dimanche 1 novembre 2009

France, terre d’écueils.

par Abderrahmane ZAKAD

Livre de Aomar Mohammedi.

Le drame de l’immigration qui s’est toujours joué dans les arènes de l’Histoire, celle de l’Algérie et de la France, a marqué un temps fort dans la création romanesque. Mais ici, il ne s’agit pas de roman, c’est une histoire vécue qui fait basculer la littérature vers le réel.

La France, réputée terre d’accueil, s’était vue contrainte de mettre en place une réglementation draconienne dès le milieu des années 1970. Les candidats à l’immigration qui s’y rendent et/ou dans la clandestinité ne rencontrent que des écueils d’où le titre de ce récit qui se veut comme clignotant d’alerte aux clandestins et non pas comme un jugement de valeur.

Le jeune Omar n’a jamais quitté son village, M’chedallah, au pied du Djurdjura. Après son baccalauréat, il écrit à l’université de Toulouse qui lui adresse un formulaire à remplir, puis un accord pour son inscription, du moins le croyait-il.

Il emprunte un pécule à son père et, lui qui n’avait jamais vu Alger, le voilà qui embarque et atterrit à Toulouse. Il se présente à l’université, on le refuse. Il se retrouve dans la rue, sans relations, complètement dépaysé dans une ville européenne inconnue pour lui et dans une société qui n’accorde parfois aucun intérêt à la détresse hormis les nombreuses associations de bénévoles. Et c’est la galère. Il dort dans la rue, il se cache pour éviter la police et l’expulsion, il traîne puis, de petits boulots en petits boulots, il assure sa pitance pour survivre. Cela ne dure pas, on ne vit pas d’expédients. Sans papiers, sans logement et sans travail, il tombe et le voilà SDF traînant dans le milieu des laissés pour compte, risquant sa vie à chaque instant. Cela dure deux années, puis grâce à sa force de caractère, à une ambition saine et tenace, il fait le point avec lui-même et envisage même de renter chez lui. C’est l’échec avoué et le déshonneur. Que vont dire ses parents, les amis du village ? Il décide de rester, de se battre et de s’en sortir. Pour ne pas rester inactif, il s’inscrit dans un club de karaté où il rencontre une fille qui le sauvera.

Christelle, fille d’un pied-noir, le présente à ses parents. Malgré les incessants sarcasmes et les ragots des voisins, Omar, le basané, demande la main de Christelle et l’épouse selon le rite musulman. Omar travaille durement, il obtient une licence de langue ensuite un BTS de tourisme dans une école spécialisée. Ayant toujours vécu dans la hantise d’être pris et expulsé, il sort du tunnel de la misère vers le soleil de la liberté : le voilà marié, diplômé, polyglotte (arabe, kabyle, anglais, espagnol, italien, turc) et patron d’une société de tourisme : Jeefsoleil.

En même temps qu’une histoire de courage, de combat et de persévérance, ce récit est aussi une histoire d’amour.

On peut considérer que l’immigration d’aujourd’hui n’est plus celle d’hier, mais, quoi qu’il en soit, ce livre permet de jeter un regard sur nos jeunes immigrés, leur vie, leur identité en France et c’est une alerte pour les jeunes algériens qui veulent tenter l’aventure pour un monde qui n’est pas fait pour eux, auquel ils n’ont pas droit d’accès s’ils n’ont en pas les moyens.

France, terre d’écueils, de Aomar Mohammedi.
Edition « Livre d’Esprit » - 2009.

Abderrahmane ZAKAD
publié également sur dzlit.free.fr.

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Aomar Mohammedi

France, terre d’écueils

Quand on est algérien, né en Kabylie, la France brille de mille feux, et tout vous porte à croire qu’avec un bagage intellectuel, un tel Eldorado vous ouvrira ses bras. Je l’ai cru bien naïvement et ce fut le début d’une longue galère.

Lors de l’écriture de ce livre, en 2005, je n’avais que trente-cinq ans, mais j’ai senti que je devais raconter mon périple d’émigré. Ce chemin, facile en apparence, s’est révélé terriblement compliqué dès mes premiers pas à Toulouse, malgré mes compétences et mes acquis qui se sont transformés, du jour au lendemain, en peau de chagrin.

J’étais venu ici poursuivre mes études, afin d’accéder à un métier respectable et devenir la fierté de ma famille restée au pays, des fellahs courageux aux yeux brillants de me voir sur de si bons rails pour envisager un avenir radieux.

En France, lorsque vos nom et prénom ne sonnent pas comme ceux du terroir, certaines personnes vous le font bien ressentir et abusent de votre ignorance. Je voulais être steward et j’ai payé, au prix fort, une formation de deux ans pour qu’à son terme, l’on me rejette en disant : « Ce n’est pas pour des gens comme vous !... ».

J’ai subi une flopée de mesquineries, dont l’une des plus odieuses, celle qui m’a fait le plus mal, quand l’on m’a refusé le mariage avec celle qui deviendra ma femme et qui sera la mère de notre enfant... Arrêté par la gendarmerie, j’ai même été reconduit illico en Algérie, comme un bandit...

Par chance, je m’en suis sorti, grâce aussi à des êtres secourables, de remarquables anonymes, qui ont su être là pour m’aider dans la détresse et m’empêcher de sombrer irrémédiablement. Sans doute ont-ils répondu à un projet divin pour m’accompagner sur ce chemin initiatique et douloureux qui m’a conduit à la rencontre d’une merveille incomparable : l’amour d’une femme.


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Remarques importantes d'Abderrahamne Zakad :

Les deux livres dont je vous adressé les textes, "Une femme dans les affaires" et "France, terre d'écueils" sont en librairie à Alger Il est prévu qu'ils soient réedités en France.

Pour info, le salon du livre d'Alger ouvre le 28.10

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