?
¿Por qué la cultura es la cenicienta en los medios? Pienso en Kafka y en su certeza de que ella debería despertarnos como un puño que nos golpea en el cráneo. La lucidez puede perturbarnos o darnos paz; plantearnos preguntas o respondernos. Lo cierto es que no nos deja iguales, pues la verdadera revolución es la revolución de la cultura y de la verdad. Pero si el más elemental manual de periodismo señala como objetivos: informar, educar y entretener, y yo agregaría unos cuantos más, es indispensable que nos preguntemos si esto es informar. Y educar.
No. Los medios son corporaciones y manipulan la opinión. El pensamiento único centralizó la libertad de prensa en empresas y gobiernos, que –paradójicamente- proclaman la independencia. Como contrapartida, los pocos periodistas que defienden la verdad –y a quienes los medios se lo permiten- pueden ser silenciados. Exiliados de la profesión. O peor. Según « Reporteros Sin Fronteras», hasta noviembre de 2006 -fecha de este texto- 65 periodistas fueron asesinados y 131 encarcelados; y ya en septiembre la Federación Internacional de Periodistas y otras organizaciones promovieron una nueva iniciativa global para alentar los esfuerzos internacionales, con miras a que el periodismo sea un trabajo más seguro en todo el mundo.
Me pregunto si hay una contradicción entre afirmar que el buen periodismo y los buenos medios casi no existen, y los casos que acabo de citar. No, pues éstos son las excepciones.
Salir del abismo del «¿y ahora, qué?», escribí en líneas anteriores y ya está hecho, está dicha una parte de la verdad. Pero intentaré enriquecerla, pues no todo es terrible: hay momentos luminosos y, aun en los más oscuros, el alba asoma empecinada.
Trabajé en distintas especialidades dentro de este oficio, pero cultura, crítica de arte y política son las que más transité, sobre todo en Argentina pero también para Europa. Fui redactora rasa, columnista, editorialista y redactora jefe, en gráfica; y productora, guionista y conductora, en radio y televisión; y docente. En 1982 apareció en Buenos Aires el glorioso diario «Tiempo Argentino», creación de quien fue su director en la primera etapa, nuestro querido Horacio Burzaco. Mi entonces jefe de redacción en la sección «Cultura», fue el talentosísimo escritor y miembro de la Academia Nacional de Periodismo, Ernesto Schoo. Él me vio dotes de entrevistadora; y desde entonces me quedó ese rótulo y la casi dedicación exclusiva a esa especialidad, que es un género de la literatura, cuando se hace como se debe. Hice más de tres mil entrevistas.
Hasta 1986, fecha del cierre de aquel cotidiano, viví la etapa más feliz, plena y enriquecedora. Mis compañeros eran personas cultivadas, alegres, tan noctámbulas como es Buenos Aires, trabajábamos en lo que amábamos y nos pagaban bien. Teníamos armonía: buscábamos la excelencia y sabíamos divertirnos. Una delicia.
Yo hacía las entrevistas a las grandes personalidades de la cultura; tenía para aquellos artículos las dos páginas centrales del diario y el anuncio en la portada.
Entrevisté a personas ilustres, artistas, científicos, escritores, filósofos… Me enriquecí espiritualmente en aquellos diálogos que podían durar de dos a ocho horas, pero sobre todo, pude dar a los lectores otra mirada, otros contenidos, otra visión del mundo más allá de lo contingente e inmediato: el sentido de la trascendencia. Ese es el fin a no olvidar en toda tarea de prensa: el público, y no el lucimiento personal.
¿Qué es hacer una entrevista? Pues me reitero: es tirar semillas. Si la persona que tenemos frente a nosotros tiene riquezas, se potencian con las buenas preguntas, para lo cual hay que saber todo del personaje, antes del encuentro. Pero «todo» quiere decir «todo», lo cual es un trabajo obligatorio: por respeto a cada trayectoria, para evitar los lugares comunes… y para dar riqueza al lector, televidente o radioescucha, quien quiere entender el mundo y conocerse, quien necesita compañía, referencias e identidades.
Aquéllos eran los «dignos», a quienes yo había llegado con la experiencia de mi trabajo anterior en todos los medios de la ciudad de Córdoba, particularmente la de los diarios «Córdoba» y «La voz del Interior».
Los «dignos», pero también estaban «los otros», los «otros»…. Y vaya este aparente maniqueísmo, al que apelo para simplificar el relato. «Los otros»: «raza de los que odian la vida, raza de los que nunca dicen la verdad, raza que funde los huesos del pueblo, con la mentira y el engaño» (William Yeats).
En «Tiempo Argentino» y después, sobre todo en las revistas «Gente», «Somos», «La Semana» (en ésta fui free-lance), «Para Ti», «El Gráfico», tuve que vérmelas con mal llamados «políticos», aunque también hubo alguna excepción de alguno bueno; estuve cara a cara con arribistas, con corruptos, torturadores y asesinos. Y de la misma manera que había sido implacable para encontrar lo mejor de los « dignos» fui implacable con esta «gente». Cargada de información – sabía «todo», lo que quiere decir «todo», de cada uno de ellos- sembraba a voluntad del viento pero sin olvidar que quien conduce el diálogo es el periodista. Lo cierto es que, así como con los «dignos» recogía fragancias, colores y fragmentos de Absoluto, en estos casos y una vez quitadas las máscaras, quedaba al desnudo que hay «personas» que asustan la Naturaleza.
