vendredi 26 août 2011

Israël doit sortir de la légende pour passer au réel

Germain Latour

On parlera d’Israël en dehors du conflit israélo-arabe quand cet État acceptera de sortir de la légende pour tenir son rang dans l’histoire des Nations.

Pour répondre à M. Marek Halter (Le Monde 19/08/11) qu’il soit permis de rappeler (d’appeler à la lecture) et prendre appui sur l’ouvrage de Sylvain Cypel : les Emmurés, la société israélienne dans l’impasse, Paris, La Découverte, 2005.
On parlera d’Israël en dehors du conflit israélo-arabe quand cet État acceptera de sortir de la légende pour tenir son rang dans l’histoire des Nations. Et l’on sait de tout temps que les légendes nourrissent les impostures ; et donc pour parler, enfin, "autrement" d’Israël il faut que ce dernier accepte de mettre un terme à trois impostures majeures qui empoisonnent sa propre existence : une imposture historique, une imposture nationale et une imposture politique.

Au regard de l’Histoire, il convient de rappeler que la résolution 181 de l’ONU, dès le 29 novembre 1947, recommandait un plan de partage de la Palestine en deux États indépendants, l’un "arabe" et l’autre "juif". Dès l‘origine, dans l’esprit de ceux qui ont voulu et contribué à la création de l’État d’Israël, ce dernier devait s’inscrire au côté d’un "État arabe" à naître qui ne s’écrivait pas encore "palestinien". En aucun cas, la résolution de l‘ONU n’était une décision octroyant un droit à l’existence d’un État juif envers et contre tous. Au mépris insolent de la lettre et de l’esprit de la résolution 181, Israël s’est octroyé dès le départ et d’autorité les terres des "absents" soit environ 60% de son propre territoire, avant de procéder dès juillet 1948 ( !) à l’expulsion de 82% des Palestiniens vivant sur les territoires dévolus à ces derniers par l’ONU mais convoités avant d’être "annexés" par Israël. À l’expulsion s’ajouteront les destructions physiques de 400 sur 500 villages palestiniens. Il fallait une terre "nettoyée" de son passé pour accréditer la légende d’une terre "neuve" originelle. Les accords d’Oslo n’étaient donc qu’une mise en conformité du droit et des faits, dont les gouvernements israéliens successifs depuis l’assassinat de Itzhak Rabin n’ont eu de cesse de parjurer la signature et de remettre en question ce qui était acquis ou accessible...on est toujours trahi (et ici,en outre, tué) par les siens. Voilà pour l’imposture historique.

L’imposture nationale est tout entière contenue dans le fait que l’histoire nationale d’Israël occulte ces faits, et a donc créé et alimenté la "légende" de l’agression "arabe" pour justifier une politique continuelle de conquête de territoires au nom d’une légitime défense pervertie. Cette tromperie délibérée du peuple israélien a conduit ce même peuple à accepter de consentir des sacrifices humains, politiques et financiers hors de proportions avec ce que le droit à l’existence exigeait. Israël n’était pas menacé mais bien menaçant, provoquant l’hostilité régionale dont il se proclamait néanmoins haut et fort la victime. Au fond personne ne contestait les frontières d’origine de l’État d’Israël sinon Israël lui-même, et Sylvain Cypel rappelle judicieusement les propos tenus par Ben Gourion dès 1948 sur cette question : "(..) Nous nous emparerons de la Galilée occidentale et des deux côtés de la route vers Jérusalem (alloués par le plan onusien de 1947 à la future Palestine) et tout ça deviendra partie de notre État, si l’on en a la force. Alors pourquoi s’engager (sur des frontières) ?". Les cartes reproduites se passent de commentaires et disent presque tout du torpillage délibéré du processus de paix par Israël.

Enfin, les responsables israéliens ont pris la responsabilité d’inscrire dans les mentalités une culture d’apartheid. Or cette culture ne discrimine plus désormais seulement les Arabes, mais désormais les juifs entre eux, au sein même de la société civile. Les vagues successives de "nouveaux" arrivants sont de moins en moins intégrés, parfois leur venue a été parfaitement instrumentalisée notamment aux fins de colonisation des territoires occupés, qui demeuraient insuffisamment habités pour légitimer une occupation militaire. Le mouvement "d’indignés" qui réveille la société civile israélienne aujourd’hui est la manifestation citoyenne d’une saturation face à des inégalités croissantes, à des fossés sociaux qu’Israël creuse en son sein, derniers avatars de cette culture d’apartheid qui n’est au fond qu’une perversion du sionisme fondateur...soit une imposture politique que ne veut plus subir (taire ?) le peuple israélien.

Les faits étant, par nature, têtus, les hommes obstinés par nécessité et l’avenir compté, il faut que cesse cette intolérable soumission à un "particularisme" d’Israël, violation des fondements des Nations Unies, ceux de l’égalité et de la fraternité nécessaire des peuples. L’Autorité palestinienne a fixé un rendez-vous de paix au monde le 20 septembre prochain devant l’ONU, et il serait temps qu’Israël (pour lui-même) saisisse, à cette occasion, le destin qui ne lui est pas contesté : celui de vivre sur une terre faite d’histoire et non plus de légendes, faite par des hommes et non des bourreaux et des victimes, faite pour durer et non seulement résister. À cette seule condition, M. Marek Halter un "Israël juste" sera non plus un rêve – il faut en finir avec la légende - mais un fait en devenir.

Germain Latour, avocat

http://www.lemonde.fr/idees/article...

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