À la Une de notre Kiosque, cette interview de l’alter-économiste Frédéric Lordon dans Marianne, en forme d’implacable réquisitoire : dans la logique même des entreprises d’aujourd’hui, la Bourse est une aberration :
1) les entreprises vont moins s’approvisionner en capital à la Bourse qu’elles n’y vont s’en faire dépouiller, puisque ce que les actionnaires leur extorquent (en dividendes et en rachat d’actions) finit par l’emporter sur ce qu’ils leur apportent, de sorte que ce n’est plus la Bourse qui finance les entreprises mais les entreprises qui financent la Bourse ;
2) la contrainte actionnariale censure une part de plus en plus importante de l’investissement en écartant les projets jugés insuffisamment rentables (et l’« insuffisance » commence à 10% voire 15%…), par conséquent la Bourse est un frein au développement économique ;
3) les entreprises sont soumises par l’actionnaire à des contraintes de gestion (modes managériales successives, court-termisme…) incompatibles avec la conduite de moyen-long terme de projets industriels ;
4) et le comble du paradoxe est atteint lorsque les actionnaires finalement découragent eux-mêmes le financement par action puisque les nouvelles émissions ont des propriétés dilutives… »
Conclusion de Lordon : « Les appels à la modération qui ont pour nom « moralisation du capitalisme » sont d’une indigence qui partage entre le rire et les larmes. L’emprise acquise sur les firmes par le capital actionnarial au travers de la configuration présente du capitalisme est un fléau que l’on ne réduira que par les mêmes moyens qui l’ont imposé : une transformation radicale de structures. (…) c’est bel et bien la fermeture de la Bourse que je prône ! (…)
Puis on entre dans le roboratif avec le SLAM (Shareholder Limited Authorized Margin) qui est un impôt non pas sur les profits d’entreprise (comme on le lit parfois) mais sur la rentabilité actionnariale, et qui plus est un impôt de plafonnement : c’est-à-dire qui prend tout au-delà d’un certain seuil maximal autorisé de rentabilité, le but de la manœuvre étant de cisailler les incitations actionnariales à pressurer toujours davantage les entreprises puisque tout ce qu’elles leur feront cracher en plus pour les actionnaires leur sera confisqué. Le plat de résistance bien sûr, c’est la fermeture de la Bourse elle-même. »
Pour finir l’interview, le journaliste l’interroge à propos de la « gauche de gouvernement ». Nous vous laissons découvrir l’amusante réponse de l’économiste.
Plume de Presse
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