samedi 28 novembre 2009

Les raids enragés des guácharos.




Maxime VIVAS


Dans le parc national Alejandro de Humboldt, non loin de Caripe, dans le nord-Est du Venezuela, se trouve une grotte appelée « Cueva del gu­ácharo ».

Elle est ouverte aux touristes sur 1200 mètres. La légende dit qu’elle se termine au Brésil. On y accède par une immense voûte qui se continue en rétrécissant. Venus de l’obscurité et amplifiés par l’écho, en jaillissent des cris effrayants, mélange de grognements de bêtes sauvages, de rires de sorcières, de ricanements de diables et diablotins qui vous persuaderaient que là est la porte des enfers.

On hésite à faire dix pas en avant, surtout quand on écoute le guide raconter qu’un jour il est entré avec 15 touristes et est ressorti avec 14. Il s’esclaffe et ajoute que le manquant s’était attardé et attendait dans le noir. Même pas dévoré tout cru par des monstres, ni rôti dans les flammes souterraines !

En fait, vivent dans cet antre des milliers d’oiseaux appelés guácharos. Ils sont jusqu’à 15 000.

Rien à voir avec les chauve-souris. Les guácharos sont parés de plumes aussi lisses, colorées et douces au toucher que la couverture d’un magazine français. Leur cri est un moyen d’« eco-localización », explique le guide. Un sonar..

Les guácharos sortent la nuit en bandes bruyantes, escadrilles serrées capables de masquer de leurs ailes la lueur de la lune. Les querres-querres, oiseaux au jaune plumage qui, dans la journée, volètent paisiblement d’arbre en arbre aux alentours, ne leur cherchent pas querelle. Trop paisibles et numériquement inférieurs.

Toute la nuit, en des raids enragés, les guácharos vont faire provision des graines dont ils se nourriront et nourriront leurs petits dans la grotte. Ils s’empiffrent, croissent et se multiplient.

Cependant, ils n’occupent pas durablement les territoires où ils vont faire leurs emplettes. Ils n’emportent dans leur bec que la nourriture nécessaire. Ils ne tuent, ni ne détruisent. Pas davantage, ils n’humilient.

Ils sèment sur leur passage leur fiente fertilisante et quelques plumes pour égayer les chapeaux ou marquer les pages des livres.

Bref, ce ne sont que des voisins un peu sans gêne qui poussent trop la sono après vingt-deux heures.

Il ne leur est jamais venu à l’idée d’établir trois, cinq, sept postes avancés pour contrôler les 181 hectares du parc et y préparer une attaque contre les autres espèces au plumage et au mode de vie différents. Ni même d’assurer leur embonpoint par la famine des autres.

C’est pourquoi, de mémoire de querre-querre, et même si le locataire de la grotte a la taille d’un faucon, aucun oiseau de la forêt ne s’est jamais écrié : « Guácharo go home ».

Maxime Vivas  (au Venezuela)



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