Le dernier numéro de "Les Voleurs de Feu", petite revue trimestrielle de poésie très combative sise à Plougasnou en Bretagne consacre son dernier numéro sur le thème de la violence.
Site: http://lesvoleursdefeu.free.fr/
La violence, tel est le thème de cette 27e parution. Yann Orveillon après avoir esquissé en un raccourci vertigineux l'historique de la violence des origines à nos jours, pose les questions cruciales : d'où provient la violence, qui en est responsable ? De quel bord est-elle ? "Depuis le début de l'histoire rien ne s'est fait sans violence et justification de la violence". Il ne répond pas directement se contentant d'énumérer des faits quotidiens (relevant malheureusement de ce qui est devenu une banalité épouvantable) qui parlent d'eux-mêmes en une longue et hallucinante litanie venant étayer sa conclusion. Ancien syndicaliste -expulsé par la CGT durant les grèves de mai 68- militant aguerri, poète sans complaisance, il fustige les centrales syndicales qui se sont vendues, au nom de la paix sociale, aux exigences faramineuses des patrons voyous et des gouvernements successifs qui protègent ces derniers. Avec Rimbaud ("L'orgie parisienne...", "Les mains de Jeanne Marie") il en appelle au soulèvement des classes laborieuses et des exclus, parce qu'il n'y a plus d'autres solutions possibles pour enrayer le cauchemar éveillé qui les plonge dans un désespoir sans fond (suicides, travail temporaire à salaires réduits, chômage massif...) tandis que banquiers et agioteurs/boursiers de la pire espèce, responsables de la crise, sont gavés avec les deniers publiques.
Dans un article très documenté, intitulé "Et cette violence, si mâleureuse", Marie-Lise Martin Core, après avoir décortiqué tous les sens du mot violence, s'attaque aux sévices in-humains subis par les femmes, plus particulièrement les femmes asiatiques, africaines et musulmanes (Excision.,circoncision et toutes les autres formes de mutilations et d'agressions).
Avec "La machine à réduire", Lukas Stella (Auteur des livres "Croyances informatisées dans l'ordre des choses marchandes" paru aux Éditions du Monde Libertaire et Alternatives Libertaires et "Stratagèmes du changement" aux Éditions Libertaire presse de la coopérative ouvrière 34 à Toulouse - 2009) nous livre une analyse d'une clairvoyance sans faille : comment l'informatique qui n'était à l'origine qu' "un moyen de se soulager d'un travail avilissant en prenant en charge les tâches harassantes, libérant pour tous un temps libre considérable sans tomber dans la misère du chômage" aurait pu "devenir l'outil incontournable de la libération de l'esclavage du travail" ? Au lieu de cela, elle s'est habilement transformée, avec l'ordinateur, en "une prothèse qui parasite son hôte", à l'insu de la grande majorité de ses utilisateurs. En tant que "pratique solitaire" l'ordinateur contribue davantage à "individualiser par la fabrication de séparations à tous les niveaux" en donnant l'illusion d'une plus grande liberté. Le travailleur se trouve ainsi pris au piège d'un rendement des plus pernicieux qui soit, et, comme toujours, à qui cela profite-t-il sinon, comme toujours, aux détenteurs sans scrupules du capital ? L'addiction dont sont victimes des millions d'internautes aujourd'hui ne mériterait-elle pas d'être diagnostiquée comme la drogue dure des temps modernes, injectée à dose massive dans les cerveaux bombardés d'informations sous couvert de les rendre plus intelligents qu'ils ne le sont.
Des articles de Jean Dupont (Un tabou : La Marseillaise..), d'Isabelle Mély (La taxe carbone, cette violence qui nous est faite...) et de Anne Jullien-Perhouas (Le propithèque soyeux) analysent différents aspects de cette violence et, qu'elle se situe sur le plan social, environnemental ou symbolique, n'est-elle pas en définitive mise au service la marchandisation massive du monde et de la prise de pouvoir (contrôle) des mafias politico-financière sur l'ensemble des populations de la planète ?
