
Vers la fin du Xième siècle, Ibn al-Nadim, un libraire bagdadi, compila un travail de toute première importance pour l’étude de la littérature arabe. Son Kitab-al-Fihrist est un catalogue de tous les livres disponibles à la vente à Bagdad et il donne une fascinante vision d’ensemble de l’état de la littérature de cette époque.
Une des formes de littérature les plus fréquentes durant la période des Abbassides fut la compilation. Il s’agissait de collections de faits, d’idées, de poèmes et d’histoires instructives traitant d’un seul thème à la fois et recouvrant des sujets aussi divers que la maison et le jardin, les femmes, les resquilleurs, les aveugles, la jalousie, les animaux et l’avarice. Les trois dernières de ces compilations furent écrites par al-Jahiz, un maître incontesté du genre. Ces collections furent très utiles aux nadim (compagnon d’un chef ou d’un noble) dont le rôle était souvent de régaler leur maître avec des histoires et des nouvelles utilisées pour distraire ou pour conseiller.
Un autre type d’œuvre fut associé de près aux collections : il s’agit du manuel, dans lequel les écrivains comme ibn Qutaybah donnèrent des instructions sur des sujets comme l’étiquette, la manière de gouverner, d'être un bon bureaucrate et même d'écrire. Ibn Qutaybah écrivit également l’une des toutes premières histoires du peuple arabe en puisant à la fois dans les histoires bibliques et dans les contes populaires, mais aussi et surtout en se référant aux événements historiques.
Le thème de la sexualité fut fréquemment exploré dans la littérature arabe. Le ghazal ou poème d’amour a une longue histoire, étant parfois tendre et pur, et à d’autres moments beaucoup plus explicite. Dans la tradition soufie, les poèmes d’amour connaîtront une large portée mystique et religieuse. Des guides sexuels furent également rédigés, comme « Le jardin parfumé », le Tawq al-hamamah (« Collier de la colombe ») de ibn Hazm et le Nuzhat al-albab fi-ma la yujad fi kitab (« Jubilation des cœurs concernant ce qui ne sera jamais trouvé dans un livre ») de Ahmad al-Tifachi. D’autres ouvrages s’opposeront à de telles œuvres, comme le Rawdat al-muhibbin wa-nuzhat al-mushtaqin (« La prairie des amoureux et la distraction des amoureux éperdus ») d'Ibn Qayyim al-Jawziyya, qui donne des conseils sur la manière de séparer l’amour et la luxure et ainsi d’éviter le péché.
En dehors des premières biographies de Mahomet, le premier biographe majeur à approfondir des personnages plutôt que de se limiter à la rédaction d’hymnes de louange fut al-Baladhuri qui, avec son Kitab ansab al-ashraf ou « Livre des généalogies des nobles », présente une véritable collection de biographies. Un autre dictionnaire biographique important fut commencé par ibn Khallikan puis complété par al-Safadi. Enfin le Kitab al-I'tibar, qui nous relate la vie de Usamah ibn Munqidh et son expérience des batailles des croisades, constitua une des premières autobiographies d’importance. Certain texte empreinte la forme de la sira (biographie) pour faire œuvre de fiction, telle la sirat Sayf ibn Dhi Yazan.
Ibn Khurradadhbih, apparemment un fonctionnaire du service postal de l’époque, écrivit un des tout premiers guides de voyage. La forme se popularisa par la suite dans la littérature arabe à travers les ouvrages d’ibn Hawqal, d’ibn Fadlan, d’al-Istakhri, d’al-Muqaddasi, d’al-Idrisi ainsi que ceux d’Ibn Battûta dont les voyages restèrent mémorables. Ces ouvrages donnèrent une vision fascinante des nombreuses cultures du vaste monde islamique et offrirent également des perspectives de conversion des peuples non musulmans aux extrémités de l’empire. Ils firent connaître également à quel point les musulmans étaient devenus une puissance commerciale de premier plan. Le plus souvent, ces ouvrages prenaient la forme de comptes rendus foisonnant de détails géographiques et historiques. Ils donnèrent naissance à un genre littéraire à part entière que l'on nomme en arabe : rihla ce qui traduit signifie "voyage".
Certains écrivains se concentrèrent sur l’histoire en général, comme al-Ya'qubi et al-Tabari, alors que d’autres se focalisèrent sur des périodes et des lieux précis, comme ibn al-Azraq qui relate l’histoire de la Mecque ou ibn Abi Tahir Tayfur qui écrivit celle de Bagdad. Parmi les historiens arabes, c’est ibn Khaldun qui est considéré comme le plus grand penseur. Sa chronique Muqaddima, qui prend pour objet d’étude la société, est un texte fondateur de la sociologie et de l’économie arabe.
Photo : Vue du mihrab (niche de prière) de la Grande Mosquée de Kairouan ; ce mihrab, dont l'état actuel date du IXe siècle, est l'œuvre des Aghlabides (dynastie régnant au nom du calife abbasside), Tunisie
Al-Loufok
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