Miko Peled Je veux commencer en remerciant les membres de l’AIPAC[2] de la communauté juive sioniste présents ce soir. Je suis heureux qu’ils aient décidé de prendre du temps pour exprimer leur solidarité avec le peuple palestinien. Je sais que vous écouterez des audios et verrez les enregistrements de mes remarques de ce soir et que vous les étudierez à fond et, je l’espère, vous réaliserez que vous êtes du côté du mal.
Voyez-vous, j’ai aussi une origine très sioniste, bien plus sioniste et juive que la plupart d’entre vous ce soir. Mon grand-père a été un des signataires de la déclaration d’indépendance israélienne et mon père, un général, a été un des géants qui ont planifié et exécuté les victoires militaires les plus définitives d’Israël, 1948 et 1967. Alors, je sais ce que vous avez appris et ce que vous pensez. Mais il est temps de se débarrasser des mythes sionistes et de révéler la vérité pour que nous puissions finalement tous vivre en paix. Les mythes que je vais traiter ce soir sont les trois mythes les plus communs :
2. Le mythe de la menace existentielle de 1967.
3. Le mythe de la démocratie juive.
Je veux vous lire un passage de mon livre à venir, « Le fils du général », et je cite : « En grandissant on nous a appris que les Arabes avaient quitté Eretz Israël en partie d’eux-mêmes et en partie sous les directives de leurs soi-disant leaders, et donc que c’était moralement OK de prendre leurs terres et leurs maisons. Il ne nous traversa jamais à l’esprit que même s’ils étaient partis volontairement, nous n’avions pas le droit d’empêcher leur retour. Puis les historiens israéliens ont découvert que ce que les historiens palestiniens disaient depuis plusieurs décennies était vrai ». En d’autres termes, quand les Palestiniens déclarent qu’une chose est vraie, nous en doutons, mais quand des Israéliens eux-mêmes le disent, cela change tout. Eh bien, les historiens israéliens ont découvert qu’Israël et la Palestine sont au même endroit. Mais quand Israël fut créé, il fut créé sur les ruines de la Palestine.
Alors, bien que la Palestine ne fût pas encore un État, elle en serait devenue un si elle n’avait pas été complètement détruite. La Palestine avait des villes florissantes où opéraient le commerce et l’industrie, elle avait une classe moyenne, des juges, des érudits, une vie politique riche et également une culture et une identité originale qui la distinguaient du reste du monde arabe. Ce que les Palestiniens n’avaient pas, c’était une armée. Et alors qu’ils constituaient la grande majorité de la population, quand les milices juives attaquèrent, ils n’eurent aucune chance.
À l’époque, la communauté juive de Palestine était petite, moins de 1/2 million de gens, mais elle avait développé ses propres institutions quasi étatiques séparées de celles des Palestiniens. Sur la base du principe de la Hafrada, ou ségrégation, elle avait développé ses propres écoles, un système de santé nationalisé, un quasi gouvernement et une milice forte et bien entraînée avec des jeunes gens comme mon père déterminés à créer un État juif en Palestine sans tenir compte de l’existence de la grande majorité de la population, les Palestiniens.
En 1948, la milice juive devint l’armée israélienne, mais entre fin 1947 et début 1949 elle détruisit près de 500 villages et villes palestiniennes et expulsa près de 800.000 Palestiniens, qui à ce jour n’ont pas le droit de revenir. Ainsi, il ressort que finalement la création d’Israël n’avait pas été un combat hasardeux où les Arabes auraient fui leurs foyers à cause de directives de leurs dirigeants. Elle a été une campagne systématique de nettoyage ethnique par les milices juives, avec des massacres, du terrorisme et le pillage généralisé de toute une nation.
Ma mère se souvient des demeures des Palestiniens qui furent forcés de quitter Jérusalem Ouest. Elle-même se vit offrir une de ces belles maisons spacieuses mais elle refusa. Elle ne pouvait pas supporter l’idée de vivre dans le foyer d’une famille expulsée et vivant maintenant dans un camp de réfugiés. Elle a raconté que le café était sur les tables quand les soldats sont entrés et ont commencé à piller. Elle se souvient des camions de butin prélevé dans ces maisons par les soldats israéliens.
Une fois l’État établi, Israël a œuvré sans relâche pour effacer les traces de l’existence palestinienne antérieure, en démolissant les villes, les villages et les sites historiques, y compris environ 2000 mosquées. Je me souviens de la série télé israélienne Tkuma ou « Renaissance » (une remarquable série qui décrit la renaissance du peuple juif et l’établissement de l’État juif). Dans une interview, on demande à un ex-commandant de brigade de 1948 s’il est vrai que les forces juives brûlèrent des villages arabes. Il lève tranquillement son regard vers la caméra et dit : « Comme des feux de joie, ils brûlaient comme des feux de joie ».
Après la fin de la guerre, les Palestiniens restés dans l’État juif nouvellement créé furent forcés de devenir des citoyens d’un État qui s’imposait à eux et où on les appelait « les Arabes d’Israël », une expression qui leur déniait une identité nationale et des droits. Ils sont Arabes dans un État juif et citoyens d’un État méprisé par tous ses voisins.
Et voilà que miraculeusement les Israéliens gagnent et conquièrent des terres au nord, à l’est et au sud en écrasant trois grosses armées. Eh bien, si on met de côté les innombrables livres en hébreu, en anglais et en arabe et les documentaires filmés qui démentent ce mythe, montrant clairement qu’Israël a attaqué pour conquérir, dans ma recherche pour ce livre, durant des jours j’ai lu les comptes-rendus des réunions de l’état major israélien. Voici une autre citation de mon livre : « Lors d’une réunion houleuse des hauts gradés de l’IDF avec le cabinet israélien, le 2 juin 1967, mon père le général Matti Peled a dit au cabinet en des termes clairs que les Égyptiens avaient besoin d’au moins un an et demi pour être prêts à une guerre à grande échelle». Son argument était que c’était le moment pour une frappe dévastatrice contre l’armée égyptienne, pas à cause d’une menace existentielle mais parce que l’armée égyptienne n’était pas prête à la guerre. Les autres généraux étaient d’accord. Mais le cabinet hésitait.
Les membres du cabinet et le Premier ministre se déchirèrent d’une manière inimaginable. Lors de cette même rencontre agitée, mon père a dit au Premier ministre : « Nasser fait avancer une armée mal préparée parce qu’il compte sur l’hésitation du cabinet. Il est convaincu qu’on ne frappera pas. Votre hésitation est à notre avantage ». Pas de mention d’une menace existentielle mais une occasion de jauger la force israélienne. Les années suivantes, ceci fut confirmé par les autres généraux, y compris par le boucher Ariel Sharon.