Parmi les Voleurs de Feu, nommés plus communément poètes, qui ont participés à ce tract d'Action poétique rouge et noir, deux invités de marque:
- Jean-Marc La Frénière, québecois, qui vient tout juste de publier son dernier livre en France (Éd. Chemins de plume, à Nice) et qui se définit ainsi: "J'ai pris les mots où ils étaient, dans la bouche et la rue, loin des grammaires, des dictionnaires et des académies...". sa force de frappe électrisée par une sensibilié à vif, se condense en deux poèmes en prose très resserrés: "Les banquier" et "Les dents de loup":
"La majorité silencieuse: il n'y a qu'elle qu'on entend. Des coups de feu claquent partout. A peine l'enfant a-t-il ouvert les yeux, on met des chenilles à son landau, des cartouchières, des prières. On lui arrache le rêve avec ses dents de lait. Dans le coeur d'un soldat loge un pouce mal sucé, un enfant mal sevré. J'ai préféré l'écart de langage à l'écart de fortune..."
- Cristina Castello, séjournant actuellement à Paris. Argentine de naissance, internationale de culture, chez qui cohabitent la poésie, la vie et l'engagement, valeurs qui constituent son matériel de résistance. Entre faire et être, elle travaille en tant que journaliste et se dit "contrebandière de poésie". Sans masque, la femme écrit et parle, communique les intérieurs et les dehors. Femme-lionne aux yeux couleur de miel, elle est venue révéler la plénitude de la beauté dans nos univers humains détraqués ou le "chacun pour soi" fait loi:
Le poète français François Xavier dans son introduction à « Soif » , dernier recueil paru de la poétesse argentine Cristina Castello déclare : "La petite sœur de Rimbaud vit à Buenos Aires. Elle est verbe pur. Nom nu de la parole enchantée elle porte en elle le diamant perdu de l’humanité : l’amour."
"Orage", son prochain recueil sortira au début du mois de janvier 2010.
La Bretagne est aussi un vivier de poètes, rescapés des lisiers et des marées noires de la vie moderne, Yann Orveillon qui n'est pas en odeur de sainteté dans les milieux capitonnés de la culture officielle et pas mieux logé à l'enseigne des cultes bretonnants, n'a de cesse de lever les voiles qui occultent les "révoltés fiers" de sa terre natale où sa propre mère déjà avant lui attaquait à mains nues ce que Léo Ferré nommait "La force de l'oppression". Il nous présente une parfaite inconnue, qui a fait ses premiers pas dans le précédent numéro de cette revue dont il est le fondateur: Anne Jullien-Perhoas, native de Brest, avec un poème de pleine page, "Antartique":
...
je fabrique autour de mon enfant des résilles et des voiles de mensonges
je ne veux pas la regarder chuter longer le fil au-dessus des précipices translucides
je lui invente de la joie et des rages auxquelles je ne crois plus
qu'elle avance les pieds rivés au sol sous mes pieds, effondrée
je lui montre les beautés blanches et les dentelles de la banquise comme si ce n'était pas déjà
un souvenir
je ligote mon enfant avec des filins des cordages des ficelles de l'acier
de pacotille, des mirages
...
A Morlaix, ville voisine, à seulement huit kilomètres de Plougasnou, vit un saltimbanque, un musicien, un grand escogriffe voyageur et homme de théâtre, une sorte d'écrivain hors norme à l'écart des calembredaines littéraires, un magicien la tête dans les étoiles et qui déclame Shakespeare, parmi d'autres, dans les vents écumant de la mer d'Iroise. Pier Mayer-Dantec n'a rien à voir avec les poètes mais ne peut se retenir d'exprimer ce qu'il l'habite, l'ensorcelle, le hante. Ce personnage, formé au théâtre Incarnat à Bordeaux, parallèlement à des études de lettres modernes, y joua dans les années quatre-vingt. Revenu en Bretagne par amour du pays, il s'installe à Morlaix et s'adonne au théâtre de rue, crée des pièces de théâtre qu'il interprète, écrit des chroniques, des contes, des nouvelles, des essais... "Il y a autant d'imaginaire que de souffle dans les moindres replis de sa vie" dit de lui Yann Orveillon. Il a publié dans des revues en langue bretonne ainsi que dans notre revue en ligne DANGER POÉSIE (http://poesiedanger.blogspot.com/).
