lundi 2 novembre 2009

Grand’mère au marché

par Abderrahmane Zakad


Grand’mère au marché


© Abraham ASSUIED
Sur la petite place à Béjaia
Au bout de la rue Fatima
Dés le matin crayeux
Le marché est joyeux
Bruyant, multicolore
Etalant, pêle-mêle
Sur des nattes en raphia
Ses fruits et ses œufs.
Et sur la dalle poussiéreuse
Où traînent des pieds matinaux
Près des poissons bleus
Qu’une âpre odeur révèle
On déambule.
Le vieux boucher en blouse
Moustache cappadocienne
A peine a-t-on le temps
Du regard on la caresse
Son sourire s’attise
De prestance et de presse
Et déjà dans le cabas
Des pieds de veau et des abats.
Grand’mère s’offusque
Subrepticement
Prend, paye et s’en va
Moi, trottinant à sa main
On traîne dans la foule
On paraphe des chemins
Un tas d’oranges s’écroule
Des melons s’écrabouillent
On s’attarde près de l’étal
Dans un va et vient banal
Des appels trop pressants
Parfois on tourne la tête
On soupèse quelques fruits
On pense à nos dinars
Puis on s’éloigne sans bruit
Dans d’insolentes clameurs.
Plus loin c’est l’artisanat
Dévergondage de dépouilles
D’objet sans affectation
On déplore tant de rebuts
Même le livre est un déchet
Orphelin, on l’évite, un pêché.
Aller au marché, c’est jeter un regard
Non pas un regard de possession
C’est l’art d’une promenade
Seulement pour voir
C’est l’art de ne rien acheter
On traîne pour s'émouvoir
Mais voilà grand'mère abattue
Avec des pieds de veau et des abats

© Abderrahmane Zakad

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