À la fin, le cabinet a succombé à l’énorme pression exercée sur lui par les généraux et a approuvé une attaque préventive contre l’Égypte, attaque qui débuta le 7 juin 1967. Je cite à nouveau : « L’attaque surprise a causé la destruction totale de l’aviation égyptienne, la décimation de l’armée égyptienne et la reconquête de la bande de Gaza et du Sinaï en quelques jours. L’armée israélienne savait aussi que l’armée syrienne était en ruine, et les Jordaniens n’arrivaient pas à la hauteur de la force de l’IDF. Après que la campagne contre l’Égypte eût si bien marché, les généraux portèrent leur attention sur la Cisjordanie et le Golan, deux régions qu’Israël convoitait depuis longtemps. Elles avaient toutes les deux de l’eau et des collines qui dominaient les territoires israéliens, et la Cisjordanie contenait le cœur du territoire biblique et, joyau de la couronne, la vieille ville de Jérusalem. En six jours, c’était fini. Les victimes arabes furent estimées à 15 000 (15 000 morts en six jours !), les pertes israéliennes à 700 et les territoires contrôlés par Israël avaient presque triplé. Israël avait en sa possession non seulement des terres et des ressources convoitées depuis longtemps, mais aussi le plus grand stock d’armes russes hors de Russie. Israël avait encore une fois prouvé qu’il était un pouvoir régional majeur ».
Alors, c’est là qu’il se produisit quelque chose d’énorme : rappelez-vous que c’était il y a 46 ans. À un meeting de l’état-major après la guerre des six jours, le chef d’état-major Yitzhak Rabin rayonnait de la gloire de la victoire. Mais vers la fin du meeting, mon père a levé la main. Il fut appelé et il parla de la chance unique que la victoire offrait – résoudre le problème palestinien une fois pour toutes. Pour la première fois dans l’histoire d’Israël, nous étions face à face avec les Palestiniens, sans autres Arabes entre nous. Nous avions maintenant une chance de leur offrir un Etat à eux en Cisjordanie et à Gaza. Il déclara avec assurance que se maintenir sur la Cisjordanie et ses habitants allait contre la stratégie à long terme d’Israël. Une résistance populaire à l’occupation apparaîtrait très certainement et l’armée israélienne serait employée à réprimer cette résistance, avec des effets désastreux et démoralisants. Ceci ferait de l’État juif une puissance occupante de plus en plus brutale et finalement un état binational. Ce n’était rien moins que prophétique car nous vivons exactement cette réalité aujourd’hui. Quand il disait cela, les futurs leaders de l’intifada étaient encore au berceau.
Ses paroles furent ignorées, ses demandes écartées, et au contraire, aveuglés par l’accès soudainement gagné à des lieux comme Hébron et Bethléem, Shilo et Sichem (Naplouse), les leaders israéliens débutèrent un plan massif de colonisation pour établir des juifs sur la terre récemment conquise. Quelques années plus tard, mon père appela Israël à négocier avec l’OLP. Il déclara qu’Israël avait besoin de parler avec les représentants quels qu’ils soient du peuple palestinien, le peuple avec lequel nous partageons cette terre. Il croyait que seule la paix avec les Palestiniens pouvait garantir notre existence continue en tant qu’État juif et démocratique. Maintenant, tant d’années plus tard, les gens parlent de créer un État palestinien en Cisjordanie mais cette option n’existe plus.
Alors que les Israéliens juifs là bas et l’AIPAC ici aiment croire qu’ils sont les seuls citoyens légitimes sur leur terre et expliqueront qu’ils vivent dans une démocratie, c’est loin d’être vrai. Israël contrôle la Cisjordanie depuis plus de 40 ans et a construit et investi fortement en Cisjordanie. Mais les Palestiniens qui constituent la grande majorité de la population de Cisjordanie en sont complètement exclus. En d’autres termes, 100 % de la construction en Cisjordanie a été faite pour y amener des juifs et pour exclure les presque 3 millions de Palestiniens à qui la terre appartient en premier lieu. Trois millions de Palestiniens sont exclus, et même privés du droit de vote alors qu’ils voient leurs terres confisquées, leurs maisons détruites et que des routes, des centres commerciaux, des écoles et des communautés fermées sont construites pour les seuls juifs, inaccessibles pour eux et leur famille. De la démocratie…
Et ce n’est pas le pire. L’eau, la ressource la plus limitée de toutes, est contrôlée et distribuée par l’Autorité israélienne des eaux, y compris les grandes quantités d’eau présentes en Cisjordanie. D’après B’tselem, l’organisation israélienne des droits de l’homme, l’eau souterraine de l’aquifère de la montagne est une ressource partagée entre Israéliens et Palestiniens. C’est la plus vaste source d’eau de la meilleure qualité, produisant 600 millions de mètres cubes par an. Israël a un contrôle quasi-total sur l’aquifère et exploite 80 % de la production pour ses besoins, laissant le reste à l’usage des Palestiniens. « La répartition injuste et discriminatoire des ressources communes d’eau cause des pénuries chroniques d’eau en Cisjordanie susceptibles d’affecter la santé [publique] des Palestiniens ». L’Organisation mondiale de la santé recommande une consommation minimale de 100 l par jour et par personne. La consommation quotidienne est de 242 l par jour et par personne en Israël, celle en Cisjordanie est 73 l par personne. « Dans certains districts, c’est d’aussi peu que 37 l (Toubas), 44 l (Jénine) et 56 (Hébron) ». Alors, les Palestiniens doivent racheter leur eau à Israël, car Israël ne reconnaît pas les droits des Palestiniens sur l’eau présente sous le sol palestinien. Aussi absurde que ça puisse paraître, les fermiers palestiniens n’ont pas le droit de creuser des puits sous leur propre terre. En distribution annuelle, c’est encore pire. Israël distribue l’eau ainsi : par personne, les juifs reçoivent 300 m3 par an. Les palestiniens, 85 m3 (l’OMS recommande 100 m3 par an). Les colons juifs de Cisjordanie se voient allouer 1500 m3 d’eau par an par personne. En d’autres termes, alors que les Palestiniens ont à peine à boire, à 500 m de là les colons juifs ont des piscines et des pelouses vertes. Quelqu’un croit-il sérieusement que cela peut durer éternellement ? Belle démocratie.
À présent au vu du soulèvement des peuples du Moyen-Orient, on peut s’attendre à voir les régimes dictatoriaux tomber comme des dominos. Peut-on s’attendre à ce que 5 millions de Palestiniens continuent à vivre sous un régime qui est démocratique pour les juifs, mais brutalement oppressif pour les Palestiniens ? Il y a près de 6 millions de juifs en Israël et 5,5 millions de Palestiniens qui se partagent le même pays sous des lois différentes.
Mon père, qui était un géant militaire mais qui a aussi consacré des années à se battre pour la justice pour la cause palestinienne, a souvent été interrogé sur la question du terrorisme palestinien. Je me souviens de lui disant à la télévision israélienne : « Le terrorisme est terrible. Mais le fait demeure que quand une petite nation est sous la férule d’une plus grande puissance, le terrorisme est le seul moyen à sa disposition. Ceci a toujours été vrai, et j’ai peur que ça le reste toujours ».
Les prédictions de mon père ont toutes été vérifiées. En dépit du lobby d’Israël dans ce pays, les peuples du monde commencent à réaliser qu’il y a en fait deux nations qui vivent entre le Jourdain et la Méditerranée et que le régime brutal sous lequel les Palestiniens vivent est inacceptable.