Implacable, fui y soy en mi trabajo como periodista. Para mostrar al público la belleza y que ella lo atraiga y lo acerque a la bondad; y para mostrar el horror y causar rechazo. Para «… mostrar la multitud y cada hombre en detalle… ».
En la revista «Gente», donde trabajé durante muchos años y casi siempre encargada de «los malos», el director –Jorge de Luján Gutiérrez- creó una sección para mis entrevistas; se llamaba «A quemarropa». El nombre actúa como adjetivo.
Y siguió el camino. Se decía que yo hacía hablar hasta a las piedras, mis colegas bromeaban con que yo hacía el «trabajo insalubre» de la profesión. En «Viva», la revista del diario «Clarín» -el de más venta en Argentina- hice grandes entrevistas que ocupaban diez o doce páginas de aquella edición dominical, a personas de la cultura y del espectáculo. La condición era que fueran muy conocidos. ¿Los medios publican sólo a los «famosos», o deberían hacer conocer a las personas por sus valores humanos, ciudadanos, fraternales, profesionales o artísticos? Publican a los «famosos».
Siempre digo que todos tenemos en la vida uno, dos o más momentos de fractura. Hechos felices o desdichados, que marcan una brecha, a partir de la cual hay un antes y un después. Si pienso en mi vida profesional, hubo varias. Pero la más bella fue una trampa que la vida hizo al horror. Curiosamente, se la «debo» a los militares genocidas de la Argentina. Ellos no sólo prohibieron que yo formara parte de cualquier staff y me «castigaron» como colaboradora, sino también que escribiera sobre “política” o “sociedad”. En el diario me «condenaron» a escribir sobre arte. Entonces, al tiempo que se cerraban muchas puertas bajo aquel Estado de terror, se abrió –más- una puerta para mi alma. El arte, eje en mi vida.
Escribir sobre artes plásticas, que son la poesía dibujada o en colores, enriqueció mi imaginación y me confirmó, más, como poeta. Volaba el vuelo, en medio de/y a pesar de la muerte.
Acostumbrada a «vivir peligrosamente» en la violencia que significa amar la paz en un mundo que se volvió loco, el remanso fue mi programa de televisión, «Sin Máscara». Una emisión de cultura, atravesada por la vida, donde yo unía poesía, pintura y música a mi tarea de periodista. Donde yo era la «dueña» y me permitía hacer lo que quería, donde entrevisté a grandes personalidades para aprovechar lo que de ellas podía enriquecer cultural y espiritualmente al público. Para alimentar cultural y espiritualmente al público –a los seres humanos- entrevisté a personas luminosas, para sacar de ellas « la substantifique moelle», (Rabelais): la quintaesencia. Lo mismo ocurrió en la radio con mi programa «Convengamos que… con Cristina Castello» y con mi participación en otros, como editorialista. La libertad es belleza y la belleza exige libertad.
El desafío es hoy cambiar al periodismo, para que sirva al bien común. Y esa misión es de los periodistas y de los ciudadanos. No podemos ser ovejas. Debemos exigir que ellos sirvan para intentar cambiar la vida.
«He intentado escribir el paraíso. / ¿Qué es el paraíso?/No os mováis/Dejad hablar al viento/Ese es el paraíso. / Que los seres humanos perdonen lo que he hecho» (Ezra Pound).
Yo tomo las palabras del poeta. Que quienes lean este latido de vida perdonen lo que he hecho. Y que los periodistas actuales o futuros tomen el guante. Para escribir el paraíso y hacer escuchar la música del viento.
Cristina Castello
14 de noviembre de 2006
«Los volcanes arrojan piedras y las revoluciones, hombres» (Víctor Hugo)Por volcanes y revoluciones (en el sentido de transformación: en paz). Y por el poeta y la poesía que los nombran. (C.C.)
Escribí este artículo, por pedido gentil de la periodista y poeta francesa Maggy de Coster. Está publicado en su libro « Le journalisme expliqué aux non-initiés », «El periodismo explicado a los no iniciados» - Éditions «L’Harmattan».
Sitio personal: http://www.cristinacastello.com/
*Cristina Castello es poeta y periodista. Buenos Aires /París
http://www.cristinacastello.com/
http://les-risques-du-journalisme.over-blog.com/
* Este artículo es de libre de reproducción, a condición de respetar su integralidad y de mencionar a la autora.
«Maravilla de vida»
(Del poeta Thiago de Mello)
«Vivir peligrosamente. En la violencia de la paz». Este texto de tu vida, querida Cristina, es de las cosas más importantes, poderosas y tremendamente concientizadoras y necesarias en estos tiempos de crueldad inhumana contra la maravilla de la vida. Ejemplo luminoso. Testimonio de coraje, decencia y humildad. No solamente para periodistas y todos los que trabajamos con la palabra. Pero a todos los que no desaniman y acreditan que es posible salvar y perdurar la belleza de la condición humana. Te abrazo, te abrazo, y te prometo que me llenas de más límpida fuerza apara seguir haciendo mi parte a favor de la vida.
25/11/07



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