Saïd Bahmed, un jeune p’tit gars du pays bisontin, s’était évadé alors qu’il arrivait tribunal de Besançon le 27 juin. Il avait vu une porte, et quoique menotté, il s’était carapaté et avait faussé compagnie à l’escorte.
Une fois à la maison, il a publié une vidéo cocasse, intitulée avec à propos : « La liberté n’a pas de prix ». Un buzz de 500 000 passages sur Internet. Les flics ont retrouvé sa trace – il était dans son quartier – et il s’est retrouvé devant le tribunal correctionnel de Besançon pour délit d’évasion. Résultat des courses : un an dont trois mois avec sursis.
Rien de sévère dans ce jugement. La loi est la loi, la condamnation n’est légalement pas contestable, et les juges n’ont pas eu la main lourde. Alors, respectons la loi, mais discutons. La loi doit-elle sanctionner pénalement de tels faits ?
« La liberté n’a pas de prix » : notre ami Saïd a intellectuellement raison et juridiquement tort, ce qui n’est pas un sort enviable. Si l’évasion est accompagnée de violences, par exemple en bousculant un gardien, ou d’atteinte au bien, genre scier un barreau de la prison, alors l’infraction pénale est incontestable. Aucune violence n’est tolérable. Mais quid pour celui qui s’évade simplement et joyeusement…
Examinons la scène, telle que la presse la rapporte. Le fourgon entre dans l’enceinte du palais de justice. Les flics font sortir les détenus. L’un d’eux voit que la porte du garage est entrain de se rabattre, mais qu’il reste jute une place pour lui. Il fonce sur quelques mètres, se glisse sous la porte, et celle-ci se referme juste derrière lui : la loi peut-elle lui reprocher d’avoir fait, sans cause de tort à quiconque, usage du plus fondamental des droits, la liberté ?
Pendant très longtemps, la réponse était non. Le législateur refusait de condamner une personne au motif qu’elle aimait la liberté. Jeanne d’Arc, l’avait plaidé lors de son procès : « Il est vrai que j’ai voulu m’évader et le voudrais encore, ainsi qu’il est licite à tout détenu ou prisonnier de s’évader ».
Le législateur n’avait pas résisté à Jeanne d’Arc et l’article 434-27 du Code pénal n’incriminait l’évasion que si elle était accompagnée de violence, effraction ou corruption. Le 5 mai 1998 encore, la Cour de cassation (N° 97-85271) refusait de condamner un détenu qui s’était évadé par ruse : « Il résulte de la combinaison des art. 132-73 et 434-27 du Code pénal que le délit d’évasion par effraction n’est constitué que lorsque le détenu, gardé dans un endroit clos, brise le dispositif de fermeture qui fait obstacle à sa fuite… une simple ruse est exclusive du délit poursuivi ».
Hélas, la loi du 9 mars 2004 est passée par là et désormais le seul fait de se soustraire à la garde constitue un délit pénal. C’est dire qu’on demande au détenu de renoncer au premier mot de la devise nationale. Si la porte de la prison est ouverte, et que les gardiens sont en grève, le détenu doit rester sagement dans sa prison.
Je suis prêt à croire que cette loi répressive rencontre un très grand consensus. Je vais demander à François Hollande d’ajouter dans son programme l’abrogation de ce texte qui combat l’idée même de liberté, mais, franchement, je ne suis pas sûr de le convaincre. Que nous reste-t-il… Jeanne d’Arc, si tu m’entends, reviens !
Gilles Devers, avocat.
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