Et à propos de l’AIPAC, je me rappelle avoir vu beaucoup d’entre vous, du puissant groupe AIPAC de San Diego assis ici ce soir, lors de la veille tenue pour les victimes innocentes assassinées par Israël à Gaza. C’était il y a deux mois au parc Balboa. Vous étiez drapés dans le drapeau israélien, chantant et dansant, tandis que nous qui étions là aussi, séparés de vous par une ligne de police et par un sens de la morale, essayions de rappeler les noms des 1400 morts, civils innocents, officiers de police, enfants, femmes et hommes tuées par l’État d’Israël dans l’intervalle de trois semaines.
Ce furent trois semaines avec tant de morts et de destruction qu’on peut à peine le réaliser. Je me souviens des histoires de pilotes de l’aviation israélienne qui volaient, sortie après sortie, lâchant des centaines de tonnes de bombes sur Gaza, exposant une population civile à une horreur inimaginable, puis retournant dans leur famille pour célébrer la fête juive de Hanouka, voyez-vous les attaques ont eu lieu pendant Hanouka. Et puis ces pilotes, après le plaisir de la célébration, dormaient bien dans le confort de leurs maisons et de leurs lits et le lendemain matin se levaient tout bonnement pour recommencer, encore et encore.
Je me souviens que pendant la veille, vous qui étiez drapés dans le drapeau israélien, vous teniez des panneaux parlant des avertissements que l’armée israélienne avait donnés aux Gazaouis avant l’attaque. Elle avait lâché des milliers de tracts pour faire savoir aux habitants de Gaza assiégés que ce cauchemar allait débuter. Je peux seulement imaginer la mère qui a vu l’avertissement. Sachant que la mort et la destruction étaient imminentes et sachant aussi qu’il n’y avait nulle part où aller, nulle place pour emmener ses enfants, nulle lieu pour les protéger du feu, de la fumée, des composés chimiques et du phosphore qui fait fondre la chair et ne peut être éteint – nulle place où aller parce qu’Israël a imposé un siège, un verrouillage sans fin du peuple de Gaza. Alors, les pilotes de l’air israéliens, ces jeunes hommes que les Israéliens et les juifs sionistes ailleurs considèrent comme les meilleurs d’entre eux, furent aussi valeureux que s’ils tiraient une vache dans un couloir lorsqu’ils ont commencé leur massacre sans merci à 11 h 15 précises le 27 décembre 2008. Une date qui sera à jamais gravée dans notre mémoire comme un des jours les plus sombres et les plus honteux de la longue histoire du peuple juif. Un jour où l’État juif a commis des crimes horribles et honteux en envoyant des centaines de tonnes de bombes au moment précis où les enfants de Gaza étaient dans les rues. Entre 11 heures et 11 h 30, 800 000 enfants de Gaza sont sur le chemin de l’école ou en reviennent, c’est le moment du changement entre les deux sessions scolaires. C’est le moment qu’ont choisi les décideurs israéliens pour commencer l’assaut.
Pour souligner à quel point c’est criminel, je vais vous lire une citation de Charles Glass, un grand écrivain et reporter sur le Moyen-Orient. Dans “The Tribes Triumphant”, certainement un des meilleurs livres jamais écrits sur le Moyen-Orient, le journaliste Charles Glass décrit les enfants de Gaza sur le chemin de l’école le matin. Au passage, chacun devrait lire ce livre, voici ce qu’il écrit sur les enfants de Gaza : « ... en blouse bleue ou grise, les petites filles avec leur col blanc à frange, les garçons conduisant leurs plus jeunes frères... avec leur sac de toile pour leurs livres sur le dos, les cheveux brossés vers l’arrière, le visage lavé... Des milliers et des milliers de pas d’enfants qui les conduisent sur les chemins poussiéreux de la porte d’entrée de chez leur maman jusqu’à leur école... De beaux enfants si innocents qu’ils pourraient rire, même à Gaza ».
C’est eux qu’Israël a attaqué ce sombre, sombre jour de décembre. Ceux d’entre vous qui êtes ici parce que vous soutenez la brutalité israélienne, vous affirmerez sans doute qu’Israël avait le droit de faire ce qu’il fait parce qu’il s’agissait de légitime défense. Légitime défense contre des roquettes Kassam lancées par les militants Hamas de Gaza. Des milliers de roquettes lancées pour tuer des civils innocents en Israël.
Je sais une ou deux choses sur les roquettes Kassam. J’étais assis, me détendant un samedi après-midi avec les enfants et des proches dans un kibboutz à portée de pierre de Gaza quand les roquettes ont commencé à voler au-dessus de nous et les alarmes ont sonné. C’était effrayant. En décembre dernier une roquette Kassam est tombée dans le même kibboutz, près de la maternelle où étaient les enfants. Les enfants ont été touchés. Il y a eu des coupures qui saignaient, du verre brisé partout et plusieurs enfants ont été hospitalisés en état de choc. J’ai vu le trou au sol causé par les roquettes, de la taille d’un ballon de basket. Et alors, je me suis souvenu de ce à quoi ressemble le cratère fait par une bombe d’une tonne. Il a la taille d’un pâté de maisons. Les enfants ne souffrent pas de chocs ou d’égratignures, ils sont décimés et brûlés, enterrés sous les gravats et étouffés par la fumée. Maintenant, multipliez ça par 100 et multipliez ça encore et encore et gardez à l’esprit que la densité de population de Gaza est une des plus élevée du monde – 4000 par kilomètre carré. Pourtant, le lobby d’Israël justifie cela.
Ceux d’entre vous qui sont juifs connaissent bien l’histoire du livre de la genèse, chapitre 18, versets 23-26 : Dieu décide de détruire la ville de Sodome et Abraham, le patriarche, le corrige et dit «détruirez-vous aussi les justes avec les méchants ? Peut-être y a-t-il cinquante justes dans la ville» et Dieu promet qu’il épargnera la ville s’il trouve cinquante justes. Mais il n’y a pas d’Abraham aujourd’hui en Israël, car nous savons qu’il y a 800 000 enfants à Gaza et qu’Israël ne leur a pas épargné l’horreur. Difficilement imaginable.
On m’accuse souvent d’être unilatéral et de ne pas parler du terrorisme palestinien. Eh bien, j’en parlerai cette fois-ci : comme mon père l’a dit il y a des dizaines d’années, quand une petite nation est gouvernée par un grand pouvoir brutal, il faut s’attendre à une forme de résistance violente. Et les victimes sont toujours des innocents. Quant au contact de ma famille avec le terrorisme, c’est ce qui nous a poussés à en apprendre plus sur le conflit et à nous rapprocher de nos voisins palestiniens. L’incitation, l’impulsion finale pour nous rapprocher des Palestiniens est venue d’une tragédie dévastatrice. Je cite à nouveau mon livre « Le fils du général » : « À l’automne de 1997, le désastre. Ma nièce Smadar est tuée par un kamikaze palestinien. Quelques heures plus tard, nous voilà sur la route vers le cimetière. La police escorte notre procession, libérant la route pour les fourgons qui emmènent les membres effondrés de la famille d’une autre victime juive. Comme nous sortons du fourgon, quelqu’un s’approche et me demande de porter le petit cercueil. Mon cœur se sent bien plus lourd que le poids sur mes épaules d’une légèreté à fendre le cœur. Des Israéliens et des Palestiniens, des membres de la famille et des amis de tout le spectre politique, des dirigeants connus et des gens ordinaires viennent prononcer des éloges funèbres et exprimer leur douleur face à cette perte inexprimable. Smadar fut enterrée près de mon père, son grand-père, dans un petit cimetière d’une colline juste en dehors de Jérusalem. À ce jour, ma sœur Nurit ne se pardonne pas d’avoir laissé sa petite fille seule dans le sol froid et humide. Mais quand elle est sortie de chez elle pour rencontrer des milliers de gens en deuil, elle n’a pas appelé à la vengeance. Elle na pas demandé de revanche. À la place, elle a dit : « Aucune vraie mère ne voudrait qu’une chose aussi terrible arrive à une autre mère ».