Extrait de "Cavalier Céleste"
J'habite retiré des festins et des fêtes
Je n'ai pas d'unité, dame Folie me guette
Dans les couloirs curieux de mon cerveau piqué
Des clous de chevaux fous de la réalité
S'étreignent, se perdent sur un vieux tourniquet
Le monarque et le peuple de mes qualités.
....
Au cours de cet été, Les Voleurs de Feu m'avaient invité en résidence. Débarrassé pour un temps des rudes contraintes matérielles, j'ai pu, sur ces terres de mes ancêtres maternels, où je n'étais pas revenu depuis 35 ans, y achever mon recueil "Au coeur du cri" premier volet d'une trilogie dont la dernière partie ("Exil de la poésie") est quasiment terminée (Je n'en suis pas encore certain!).
Du 19 au 23 août dernier, Les Voleurs de Feu déployait leur stand au Festival International du Livre Insulaire de l'île d'Ouessant, et je faisais partie d'une équipée qui ne fut qu'enchantements et sortilèges, comme dans les vieilles légendes des celtes. J'y ai rencontré des êtres humains de qualité, je me suis enivré de vents écumants, de breuvages rares et de poésie. J'en profite ici pour exprimer ma reconnaissance éternelle à Yann Orveillon, qui m'a en quelque sorte sauvé la vie, ainsi qu'à Morgane, sa fille-fée, et à Marie-Lise Martin Le Corre - très précieuse collaboratrice de Yann qu'elle seconde contre vents et marées - qui m'ont donné "carte blanche" pour la prestation finale. Voici un poème, issu de "Au coeur du cri" (Parution dans les jours à venir):
à Yann Orveillon homme de Breizh
et Voleur de Feu
Nous étions morts
exilés dans l’offrande
Rouge le vent
l’alchimie de la nuit
rapportait des armes fulgurantes
arythmies vertes
jusqu’à l’aube
Nous revenions du Ponant
mes sosies et moi
c’était le temps béni
des hautes luttes
le temps à l’état brut
Nous passions de l’enfance à la vieillesse
entre les parenthèses du rêve
Je chantais la Vague
pas un corps ne résistait
à la fureur des varechs
l’écume nous dévorait
mes yeux devenaient sauvages
Nous avions le courage de nos poings
la santé de notre démesure
J’étais seul____
Plougasnou, le 23/08/2009
A Ouessant, résidait Rodney Saint-Éloi, poète Haïtien, vivant depuis 2001 à Montréal où il partage son temps entre l'écriture, l'édition et les conférences en tant qu'universitaire. En 1999, il a fondé à Port-au-Prince les éditions Mémoire en 1999, et, avec le poète Georges Castera qui l'a rejoint, la revue semestrielle d'art et de littérature Boutures. En 2003, Saint-Éloi il fonde à Montréal les éditions Mémoire d'encrier qui accueille des auteurs de diverses communautés culturelles (Afrique, Caraïbes et Océan Indien). Chez Rodney Saint-Éloi, tout est engagement: écriture et édition. Engagement envers le social, engagement vers tout ce qui libère. Il a publié une dizaine de recueils de poèmes et des essais sur la littérature et la peinture.
Extrait du poème "Montréal":
A Montréal il y a deux saisons: l'hiver et nos amours...
Les villes sont d'étranges bateaux
Les villes sont des oiseaux chagrins
Les villes sont le destin des arbres
C'est dans leur ventre que boit la mer
C'est dans leur panse que naît la terre
C'est dans leur main que pousse l'espoir
La ville a des odeurs d'amande
Le fleuve nu contraste les destins
Le souvenir d'un cours d'eau au nom de ciel
Le souvenir d'un ciel au nom de terre
Des rues au nom des sept miracles
Dans mes fugues j'ai perdu le nord
dans les mers j'ai perdu le sud
Je suis devenu moins qu'une rumeur
Je suis devenu la fatigue des vents
...
