lundi 28 mars 2011

Lettre d’informations « Couleurs Poésies » N° 52


L’éditorial

N° 52 ! Un an d’existence de cette lettre. Un an de fidélité pour certaines et certains d’entre vous. Vraiment, je vous en remercie. Peut-être que, parmi les abonnés, il en est qui se demande ce que viennent faire mes éditoriaux, juste avant la liste des poèmes publiés durant la semaine précédente. Le but en est, bien entendu, de montrer qu’être poète, n’est pas synonyme d’éternel rêveur comme trop de citoyens l’imaginent encore. Tout au contraire. Le poète est autant, sinon plus, impliqué dans la vie politique du pays dans lequel il vit, voire, dans la vie du monde.

Ainsi, les élections cantonales. Elles semblent loin de toute poésie. Mais le poète ne peut pas se désintéresser de ce qui agite son pays. Surtout lorsqu’il voit, qu’il sent, combien son pays tourne le dos aux valeurs essentielles de ce qui fait la « vie ensemble ». Le nombre de voix qui se sont portées sur la FN, la semaine passée, ne laisse rien présager de bon pour la France. On nous dit qu’il ne faut pas diaboliser les électeurs de ce parti. Certes, il y a de tout, comme pour n’importe quel parti. Il y a sans doute quelques véritables convaincus et soutiens de ce parti extrémiste, mais il y a aussi des citoyens désespérés par la politique de Sarkozy. À mon avis, nombre de ceux-là sont moins soucieux de sécurité et de xénophobie, qu’ils ne sont alertés et angoissés par l’appauvrissement d’une grande part de la population, voire de leur propre appauvrissement accéléré sous prétexte de crise mondiale.

Le vote pour les partis extrémistes, si l’on regarde un peu l’histoire des cent dernières années, trouve le plus souvent sa raison d’être dans la pauvreté qui devient de plus en plus extrême. Hitler ne serait certainement pas venu au pouvoir si l’Allemagne n’avait pas été littéralement pillée par le traité de paix de Versailles. Et si, aujourd’hui, hélas, un trop grand nombre de pays européens subissent la montée de leurs partis extrémistes de droite, l’appauvrissement n’y est pas pour rien et, à mon avis, se trouve comme première cause, bien avant le prétendu « danger islamiste » dû aux migrations. Ce thème, si proche d’un racisme écœurant, comme nous ne le voyons depuis 2007, sert aussi bien un parti comme le FN que l’UMP, tout au moins son chef qui oublie trop souvent qu’il ne devrait être que le Président de la République.

Ainsi, également, la guerre en Libye. Le poète ne peut pas rester insensible face à un tel événement. Cependant, aimant la vie et l’humanité, en dépit de tous ses défauts, il ne peut qu’être sensible à l’appel au secours d’une population entière menacée par son tortionnaire de tyran. Le poète est nécessairement déchiré par l’alternative sauvage de la guerre ou de laisser faire un massacre. La guerre est l’une des horreurs absolues provoquées par les humains. Mais aussi atroce que cela semble être, s’il s’agit de sauver une population, elle trouve sa justification. À présent, il s’agit pour le poète, comme pour les citoyens capables d’humanisme, de surveiller les chefs de guerre afin que ceux-ci n’aillent pas au-delà de ce que la communauté internationale, représentée par l’ONU, lui a donné comme mandat. Et si, d’aventure, ces chefs d’État vont plus loin, il s’agira, une fois de plus de lutter contre eux, par des articles, des poèmes cinglants, voire des manifestations. Nous devons donc tous rester extrêmement vigilants et ne rien laisser passer, ni la barbarie des tyrans ni la voracité éventuelle des dirigeants de nos pays « démocratiques ». Nos frères humains tunisiens et égyptiens, tout comme les Libyens nous ont enseigné, et nous enseignent encore, que la solidarité et la persévérance des peuples peut faire tomber les tyrans. C’est valable également pour nos pays, en espérant que si cela devenait nécessaire, nous pourrons le réaliser par des moyens plus pacifiques, je veux dire par là, sans en être certain, en espérant que les forces de l’ordre dans nos pays seront moins barbares que dans les trois pays cités. Dans les trois cas, mais également en Syrie, au Bahreïn, au Yémen, en Jordanie et au Maroc, la violence s’est trouvé du côté des forces de l’ordre, violence ordonnée par les pouvoirs.

Ainsi, encore, sur les ravages du nucléaire civil. Le monde entier, après avoir été atterré par le tremblement de terre puis le raz-de-marée au Japon, a eu droit à un premier passage de « nuage contaminé » au-dessus de sa tête. Comment le poète ne pourrait-il pas être extrêmement solidaire et préoccupé par ce résultat du génie humain, d’un génie qui croit, qui imagine pouvoir tout maîtriser ? Ce nuage, si dramatique qu’il puisse être, le drame qui se poursuit dans la centrale japonaise et qui nous promet encore de nombreux « nuages contaminés » dans les semaines à venir, nous oblige à être un peu plus humbles face à la nature. Nous sommes instantanément remis à notre place, celle d’un animal un peu plus évolué (théoriquement ?) que les autres. Nous avons cru maîtriser le « feu », mais, à présent, il se retourne contre nous.

L’angoisse première du poète se trouve dans la pérennité de la vie qui pourrait, cette fois, être sérieusement menacée par l’une de nos inventions. Il est cruel de voir les regards des enfants, leurs sourires et rires, en se disant que par notre folie, peut-être, ils s’éteindront à jamais.

Il faut garder confiance, mais comprendre ce qui arrive au Japon comme un ultime avertissement avant que d’autres catastrophes de même nature ne nous effacent de la surface de la terre.


Les nouveautés de la semaine


Lundi 21 mars

« Le tison ardent », de Jean Dornac
Comme une fée, ô combien maléfique
Un jour d’été, tu as percé mon cœur
Avec un tison à la pointe fantastique
Tu m’as laissé pour mort sans parole ni fleur

Mardi 22 mars

« Solitudes », de Ode
Sous la grandeur des longues saisons
Des temps mille fois millénaires
À rebours d'amours et de frissons
Les amants à jamais séparés, solitaires

Mercredi 23 mars

« Il y a toujours », de Michel Bénard
Il y a toujours ce souvenir
D’odeur de sel et d’algues marines,
De corps qui se dessinent
Au vitrail de la mémoire.

Jeudi 24 mars

« Vingt-cinq plus une », de Djalila Dechache
Vingt-cinq plus une
Tombes :
Une jeune femme
Épousée, préférée de l’Emir
Sultan des Arabes d’Algérie

Vendredi 25 mars

« Sans titre », de Mouloudi Mustapha
Le froid me glace le dos
La chaleur m’étrangle
Que l’on dise peu ou trop
Le doigt n’a qu’un ongle.

Samedi 26 mars

« Souvenirs d’amour », de Marie Alice Théard
Le bonheur est de passage
C'est un délicieux superflu ajouté à nos rêves
Un sourire malicieux dans la musicalité de l'air
compagnon du désir et de l'amour
qui au gré du hasard et d'une suite de petits riens
s'installe chez nous le temps d'un frisson

Dimanche 27 mars

« La porte verrouille », de Victor Varjac
La porte verrouille
le regard de l’espace
son œil de pierre
et de bois mêlés
brise d’un geste d’ombre
la blessure du vent…


Bonnes lectures
Jean Dornac

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