Il semblait impossible de poursuivre. Mais ma mère dit toujours que la vie est plus forte que la mort. Alors nous avons continué. Mais quelque chose avait changé. Je sentais que je devais faire quelque chose et que rencontrer et parler aux Palestiniens était la chose juste à faire. Alors je l’ai fait, et ceci a commencé ici même à San Diego où je fus accueilli par l’adoption chaleureuse de la communauté palestinienne locale.
L’expérience de la rencontre des Palestiniens fut réconfortante, libératrice et d’une déchirante difficulté. Elle fut réconfortante parce que je découvris que nous étions très similaires, libératrice parce que je découvris que nous n’étions pas condamnés à être éternellement ennemis, et déchirante parce que je réalisai que je ne connaissais pas toute la vérité – c’est-à-dire, j’étais là où vous mes amis supporters de l’AIPAC êtes maintenant : vous n’est pas en pleine possession de la vérité et je vous suggère de vous y mettre et de me rejoindre dans ce que le grand Clovis Maqsoud a éloquemment appelé la « Constitution de la conscience ».
J’imagine facilement que les Blancs d’Afrique du Sud, à la vue de la fin de l’apartheid, voulaient tant s’accrocher à leur mode de vie finissant, tout corrompu qu’il ait été. J’imagine facilement que les racistes blancs des Etats du Sud en firent de même quand le racisme et la discrimination légalisée furent abolis dans ce pays. Nous voyons que les tyrans brutaux partout ces jours-ci, de la Libye aux Etats du Golfe, en font autant. S’accrochant même quand ils tombent l’un après l’autre. Maintenant, les sionistes et leurs soutiens font pareil, s’accrochant à l’idée qu’un régime raciste peut durer, que la justice et l’horreur peuvent durer, que les crimes contre d’autres, différents, peuvent se poursuivre impunis. Mais nous sommes près de la fin. Le rêve sioniste d’un État éthiquement et religieusement homogène a été pulvérisé par les sionistes eux-mêmes avec leur appétit insatiable de terre. De leurs propres mains, ils ont créé un État binational, un État où la moitié de la population n’est ni juive ni Israélienne mais palestinienne arabe. Ils n’ont aucun droit, c’est vrai ; ils ne comptent pas, c’est vrai ; mais ça va changer et plus vite que vous ne le croyez.
Le changement viendra parce que le mouvement de résistance non-violente des villes et des villages partout en Palestine, l’emportera. À Beit-Umar, à Bil’in, à Nabi Saleh, à Silwan, à Ni’ilin, à Shekh Jarrah, à Maasara, de chers amis palestiniens et des Israéliens engagés pour la justice et la démocratie organisent des marches non-violentes toutes les semaines. Avec le peuple, avec des leaders palestiniens de base engagés et opiniâtres. Et c’est pourquoi, nous qui croyons en la justice et en la démocratie, sommes optimistes.
À Jérusalem Est juste hors des murs de la vieille ville et non loin du quartier juif se trouve le quartier de Silwan avec près de 50 000 habitants. Israël veut expulser les familles de Silwan pour constituer un parc archéologique glorifiant son passé juif. Ils affirment que le roi David y a construit une ville il y a 3000 ans et ils espèrent retrouver les traces sous les maisons des habitants de Silwan. Des milliers de familles pourraient avoir à partir pour qu’Israël puisse construire un parc glorifiant une conquête vieille de 3000 ans, peu importe qu’il n’y ait pas une once de preuve scientifique qu’un tel roi ait jamais existé, pas plus qu’il n’y a de preuve que le monde ait été créé en six jours. Le passé fausse le présent en Israël, un État qui veut éliminer l’existence du peuple qui vit sur sa terre pour consolider le mythe d’un passé glorieux.
Mais les Palestiniens interfèrent constamment et opiniâtrement avec la fabrication du mythe sioniste, de ce fait les Palestiniens, hommes, femmes et enfants, ainés, avec leurs écoles et mosquées, leurs églises et leurs anciens cimetières et toutes les preuves de leur existence doivent être détruits pour que la prétention sioniste à des droits exclusifs sur la terre soit corroborée.
Alors, ceux d’entre vous qui souhaitez-vous associer au sionisme et à l’AIPAC et qui vous drapez dans l’emblème sioniste, dans le drapeau qui est devenu symbole d’intolérance, de haine, de racisme et de brutalité, estimez-vous libres de vos actes. Mais sachez ceci : quand les procès commenceront, quand les tribunaux siégeront, quand la commission « vérité et réconciliation » commencera ses travaux et quand vous aurez enfin la honte d’admettre que vous aviez tort, pensez à vous agenouiller et à demander pardon au peuple que vous avez si grossièrement lésé. Vous ne pourrez pas dire que vous « ne saviez pas », parce que nous vous avons vu danser pendant que les autres comptaient leurs morts. Souvenez-vous et n’oubliez jamais que vous et moi et ces témoins étions ici aujourd’hui. Parce que je ne vous oublierai pas, ils ne vous oublieront pas et pire encore, votre conscience ne vous laissera pas oublier que vous êtes entourés du drapeau, que vous avez soutenu la tuerie et que vous vous êtes moqués des gens en deuil.
Le reste d’entre nous irons de l’avant, et avec le reste du Moyen-Orient nous suivrons l’exemple du peuple courageux d’Égypte pour créer ce qui sera certainement une réalisation formidable : un État démocratique et laïc dans notre patrie partagée. Un État où musulmans, chrétiens et juifs vivront à égalité. Un État partagé, une démocratie séculière, où chaque voix compte et où les gens élèvent leurs enfants à aimer leur patrie si diverse avec sa multitude de cultures, sa riche histoire et son futur prometteur. Il est vrai que selon une croyance malavisée, partager la terre signifie que les nations doivent être ennemies, mais ce n’est pas vrai. Les Israéliens et les Palestiniens s’assembleront dans leur patrie partagée et formeront quelque chose de plus grand que la somme de ses constituants. Merci beaucoup.
Notes
[1] Source : http://mikopeled.wordpress.com/cate.... Il s’agit du transcrit du discours donné par Miko Peled à SDSU le 2 mars 2011. Une présentation un peu différente est sur YouTube : http://www.youtube.com/watch?v=c4Zf...
[2] AIPAC : American Israel Public Affairs Committee, principal lobby sioniste étasunien spécialisé dans les incitations et pressions sur les candidats et élus du Congrès.