Un autre poète Haïtien, Gérald Bloncourt (né d'un père guadeloupéen et d'une mère française en 1926), qui fut un des acteurs principaux de la révolution haïtienne en 1946 (connue sous le nom des "Cinq Glorieuses") au côté de Jacques-Stephen Alexis. Peu après la reprise du pouvoir par l'armée, Bloncourt est arrêté et expulsé vers la Martinique puis vers la France. Dans un premier temps il vit de la vente de ses tableaux, devient grand reporter. Depuis Paris, il s'insurge contre la dictature des Duvalier.
Parmi ses nombreuses publications retenons:
Les Prolos, un livre-album de 140 photographies de Gérald Bloncourt, accompagné par des textes de Mehdi Lallaoui. La même année aux éditions Bourin à Paris, Gérald Bloncourt est l'auteur d'un récit traçant le parcours du militant-photographe, Le regard engagé, parcours d'un franc-tireur de l'image. En 2006, il signe, avec Michael Löwy, Messagers de la tempête; André Breton et la Révolution de janvier 1946 en Haïti, publié aux Éditions Le Temps des Cerises.
Peintre, poète, photographe, écrivain, Gérald Bloncourt poursuit sa création qu'il qualifie lui-même de « créneaux ».
Extrait de: "Ne me parlez d'oublier":
Ne me parler pas d'oublier que ma poésie a toujours un goût de sang un arrière goût de sang et de cadavres. Elle n'a connu que l'horreur la fange et les chimères. Elle a toujours été un témoin obligé de tous ces êtres mal-aimés désaimés piétinés labourés dans l'incertitude de ces années féroces.
Ne me parlez pas d'oublier. D'oublier mon pays. Ce pays d'immenses bidonvilles étranglés de soleil et d'espoir ses parfums de cigales d'épices fortes et d'ambre ses côtes vierges ses rives maternelles ses arbres prostitués.
Ne me parlez-pas d'oublier nos bourreaux criminels et voraces aux mains échardées leurs ombres assassines nos amours flagellés crevassées abdiqués
Je demande aux oracles de taire le pardon et l'oubli. Je voudrais que mon île dévastée ébranlée mais combien courageuse taise le pardon et l'oubli.
Ne me demandez pas d'oublier. Ma mémoire ne peut pas oublier.
...
Pour terminer en beauté, Yann Orveillon délivre un témoignage très émouvant, intitulé: "L'exclu des dictionnaires", dont je ne peux résister de donner à lire les premières lignes:
Lors d'un séjour qu'il fit chez moi à Kermebel en Plougasnou, Tristan Cabral qui musardait avec gourmandise dans ma bibliothèque me dit tout à trac: "Yann Orveillon, tu es l'exclu des dictionnaires".
Je n'ai pu qu'acquiescer car il faisait un constat et énonçait là une vérité. D'est en ouest et du nord au sud il est facile de constater, pour ceux qui ont le goût de ce genre de renseignements, que dans le moindre dictionnaire littéraire, sans parler de la moindre petite plaquette recensant et citant des poètes et leurs "oeuvres", on trouve toujours les mêmes noms. A croire que certains sont vraiment importants ou se croient et laissent croire qu'ils sont incontournables.
Pour s'abonner (20 euros à l'année, 4 numéros) rendez-vous sur le site (L'adresse se trouve en début d'article).
Les Voleurs de Feu - 13 rue Louis Pasteur - 29 630 Plougasnou
***
Vous pouvez envoyer vos textes à l'adresse ci-dessus. Merci. André Chenet
voixdesautres@wanadoo.fr
Site: http://lesvoleursdefeu.free.fr/
Vous avez dit violence?...
