dimanche 24 juillet 2011

Les Arabes... des cultures et des peuples : La littérature (14/30)

Al-Loufok

On appelle littérature arabe moderne la littérature qui débute avec la nahda. Ce terme, qu’il est convenu d’appeler Renaissance, signifie littéralement éveil, essor, envol. Ce mouvement est historiquement déterminé à partir du XIXe siècle.

Il accompagne la longue agonie de l’Empire ottoman, qui au début du siècle comprend encore la plus grande partie du Moyen-Orient et du Maghreb.
Il est contemporain des premières convoitises occidentales, la France, le Royaume-Uni et l’Italie se disputant ces provinces de l’Empire qui sera peu à peu démembré jusqu’à disparaître définitivement en 1923
Il est la conséquence indirecte des deux réformismes politico-religieux qui ont surgi au milieu du XVIIe siècle : celui de Mohamed ibn Abd al-Wahhab (1703-1792), qui prêchait le retour à un islam primitif, débarrassé des innovations postérieures au IXe siècle ; et celui de la confrérie des Sénoussis (Libye) qui prônait, dès 1835, la résurrection nationale et luttait contre les Ottomans d’abord, les Italiens ensuite.
Ce réveil est aussi le résultat et l’un des moteurs des réformes économiques, sociales et politiques que la Sublime Porte fut peu à peu obligée de consentir, et de celles qui, à la suite de la campagne de Napoléon Bonaparte (1798-1801), furent commencées en Égypte par Muhammad ‘Alî (1805-1839), puis poursuivies par son petit-fils ‘Ismâ‘il (1863-1879).
Il est enfin, au Liban et en Syrie, la conséquence de l’activité accrue des missionnaires, qui se servent de l’arabe pour leur enseignement et leur propagande, fondent des établissements scolaires, puis militaires, et installent des imprimeries.
Cet ensemble de facteurs va peu à peu transformer les mentalités, si bien que vers le milieu du siècle émerge au Proche-Orient ce que l’on a pu appeler l’intellectuel moderne. C’est du milieu du XIXe que l’on date parfois la Nahda, le réveil des lettres arabes se produisant à cette époque.

Cependant, on considère souvent que l’événement qui en marque le début est la campagne d'Égypte de Napoléon, puisque c’est à ce moment que le monde moderne fait son intrusion dans la région. Entre 1798 et 1801, Bonaparte va occuper l’Égypte afin de couper la route des Indes aux Britanniques et d’en faire une colonie. L’armée française met en déroute les gouverneurs mamlouks, et occupe le pays, ce qui va achever de déconsidérer les anciens gouvernants aux yeux des Arabes. Elle est accompagnée de techniciens, d’administrateurs, de savants, qui excitent la curiosité des ‘ulamâ’ et les initient au savoir occidental.
Le chroniqueur et historien ‘Abd ar-Rahmân al-jabarti (1753-1825) donne un précieux témoignage de cet émerveillement des élites, doublé de la prise de conscience du retard de leur pays sur l’Europe. Le projet militaire des Français échoue ; cependant, à leur départ, les ‘ulamâ’ feront tout pour empêcher le retour au pouvoir des mamlouks et élisent comme gouverneur Muhammad ‘Alî, officier albanais de l’armée turque. Celui-ci, militaire, a pour priorité la modernisation de l’armée et de l’appareil d’État. Néanmoins, il a conscience que toute réforme passe par la formation d’une élite et donc par la mise en place d’une politique éducative ouverte.
Dans ce but, il fonde la première imprimerie égyptienne à Bûlâq en 1822, ouvre des écoles laïques, primaires et secondaires, et envoie des étudiants boursiers se former en Europe. Ces trois facteurs seront les éléments déterminants du renouveau de la littérature arabe.

Cette renaissance ne fut pas seulement ressentie au sein du monde arabe, mais également au-delà, à travers un grand intérêt des Européens pour la traduction des œuvres arabes. Bien que l’usage de l’arabe fut ravivé, beaucoup de tropes de la littérature classique qui la rendaient si complexe et ornée furent abandonnés par les écrivains modernes. D’autre part, les formes littéraires occidentales comme la nouvelle ou le roman furent préférés aux formes de la littérature traditionnelle arabe.

Tout comme au VIIIe siècle, lorsqu’un mouvement de traduction du Grec ancien revitalisa la littérature arabe, un autre mouvement de traduction depuis les langues occidentales va offrir de nouvelles idées et de nouveaux matériaux pour l’arabe. Un des tout premiers succès fut Le Comte de Monte-Cristo qui inspira ensuite une foule de romans historiques sur des thèmes spécifiquement arabes. Rifa'a al-Tahtawi et Jabra Ibrahim Jabra furent deux des traducteurs importants de cette époque.

Lors de la deuxième moitié du XXe siècle, des changements politiques majeurs dans le monde arabe ont rendus la vie des écrivains plus difficile. Nombre d’entre eux ont souffert de la censure, tel Sun'allah Ibrahim, et d’autres furent emprisonnés comme Abdul Rahman Munif. En même temps, ceux qui avaient rédigé des œuvres favorables aux gouvernements furent promus à des postes élevés dans les institutions culturelles. Des chroniqueurs et des lettrés rédigèrent également des polémiques politiques et des critiques ayant pour but de remodeler la politique arabe.

Parmi les plus connus on trouve Le futur de la culture en Égypte de Taha Hussein, qui fut une œuvre majeure sur le nationalisme égyptien, ou encore les œuvres de Nawal el Saadawi qui milita pour les droits des femmes.

Photo : Taha Hussein est un romancier, essayiste et critique littéraire égyptien né le 14 novembre 1889 et mort le 28 octobre 1973. Surnommé le doyen de la littérature arabe, c'est un des plus importants penseurs arabes du XXe siècle.

Al-Loufok

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