Traduction : JPB-CCIPPP
Source : March 30, 2011
Miko Peled
Protection Palestine
Voyez-vous, j’ai aussi une origine très sioniste, bien plus sioniste et juive que la plupart d’entre vous ce soir. Mon grand-père a été un des signataires de la déclaration d’indépendance israélienne et mon père, un général, a été un des géants qui ont planifié et exécuté les victoires militaires les plus définitives d’Israël, 1948 et 1967. Alors, je sais ce que vous avez appris et ce que vous pensez. Mais il est temps de se débarrasser des mythes sionistes et de révéler la vérité pour que nous puissions finalement tous vivre en paix. Les mythes que je vais traiter ce soir sont les trois mythes les plus communs :
1. Le mythe de 1948.
2. Le mythe de la menace existentielle de 1967.
3. Le mythe de la démocratie juive.
Je veux vous lire un passage de mon livre à venir, « Le fils du général », et je cite : « En grandissant on nous a appris que les Arabes avaient quitté Eretz Israël en partie d’eux-mêmes et en partie sous les directives de leurs soi-disant leaders, et donc que c’était moralement OK de prendre leurs terres et leurs maisons. Il ne nous traversa jamais à l’esprit que même s’ils étaient partis volontairement, nous n’avions pas le droit d’empêcher leur retour. Puis les historiens israéliens ont découvert que ce que les historiens palestiniens disaient depuis plusieurs décennies était vrai ». En d’autres termes, quand les Palestiniens déclarent qu’une chose est vraie, nous en doutons, mais quand des Israéliens eux-mêmes le disent, cela change tout. Eh bien, les historiens israéliens ont découvert qu’Israël et la Palestine sont au même endroit. Mais quand Israël fut créé, il fut créé sur les ruines de la Palestine.
Alors, bien que la Palestine ne fût pas encore un État, elle en serait devenue un si elle n’avait pas été complètement détruite. La Palestine avait des villes florissantes où opéraient le commerce et l’industrie, elle avait une classe moyenne, des juges, des érudits, une vie politique riche et également une culture et une identité originale qui la distinguaient du reste du monde arabe. Ce que les Palestiniens n’avaient pas, c’était une armée. Et alors qu’ils constituaient la grande majorité de la population, quand les milices juives attaquèrent, ils n’eurent aucune chance.
À l’époque, la communauté juive de Palestine était petite, moins de 1/2 million de gens, mais elle avait développé ses propres institutions quasi étatiques séparées de celles des Palestiniens. Sur la base du principe de la Hafrada, ou ségrégation, elle avait développé ses propres écoles, un système de santé nationalisé, un quasi gouvernement et une milice forte et bien entraînée avec des jeunes gens comme mon père déterminés à créer un État juif en Palestine sans tenir compte de l’existence de la grande majorité de la population, les Palestiniens.
En 1948, la milice juive devint l’armée israélienne, mais entre fin 1947 et début 1949 elle détruisit près de 500 villages et villes palestiniennes et expulsa près de 800.000 Palestiniens, qui à ce jour n’ont pas le droit de revenir. Ainsi, il ressort que finalement la création d’Israël n’avait pas été un combat hasardeux où les Arabes auraient fui leurs foyers à cause de directives de leurs dirigeants. Elle a été une campagne systématique de nettoyage ethnique par les milices juives, avec des massacres, du terrorisme et le pillage généralisé de toute une nation.
Ma mère se souvient des demeures des Palestiniens qui furent forcés de quitter Jérusalem Ouest. Elle-même se vit offrir une de ces belles maisons spacieuses mais elle refusa. Elle ne pouvait pas supporter l’idée de vivre dans le foyer d’une famille expulsée et vivant maintenant dans un camp de réfugiés. Elle a raconté que le café était sur les tables quand les soldats sont entrés et ont commencé à piller. Elle se souvient des camions de butin prélevé dans ces maisons par les soldats israéliens.
Une fois l’État établi, Israël a œuvré sans relâche pour effacer les traces de l’existence palestinienne antérieure, en démolissant les villes, les villages et les sites historiques, y compris environ 2000 mosquées. Je me souviens de la série télé israélienne Tkuma ou « Renaissance » (une remarquable série qui décrit la renaissance du peuple juif et l’établissement de l’État juif). Dans une interview, on demande à un ex-commandant de brigade de 1948 s’il est vrai que les forces juives brûlèrent des villages arabes. Il lève tranquillement son regard vers la caméra et dit : « Comme des feux de joie, ils brûlaient comme des feux de joie ».
Après la fin de la guerre, les Palestiniens restés dans l’État juif nouvellement créé furent forcés de devenir des citoyens d’un État qui s’imposait à eux et où on les appelait « les Arabes d’Israël », une expression qui leur déniait une identité nationale et des droits. Ils sont Arabes dans un État juif et citoyens d’un État méprisé par tous ses voisins.
Un autre mythe sioniste largement accepté, c’est qu’en 1967 Israël devait se défendre contre une menace existentielle parce que les armées arabes allaient l’effacer de la face du monde.
Et voilà que miraculeusement les Israéliens gagnent et conquièrent des terres au nord, à l’est et au sud en écrasant trois grosses armées. Eh bien, si on met de côté les innombrables livres en hébreu, en anglais et en arabe et les documentaires filmés qui démentent ce mythe, montrant clairement qu’Israël a attaqué pour conquérir, dans ma recherche pour ce livre, durant des jours j’ai lu les comptes-rendus des réunions de l’état major israélien. Voici une autre citation de mon livre : « Lors d’une réunion houleuse des hauts gradés de l’IDF avec le cabinet israélien, le 2 juin 1967, mon père le général Matti Peled a dit au cabinet en des termes clairs que les Égyptiens avaient besoin d’au moins un an et demi pour être prêts à une guerre à grande échelle». Son argument était que c’était le moment pour une frappe dévastatrice contre l’armée égyptienne, pas à cause d’une menace existentielle mais parce que l’armée égyptienne n’était pas prête à la guerre. Les autres généraux étaient d’accord. Mais le cabinet hésitait.
Les membres du cabinet et le Premier ministre se déchirèrent d’une manière inimaginable. Lors de cette même rencontre agitée, mon père a dit au Premier ministre : « Nasser fait avancer une armée mal préparée parce qu’il compte sur l’hésitation du cabinet. Il est convaincu qu’on ne frappera pas. Votre hésitation est à notre avantage ». Pas de mention d’une menace existentielle mais une occasion de jauger la force israélienne. Les années suivantes, ceci fut confirmé par les autres généraux, y compris par le boucher Ariel Sharon.