La violence, tel est le thème de cette 27e parution. Yann Orveillon après avoir esquissé en un raccourci vertigineux l'historique de la violence des origines à nos jours, pose les questions cruciales : d'où provient la violence, qui en est responsable ? De quel bord est-elle ? "Depuis le début de l'histoire rien ne s'est fait sans violence et justification de la violence". Il ne répond pas directement se contentant d'énumérer des faits quotidiens (relevant malheureusement de ce qui est devenu une banalité épouvantable) qui parlent d'eux-mêmes en une longue et hallucinante litanie venant étayer sa conclusion. Ancien syndicaliste -expulsé par la CGT durant les grèves de mai 68- militant aguerri, poète sans complaisance, il fustige les centrales syndicales qui se sont vendues, au nom de la paix sociale, aux exigences faramineuses des patrons voyous et des gouvernements successifs qui protègent ces derniers. Avec Rimbaud ("L'orgie parisienne...", "Les mains de Jeanne Marie") il en appelle au soulèvement des classes laborieuses et des exclus, parce qu'il n'y a plus d'autres solutions possibles pour enrayer le cauchemar éveillé qui les plonge dans un désespoir sans fond (suicides, travail temporaire à salaires réduits, chômage massif...) tandis que banquiers et agioteurs/boursiers de la pire espèce, responsables de la crise, sont gavés avec les deniers publiques.
Dans un article très documenté, intitulé "Et cette violence, si mâleureuse", Marie-Lise Martin Core, après avoir décortiqué tous les sens du mot violence, s'attaque aux sévices in-humains subis par les femmes, plus particulièrement les femmes asiatiques, africaines et musulmanes (Excision.,circoncision et toutes les autres formes de mutilations et d'agressions).
Avec "La machine à réduire", Lukas Stella (Auteur des livres "Croyances informatisées dans l'ordre des choses marchandes" paru aux Éditions du Monde Libertaire et Alternatives Libertaires et "Stratagèmes du changement" aux Éditions Libertaire presse de la coopérative ouvrière 34 à Toulouse - 2009) nous livre une analyse d'une clairvoyance sans faille : comment l'informatique qui n'était à l'origine qu' "un moyen de se soulager d'un travail avilissant en prenant en charge les tâches harassantes, libérant pour tous un temps libre considérable sans tomber dans la misère du chômage" aurait pu "devenir l'outil incontournable de la libération de l'esclavage du travail" ? Au lieu de cela, elle s'est habilement transformée, avec l'ordinateur, en "une prothèse qui parasite son hôte", à l'insu de la grande majorité de ses utilisateurs. En tant que "pratique solitaire" l'ordinateur contribue davantage à "individualiser par la fabrication de séparations à tous les niveaux" en donnant l'illusion d'une plus grande liberté. Le travailleur se trouve ainsi pris au piège d'un rendement des plus pernicieux qui soit, et, comme toujours, à qui cela profite-t-il sinon, comme toujours, aux détenteurs sans scrupules du capital ? L'addiction dont sont victimes des millions d'internautes aujourd'hui ne mériterait-elle pas d'être diagnostiquée comme la drogue dure des temps modernes, injectée à dose massive dans les cerveaux bombardés d'informations sous couvert de les rendre plus intelligents qu'ils ne le sont.
Des articles de Jean Dupont (Un tabou : La Marseillaise..), d'Isabelle Mély (La taxe carbone, cette violence qui nous est faite...) et de Anne Jullien-Perhouas (Le propithèque soyeux) analysent différents aspects de cette violence et, qu'elle se situe sur le plan social, environnemental ou symbolique, n'est-elle pas en définitive mise au service la marchandisation massive du monde et de la prise de pouvoir (contrôle) des mafias politico-financière sur l'ensemble des populations de la planète ?