À la fin, le cabinet a succombé à l’énorme pression exercée sur lui par les généraux et a approuvé une attaque préventive contre l’Égypte, attaque qui débuta le 7 juin 1967. Je cite à nouveau : « L’attaque surprise a causé la destruction totale de l’aviation égyptienne, la décimation de l’armée égyptienne et la reconquête de la bande de Gaza et du Sinaï en quelques jours. L’armée israélienne savait aussi que l’armée syrienne était en ruine, et les Jordaniens n’arrivaient pas à la hauteur de la force de l’IDF. Après que la campagne contre l’Égypte eût si bien marché, les généraux portèrent leur attention sur la Cisjordanie et le Golan, deux régions qu’Israël convoitait depuis longtemps. Elles avaient toutes les deux de l’eau et des collines qui dominaient les territoires israéliens, et la Cisjordanie contenait le cœur du territoire biblique et, joyau de la couronne, la vieille ville de Jérusalem. En six jours, c’était fini. Les victimes arabes furent estimées à 15 000 (15 000 morts en six jours !), les pertes israéliennes à 700 et les territoires contrôlés par Israël avaient presque triplé. Israël avait en sa possession non seulement des terres et des ressources convoitées depuis longtemps, mais aussi le plus grand stock d’armes russes hors de Russie. Israël avait encore une fois prouvé qu’il était un pouvoir régional majeur ».
Alors, c’est là qu’il se produisit quelque chose d’énorme : rappelez-vous que c’était il y a 46 ans. À un meeting de l’état-major après la guerre des six jours, le chef d’état-major Yitzhak Rabin rayonnait de la gloire de la victoire. Mais vers la fin du meeting, mon père a levé la main. Il fut appelé et il parla de la chance unique que la victoire offrait – résoudre le problème palestinien une fois pour toutes. Pour la première fois dans l’histoire d’Israël, nous étions face à face avec les Palestiniens, sans autres Arabes entre nous. Nous avions maintenant une chance de leur offrir un Etat à eux en Cisjordanie et à Gaza. Il déclara avec assurance que se maintenir sur la Cisjordanie et ses habitants allait contre la stratégie à long terme d’Israël. Une résistance populaire à l’occupation apparaîtrait très certainement et l’armée israélienne serait employée à réprimer cette résistance, avec des effets désastreux et démoralisants. Ceci ferait de l’État juif une puissance occupante de plus en plus brutale et finalement un état binational. Ce n’était rien moins que prophétique car nous vivons exactement cette réalité aujourd’hui. Quand il disait cela, les futurs leaders de l’intifada étaient encore au berceau.
Ses paroles furent ignorées, ses demandes écartées, et au contraire, aveuglés par l’accès soudainement gagné à des lieux comme Hébron et Bethléem, Shilo et Sichem (Naplouse), les leaders israéliens débutèrent un plan massif de colonisation pour établir des juifs sur la terre récemment conquise. Quelques années plus tard, mon père appela Israël à négocier avec l’OLP. Il déclara qu’Israël avait besoin de parler avec les représentants quels qu’ils soient du peuple palestinien, le peuple avec lequel nous partageons cette terre. Il croyait que seule la paix avec les Palestiniens pouvait garantir notre existence continue en tant qu’État juif et démocratique. Maintenant, tant d’années plus tard, les gens parlent de créer un État palestinien en Cisjordanie mais cette option n’existe plus.
Le mythe qu’Israël est une démocratie est toujours perpétué malgré des preuves écrasantes du contraire.
Alors que les Israéliens juifs là bas et l’AIPAC ici aiment croire qu’ils sont les seuls citoyens légitimes sur leur terre et expliqueront qu’ils vivent dans une démocratie, c’est loin d’être vrai. Israël contrôle la Cisjordanie depuis plus de 40 ans et a construit et investi fortement en Cisjordanie. Mais les Palestiniens qui constituent la grande majorité de la population de Cisjordanie en sont complètement exclus. En d’autres termes, 100 % de la construction en Cisjordanie a été faite pour y amener des juifs et pour exclure les presque 3 millions de Palestiniens à qui la terre appartient en premier lieu. Trois millions de Palestiniens sont exclus, et même privés du droit de vote alors qu’ils voient leurs terres confisquées, leurs maisons détruites et que des routes, des centres commerciaux, des écoles et des communautés fermées sont construites pour les seuls juifs, inaccessibles pour eux et leur famille. De la démocratie…
Et ce n’est pas le pire. L’eau, la ressource la plus limitée de toutes, est contrôlée et distribuée par l’Autorité israélienne des eaux, y compris les grandes quantités d’eau présentes en Cisjordanie. D’après B’tselem, l’organisation israélienne des droits de l’homme, l’eau souterraine de l’aquifère de la montagne est une ressource partagée entre Israéliens et Palestiniens. C’est la plus vaste source d’eau de la meilleure qualité, produisant 600 millions de mètres cubes par an. Israël a un contrôle quasi-total sur l’aquifère et exploite 80 % de la production pour ses besoins, laissant le reste à l’usage des Palestiniens. « La répartition injuste et discriminatoire des ressources communes d’eau cause des pénuries chroniques d’eau en Cisjordanie susceptibles d’affecter la santé [publique] des Palestiniens ». L’Organisation mondiale de la santé recommande une consommation minimale de 100 l par jour et par personne. La consommation quotidienne est de 242 l par jour et par personne en Israël, celle en Cisjordanie est 73 l par personne. « Dans certains districts, c’est d’aussi peu que 37 l (Toubas), 44 l (Jénine) et 56 (Hébron) ». Alors, les Palestiniens doivent racheter leur eau à Israël, car Israël ne reconnaît pas les droits des Palestiniens sur l’eau présente sous le sol palestinien. Aussi absurde que ça puisse paraître, les fermiers palestiniens n’ont pas le droit de creuser des puits sous leur propre terre. En distribution annuelle, c’est encore pire. Israël distribue l’eau ainsi : par personne, les juifs reçoivent 300 m3 par an. Les palestiniens, 85 m3 (l’OMS recommande 100 m3 par an). Les colons juifs de Cisjordanie se voient allouer 1500 m3 d’eau par an par personne. En d’autres termes, alors que les Palestiniens ont à peine à boire, à 500 m de là les colons juifs ont des piscines et des pelouses vertes. Quelqu’un croit-il sérieusement que cela peut durer éternellement ? Belle démocratie.
À présent au vu du soulèvement des peuples du Moyen-Orient, on peut s’attendre à voir les régimes dictatoriaux tomber comme des dominos. Peut-on s’attendre à ce que 5 millions de Palestiniens continuent à vivre sous un régime qui est démocratique pour les juifs, mais brutalement oppressif pour les Palestiniens ? Il y a près de 6 millions de juifs en Israël et 5,5 millions de Palestiniens qui se partagent le même pays sous des lois différentes.
Mon père, qui était un géant militaire mais qui a aussi consacré des années à se battre pour la justice pour la cause palestinienne, a souvent été interrogé sur la question du terrorisme palestinien. Je me souviens de lui disant à la télévision israélienne : « Le terrorisme est terrible. Mais le fait demeure que quand une petite nation est sous la férule d’une plus grande puissance, le terrorisme est le seul moyen à sa disposition. Ceci a toujours été vrai, et j’ai peur que ça le reste toujours ».
Les prédictions de mon père ont toutes été vérifiées. En dépit du lobby d’Israël dans ce pays, les peuples du monde commencent à réaliser qu’il y a en fait deux nations qui vivent entre le Jourdain et la Méditerranée et que le régime brutal sous lequel les Palestiniens vivent est inacceptable.
Et à propos de l’AIPAC, je me rappelle avoir vu beaucoup d’entre vous, du puissant groupe AIPAC de San Diego assis ici ce soir, lors de la veille tenue pour les victimes innocentes assassinées par Israël à Gaza. C’était il y a deux mois au parc Balboa. Vous étiez drapés dans le drapeau israélien, chantant et dansant, tandis que nous qui étions là aussi, séparés de vous par une ligne de police et par un sens de la morale, essayions de rappeler les noms des 1400 morts, civils innocents, officiers de police, enfants, femmes et hommes tuées par l’État d’Israël dans l’intervalle de trois semaines.
Ce furent trois semaines avec tant de morts et de destruction qu’on peut à peine le réaliser. Je me souviens des histoires de pilotes de l’aviation israélienne qui volaient, sortie après sortie, lâchant des centaines de tonnes de bombes sur Gaza, exposant une population civile à une horreur inimaginable, puis retournant dans leur famille pour célébrer la fête juive de Hanouka, voyez-vous les attaques ont eu lieu pendant Hanouka. Et puis ces pilotes, après le plaisir de la célébration, dormaient bien dans le confort de leurs maisons et de leurs lits et le lendemain matin se levaient tout bonnement pour recommencer, encore et encore.
Je me souviens que pendant la veille, vous qui étiez drapés dans le drapeau israélien, vous teniez des panneaux parlant des avertissements que l’armée israélienne avait donnés aux Gazaouis avant l’attaque. Elle avait lâché des milliers de tracts pour faire savoir aux habitants de Gaza assiégés que ce cauchemar allait débuter. Je peux seulement imaginer la mère qui a vu l’avertissement. Sachant que la mort et la destruction étaient imminentes et sachant aussi qu’il n’y avait nulle part où aller, nulle place pour emmener ses enfants, nulle lieu pour les protéger du feu, de la fumée, des composés chimiques et du phosphore qui fait fondre la chair et ne peut être éteint – nulle place où aller parce qu’Israël a imposé un siège, un verrouillage sans fin du peuple de Gaza. Alors, les pilotes de l’air israéliens, ces jeunes hommes que les Israéliens et les juifs sionistes ailleurs considèrent comme les meilleurs d’entre eux, furent aussi valeureux que s’ils tiraient une vache dans un couloir lorsqu’ils ont commencé leur massacre sans merci à 11 h 15 précises le 27 décembre 2008. Une date qui sera à jamais gravée dans notre mémoire comme un des jours les plus sombres et les plus honteux de la longue histoire du peuple juif. Un jour où l’État juif a commis des crimes horribles et honteux en envoyant des centaines de tonnes de bombes au moment précis où les enfants de Gaza étaient dans les rues. Entre 11 heures et 11 h 30, 800 000 enfants de Gaza sont sur le chemin de l’école ou en reviennent, c’est le moment du changement entre les deux sessions scolaires. C’est le moment qu’ont choisi les décideurs israéliens pour commencer l’assaut.
Pour souligner à quel point c’est criminel, je vais vous lire une citation de Charles Glass, un grand écrivain et reporter sur le Moyen-Orient. Dans “The Tribes Triumphant”, certainement un des meilleurs livres jamais écrits sur le Moyen-Orient, le journaliste Charles Glass décrit les enfants de Gaza sur le chemin de l’école le matin. Au passage, chacun devrait lire ce livre, voici ce qu’il écrit sur les enfants de Gaza : « ... en blouse bleue ou grise, les petites filles avec leur col blanc à frange, les garçons conduisant leurs plus jeunes frères... avec leur sac de toile pour leurs livres sur le dos, les cheveux brossés vers l’arrière, le visage lavé... Des milliers et des milliers de pas d’enfants qui les conduisent sur les chemins poussiéreux de la porte d’entrée de chez leur maman jusqu’à leur école... De beaux enfants si innocents qu’ils pourraient rire, même à Gaza ».
C’est eux qu’Israël a attaqué ce sombre, sombre jour de décembre. Ceux d’entre vous qui êtes ici parce que vous soutenez la brutalité israélienne, vous affirmerez sans doute qu’Israël avait le droit de faire ce qu’il fait parce qu’il s’agissait de légitime défense. Légitime défense contre des roquettes Kassam lancées par les militants Hamas de Gaza. Des milliers de roquettes lancées pour tuer des civils innocents en Israël.
Je sais une ou deux choses sur les roquettes Kassam. J’étais assis, me détendant un samedi après-midi avec les enfants et des proches dans un kibboutz à portée de pierre de Gaza quand les roquettes ont commencé à voler au-dessus de nous et les alarmes ont sonné. C’était effrayant. En décembre dernier une roquette Kassam est tombée dans le même kibboutz, près de la maternelle où étaient les enfants. Les enfants ont été touchés. Il y a eu des coupures qui saignaient, du verre brisé partout et plusieurs enfants ont été hospitalisés en état de choc. J’ai vu le trou au sol causé par les roquettes, de la taille d’un ballon de basket. Et alors, je me suis souvenu de ce à quoi ressemble le cratère fait par une bombe d’une tonne. Il a la taille d’un pâté de maisons. Les enfants ne souffrent pas de chocs ou d’égratignures, ils sont décimés et brûlés, enterrés sous les gravats et étouffés par la fumée. Maintenant, multipliez ça par 100 et multipliez ça encore et encore et gardez à l’esprit que la densité de population de Gaza est une des plus élevée du monde – 4000 par kilomètre carré. Pourtant, le lobby d’Israël justifie cela.
Ceux d’entre vous qui sont juifs connaissent bien l’histoire du livre de la genèse, chapitre 18, versets 23-26 : Dieu décide de détruire la ville de Sodome et Abraham, le patriarche, le corrige et dit «détruirez-vous aussi les justes avec les méchants ? Peut-être y a-t-il cinquante justes dans la ville» et Dieu promet qu’il épargnera la ville s’il trouve cinquante justes. Mais il n’y a pas d’Abraham aujourd’hui en Israël, car nous savons qu’il y a 800 000 enfants à Gaza et qu’Israël ne leur a pas épargné l’horreur. Difficilement imaginable.
On m’accuse souvent d’être unilatéral et de ne pas parler du terrorisme palestinien. Eh bien, j’en parlerai cette fois-ci : comme mon père l’a dit il y a des dizaines d’années, quand une petite nation est gouvernée par un grand pouvoir brutal, il faut s’attendre à une forme de résistance violente. Et les victimes sont toujours des innocents. Quant au contact de ma famille avec le terrorisme, c’est ce qui nous a poussés à en apprendre plus sur le conflit et à nous rapprocher de nos voisins palestiniens. L’incitation, l’impulsion finale pour nous rapprocher des Palestiniens est venue d’une tragédie dévastatrice. Je cite à nouveau mon livre « Le fils du général » : « À l’automne de 1997, le désastre. Ma nièce Smadar est tuée par un kamikaze palestinien. Quelques heures plus tard, nous voilà sur la route vers le cimetière. La police escorte notre procession, libérant la route pour les fourgons qui emmènent les membres effondrés de la famille d’une autre victime juive. Comme nous sortons du fourgon, quelqu’un s’approche et me demande de porter le petit cercueil. Mon cœur se sent bien plus lourd que le poids sur mes épaules d’une légèreté à fendre le cœur. Des Israéliens et des Palestiniens, des membres de la famille et des amis de tout le spectre politique, des dirigeants connus et des gens ordinaires viennent prononcer des éloges funèbres et exprimer leur douleur face à cette perte inexprimable. Smadar fut enterrée près de mon père, son grand-père, dans un petit cimetière d’une colline juste en dehors de Jérusalem. À ce jour, ma sœur Nurit ne se pardonne pas d’avoir laissé sa petite fille seule dans le sol froid et humide. Mais quand elle est sortie de chez elle pour rencontrer des milliers de gens en deuil, elle n’a pas appelé à la vengeance. Elle na pas demandé de revanche. À la place, elle a dit : « Aucune vraie mère ne voudrait qu’une chose aussi terrible arrive à une autre mère ».