Parmi les Voleurs de Feu, nommés plus communément poètes, qui ont participés à ce tract d'Action poétique rouge et noir, deux invités de marque:
- Jean-Marc La Frénière, québecois, qui vient tout juste de publier son dernier livre en France (Éd. Chemins de plume, à Nice) et qui se définit ainsi: "J'ai pris les mots où ils étaient, dans la bouche et la rue, loin des grammaires, des dictionnaires et des académies...". sa force de frappe électrisée par une sensibilié à vif, se condense en deux poèmes en prose très resserrés: "Les banquier" et "Les dents de loup":
"La majorité silencieuse: il n'y a qu'elle qu'on entend. Des coups de feu claquent partout. A peine l'enfant a-t-il ouvert les yeux, on met des chenilles à son landau, des cartouchières, des prières. On lui arrache le rêve avec ses dents de lait. Dans le coeur d'un soldat loge un pouce mal sucé, un enfant mal sevré. J'ai préféré l'écart de langage à l'écart de fortune..."
- Cristina Castello, séjournant actuellement à Paris. Argentine de naissance, internationale de culture, chez qui cohabitent la poésie, la vie et l'engagement, valeurs qui constituent son matériel de résistance. Entre faire et être, elle travaille en tant que journaliste et se dit "contrebandière de poésie". Sans masque, la femme écrit et parle, communique les intérieurs et les dehors. Femme-lionne aux yeux couleur de miel, elle est venue révéler la plénitude de la beauté dans nos univers humains détraqués ou le "chacun pour soi" fait loi:
On est des immigrants dans un monde sans présent
Fureur des harpes éclatant en lettres sans corset
Poésie, c'est la sagesse du non temps
Poésie, c'est l'aube sans obsèquess
Poésie, c'est l'ordre de l'éternité
Frémissement des lys
Don aux innocents
Danses de cloches
Déluge du soleil.
Le poète français François Xavier dans son introduction à « Soif » , dernier recueil paru de la poétesse argentine Cristina Castello déclare : "La petite sœur de Rimbaud vit à Buenos Aires. Elle est verbe pur. Nom nu de la parole enchantée elle porte en elle le diamant perdu de l’humanité : l’amour."
"Orage", son prochain recueil sortira au début du mois de janvier 2010.
Cristina Castello
La Bretagne est aussi un vivier de poètes, rescapés des lisiers et des marées noires de la vie moderne, Yann Orveillon qui n'est pas en odeur de sainteté dans les milieux capitonnés de la culture officielle et pas mieux logé à l'enseigne des cultes bretonnants, n'a de cesse de lever les voiles qui occultent les "révoltés fiers" de sa terre natale où sa propre mère déjà avant lui attaquait à mains nues ce que Léo Ferré nommait "La force de l'oppression". Il nous présente une parfaite inconnue, qui a fait ses premiers pas dans le précédent numéro de cette revue dont il est le fondateur: Anne Jullien-Perhoas, native de Brest, avec un poème de pleine page, "Antartique":
...
je fabrique autour de mon enfant des résilles et des voiles de mensonges
je ne veux pas la regarder chuter longer le fil au-dessus des précipices translucides
je lui invente de la joie et des rages auxquelles je ne crois plus
qu'elle avance les pieds rivés au sol sous mes pieds, effondrée
je lui montre les beautés blanches et les dentelles de la banquise comme si ce n'était pas déjà
un souvenir
je ligote mon enfant avec des filins des cordages des ficelles de l'acier
de pacotille, des mirages
...
A Morlaix, ville voisine, à seulement huit kilomètres de Plougasnou, vit un saltimbanque, un musicien, un grand escogriffe voyageur et homme de théâtre, une sorte d'écrivain hors norme à l'écart des calembredaines littéraires, un magicien la tête dans les étoiles et qui déclame Shakespeare, parmi d'autres, dans les vents écumant de la mer d'Iroise. Pier Mayer-Dantec n'a rien à voir avec les poètes mais ne peut se retenir d'exprimer ce qu'il l'habite, l'ensorcelle, le hante. Ce personnage, formé au théâtre Incarnat à Bordeaux, parallèlement à des études de lettres modernes, y joua dans les années quatre-vingt. Revenu en Bretagne par amour du pays, il s'installe à Morlaix et s'adonne au théâtre de rue, crée des pièces de théâtre qu'il interprète, écrit des chroniques, des contes, des nouvelles, des essais... "Il y a autant d'imaginaire que de souffle dans les moindres replis de sa vie" dit de lui Yann Orveillon. Il a publié dans des revues en langue bretonne ainsi que dans notre revue en ligne DANGER POÉSIE (http://poesiedanger.blogspot.com/).