Il semblait impossible de poursuivre. Mais ma mère dit toujours que la vie est plus forte que la mort. Alors nous avons continué. Mais quelque chose avait changé. Je sentais que je devais faire quelque chose et que rencontrer et parler aux Palestiniens était la chose juste à faire. Alors je l’ai fait, et ceci a commencé ici même à San Diego où je fus accueilli par l’adoption chaleureuse de la communauté palestinienne locale.
L’expérience de la rencontre des Palestiniens fut réconfortante, libératrice et d’une déchirante difficulté. Elle fut réconfortante parce que je découvris que nous étions très similaires, libératrice parce que je découvris que nous n’étions pas condamnés à être éternellement ennemis, et déchirante parce que je réalisai que je ne connaissais pas toute la vérité – c’est-à-dire, j’étais là où vous mes amis supporters de l’AIPAC êtes maintenant : vous n’est pas en pleine possession de la vérité et je vous suggère de vous y mettre et de me rejoindre dans ce que le grand Clovis Maqsoud a éloquemment appelé la « Constitution de la conscience ».
J’imagine facilement que les Blancs d’Afrique du Sud, à la vue de la fin de l’apartheid, voulaient tant s’accrocher à leur mode de vie finissant, tout corrompu qu’il ait été. J’imagine facilement que les racistes blancs des Etats du Sud en firent de même quand le racisme et la discrimination légalisée furent abolis dans ce pays. Nous voyons que les tyrans brutaux partout ces jours-ci, de la Libye aux Etats du Golfe, en font autant. S’accrochant même quand ils tombent l’un après l’autre. Maintenant, les sionistes et leurs soutiens font pareil, s’accrochant à l’idée qu’un régime raciste peut durer, que la justice et l’horreur peuvent durer, que les crimes contre d’autres, différents, peuvent se poursuivre impunis. Mais nous sommes près de la fin. Le rêve sioniste d’un État éthiquement et religieusement homogène a été pulvérisé par les sionistes eux-mêmes avec leur appétit insatiable de terre. De leurs propres mains, ils ont créé un État binational, un État où la moitié de la population n’est ni juive ni Israélienne mais palestinienne arabe. Ils n’ont aucun droit, c’est vrai ; ils ne comptent pas, c’est vrai ; mais ça va changer et plus vite que vous ne le croyez.
Le changement viendra parce que le mouvement de résistance non-violente des villes et des villages partout en Palestine, l’emportera. À Beit-Umar, à Bil’in, à Nabi Saleh, à Silwan, à Ni’ilin, à Shekh Jarrah, à Maasara, de chers amis palestiniens et des Israéliens engagés pour la justice et la démocratie organisent des marches non-violentes toutes les semaines. Avec le peuple, avec des leaders palestiniens de base engagés et opiniâtres. Et c’est pourquoi, nous qui croyons en la justice et en la démocratie, sommes optimistes.
À Jérusalem Est juste hors des murs de la vieille ville et non loin du quartier juif se trouve le quartier de Silwan avec près de 50 000 habitants. Israël veut expulser les familles de Silwan pour constituer un parc archéologique glorifiant son passé juif. Ils affirment que le roi David y a construit une ville il y a 3000 ans et ils espèrent retrouver les traces sous les maisons des habitants de Silwan. Des milliers de familles pourraient avoir à partir pour qu’Israël puisse construire un parc glorifiant une conquête vieille de 3000 ans, peu importe qu’il n’y ait pas une once de preuve scientifique qu’un tel roi ait jamais existé, pas plus qu’il n’y a de preuve que le monde ait été créé en six jours. Le passé fausse le présent en Israël, un État qui veut éliminer l’existence du peuple qui vit sur sa terre pour consolider le mythe d’un passé glorieux.
Mais les Palestiniens interfèrent constamment et opiniâtrement avec la fabrication du mythe sioniste, de ce fait les Palestiniens, hommes, femmes et enfants, ainés, avec leurs écoles et mosquées, leurs églises et leurs anciens cimetières et toutes les preuves de leur existence doivent être détruits pour que la prétention sioniste à des droits exclusifs sur la terre soit corroborée.
Alors, ceux d’entre vous qui souhaitez-vous associer au sionisme et à l’AIPAC et qui vous drapez dans l’emblème sioniste, dans le drapeau qui est devenu symbole d’intolérance, de haine, de racisme et de brutalité, estimez-vous libres de vos actes. Mais sachez ceci : quand les procès commenceront, quand les tribunaux siégeront, quand la commission « vérité et réconciliation » commencera ses travaux et quand vous aurez enfin la honte d’admettre que vous aviez tort, pensez à vous agenouiller et à demander pardon au peuple que vous avez si grossièrement lésé. Vous ne pourrez pas dire que vous « ne saviez pas », parce que nous vous avons vu danser pendant que les autres comptaient leurs morts. Souvenez-vous et n’oubliez jamais que vous et moi et ces témoins étions ici aujourd’hui. Parce que je ne vous oublierai pas, ils ne vous oublieront pas et pire encore, votre conscience ne vous laissera pas oublier que vous êtes entourés du drapeau, que vous avez soutenu la tuerie et que vous vous êtes moqués des gens en deuil.
Le reste d’entre nous irons de l’avant, et avec le reste du Moyen-Orient nous suivrons l’exemple du peuple courageux d’Égypte pour créer ce qui sera certainement une réalisation formidable : un État démocratique et laïc dans notre patrie partagée. Un État où musulmans, chrétiens et juifs vivront à égalité. Un État partagé, une démocratie séculière, où chaque voix compte et où les gens élèvent leurs enfants à aimer leur patrie si diverse avec sa multitude de cultures, sa riche histoire et son futur prometteur. Il est vrai que selon une croyance malavisée, partager la terre signifie que les nations doivent être ennemies, mais ce n’est pas vrai. Les Israéliens et les Palestiniens s’assembleront dans leur patrie partagée et formeront quelque chose de plus grand que la somme de ses constituants. Merci beaucoup.
Notes
[1] Source : http://mikopeled.wordpress.com/cate.... Il s’agit du transcrit du discours donné par Miko Peled à SDSU le 2 mars 2011. Une présentation un peu différente est sur YouTube : http://www.youtube.com/watch?v=c4Zf...
[2] AIPAC : American Israel Public Affairs Committee, principal lobby sioniste étasunien spécialisé dans les incitations et pressions sur les candidats et élus du Congrès.
Traduction : JPB-CCIPPP
Source : March 30, 2011
Miko Peled
Protection Palestine

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