Extrait de "Cavalier Céleste"
J'habite retiré des festins et des fêtes
Je n'ai pas d'unité, dame Folie me guette
Dans les couloirs curieux de mon cerveau piqué
Des clous de chevaux fous de la réalité
S'étreignent, se perdent sur un vieux tourniquet
Le monarque et le peuple de mes qualités.
....
Au cours de cet été, Les Voleurs de Feu m'avaient invité en résidence. Débarrassé pour un temps des rudes contraintes matérielles, j'ai pu, sur ces terres de mes ancêtres maternels, où je n'étais pas revenu depuis 35 ans, y achever mon recueil "Au coeur du cri" premier volet d'une trilogie dont la dernière partie ("Exil de la poésie") est quasiment terminée (Je n'en suis pas encore certain!).
Du 19 au 23 août dernier, Les Voleurs de Feu déployait leur stand au Festival International du Livre Insulaire de l'île d'Ouessant, et je faisais partie d'une équipée qui ne fut qu'enchantements et sortilèges, comme dans les vieilles légendes des celtes. J'y ai rencontré des êtres humains de qualité, je me suis enivré de vents écumants, de breuvages rares et de poésie. J'en profite ici pour exprimer ma reconnaissance éternelle à Yann Orveillon, qui m'a en quelque sorte sauvé la vie, ainsi qu'à Morgane, sa fille-fée, et à Marie-Lise Martin Le Corre - très précieuse collaboratrice de Yann qu'elle seconde contre vents et marées - qui m'ont donné "carte blanche" pour la prestation finale. Voici un poème, issu de "Au coeur du cri" (Parution dans les jours à venir):
à Yann Orveillon homme de Breizh
et Voleur de Feu
Nous étions morts
exilés dans l’offrande
Rouge le vent
l’alchimie de la nuit
rapportait des armes fulgurantes
arythmies vertes
jusqu’à l’aube
Nous revenions du Ponant
mes sosies et moi
c’était le temps béni
des hautes luttes
le temps à l’état brut
Nous passions de l’enfance à la vieillesse
entre les parenthèses du rêve
Je chantais la Vague
pas un corps ne résistait
à la fureur des varechs
l’écume nous dévorait
mes yeux devenaient sauvages
Nous avions le courage de nos poings
la santé de notre démesure
J’étais seul____
Plougasnou, le 23/08/2009
A Ouessant, résidait Rodney Saint-Éloi, poète Haïtien, vivant depuis 2001 à Montréal où il partage son temps entre l'écriture, l'édition et les conférences en tant qu'universitaire. En 1999, il a fondé à Port-au-Prince les éditions Mémoire en 1999, et, avec le poète Georges Castera qui l'a rejoint, la revue semestrielle d'art et de littérature Boutures. En 2003, Saint-Éloi il fonde à Montréal les éditions Mémoire d'encrier qui accueille des auteurs de diverses communautés culturelles (Afrique, Caraïbes et Océan Indien). Chez Rodney Saint-Éloi, tout est engagement: écriture et édition. Engagement envers le social, engagement vers tout ce qui libère. Il a publié une dizaine de recueils de poèmes et des essais sur la littérature et la peinture.
Extrait du poème "Montréal":
A Montréal il y a deux saisons: l'hiver et nos amours...
Les villes sont d'étranges bateaux
Les villes sont des oiseaux chagrins
Les villes sont le destin des arbres
C'est dans leur ventre que boit la mer
C'est dans leur panse que naît la terre
C'est dans leur main que pousse l'espoir
La ville a des odeurs d'amande
Le fleuve nu contraste les destins
Le souvenir d'un cours d'eau au nom de ciel
Le souvenir d'un ciel au nom de terre
Des rues au nom des sept miracles
Dans mes fugues j'ai perdu le nord
dans les mers j'ai perdu le sud
Je suis devenu moins qu'une rumeur
Je suis devenu la fatigue des vents
...
Un autre poète Haïtien, Gérald Bloncourt (né d'un père guadeloupéen et d'une mère française en 1926), qui fut un des acteurs principaux de la révolution haïtienne en 1946 (connue sous le nom des "Cinq Glorieuses") au côté de Jacques-Stephen Alexis. Peu après la reprise du pouvoir par l'armée, Bloncourt est arrêté et expulsé vers la Martinique puis vers la France. Dans un premier temps il vit de la vente de ses tableaux, devient grand reporter. Depuis Paris, il s'insurge contre la dictature des Duvalier.
Gérald Bloncourt
Parmi ses nombreuses publications retenons:
Les Prolos, un livre-album de 140 photographies de Gérald Bloncourt, accompagné par des textes de Mehdi Lallaoui. La même année aux éditions Bourin à Paris, Gérald Bloncourt est l'auteur d'un récit traçant le parcours du militant-photographe, Le regard engagé, parcours d'un franc-tireur de l'image. En 2006, il signe, avec Michael Löwy, Messagers de la tempête; André Breton et la Révolution de janvier 1946 en Haïti, publié aux Éditions Le Temps des Cerises.
Peintre, poète, photographe, écrivain, Gérald Bloncourt poursuit sa création qu'il qualifie lui-même de « créneaux ».
Extrait de: "Ne me parlez d'oublier":
Ne me parler pas d'oublier que ma poésie a toujours un goût de sang un arrière goût de sang et de cadavres. Elle n'a connu que l'horreur la fange et les chimères. Elle a toujours été un témoin obligé de tous ces êtres mal-aimés désaimés piétinés labourés dans l'incertitude de ces années féroces.
Ne me parlez pas d'oublier. D'oublier mon pays. Ce pays d'immenses bidonvilles étranglés de soleil et d'espoir ses parfums de cigales d'épices fortes et d'ambre ses côtes vierges ses rives maternelles ses arbres prostitués.
Ne me parlez-pas d'oublier nos bourreaux criminels et voraces aux mains échardées leurs ombres assassines nos amours flagellés crevassées abdiqués
Je demande aux oracles de taire le pardon et l'oubli. Je voudrais que mon île dévastée ébranlée mais combien courageuse taise le pardon et l'oubli.
Ne me demandez pas d'oublier. Ma mémoire ne peut pas oublier.
...
Pour terminer en beauté, Yann Orveillon délivre un témoignage très émouvant, intitulé: "L'exclu des dictionnaires", dont je ne peux résister de donner à lire les premières lignes:
Lors d'un séjour qu'il fit chez moi à Kermebel en Plougasnou, Tristan Cabral qui musardait avec gourmandise dans ma bibliothèque me dit tout à trac: "Yann Orveillon, tu es l'exclu des dictionnaires".
Je n'ai pu qu'acquiescer car il faisait un constat et énonçait là une vérité. D'est en ouest et du nord au sud il est facile de constater, pour ceux qui ont le goût de ce genre de renseignements, que dans le moindre dictionnaire littéraire, sans parler de la moindre petite plaquette recensant et citant des poètes et leurs "oeuvres", on trouve toujours les mêmes noms. A croire que certains sont vraiment importants ou se croient et laissent croire qu'ils sont incontournables.
Pour s'abonner (20 euros à l'année, 4 numéros) rendez-vous sur le site (L'adresse se trouve en début d'article).
Les Voleurs de Feu - 13 rue Louis Pasteur - 29 630 Plougasnou
***
Le thème du prochain Tract d'Action Poétique:
Poésie: La résitance, l'amour, la vie.
Vous pouvez envoyer vos textes à l'adresse ci-dessus. Merci. André Chenet
***
Anacaona, reine d'Ayiti
Huile sur bois - 120 x 100 - 1996
Toile de Gérald Bloncourt
voixdesautres@wanadoo.fr




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