dimanche 7 août 2011

Moubarak : Un bon procès, mais de tous les dangers

Gilles Devers

Encore une fois, l’Égypte est au top. L’ouverture du procès Moubarak est une excellente chose, même si ce procès, comme tous ceux des dictateurs, est une aventure.

Je suis prêt à croire que tous les critères adorés de la jurisprudence sur l’article 6-1 de la Convention européenne des droits de l’homme – c’est la référence mondiale – ne seront peut-être pas tous atteints…

Je veux bien imaginer aussi que l’ouverture du procès n’aurait pas eu lieu sans le feu vert de l’armée, qui joue la stabilité dans le pays, alors qu’un report du procès ou une non-comparution de Moubarak aurait rempli la Place Tahrir et brouillé durablement le message entre la société civile et l’armée.

Il est tout aussi certain que ce procès a été construit à la hâte, et que vu l’ampleur des questions posées, l’avancée, avec des audiences retranscrites en direct, s’annonce périlleuse.

Quid quand les juges devront marquer les limites du crime et da la corruption, dans un régime qui ne vivait que de ça ?

Mais que pouvait proposer d’autre le pouvoir égyptien ? C’est de tous les temps : le premier défi que laissent les dictateurs, c’est leur jugement. Le cadeau empoisonné total, et personne n’a jamais su le résoudre.

Ils ont su éviter la facilité du procès renvoyé à une cour internationale, comme pour Charles Taylor, du procès externalisé genre Hissène Habré, ou du procès interne marionnetté par une puissance étrangère, comme pour Saddam Hussein.

L’Egypte va assurer le procès, ce qui n’est pas une sinécure quand la justice a été façonnée par des décennies de soumission. Mais, les Egyptiens savent très bien tout cela, et l’essentiel est que la comparution en justice ait lieu. Une pensée pour la crapule Pinochet.

La justice penche du côté de l’ordre, et surtout de l’armée. Oui, mais c’est l’armée qui tient le pouvoir et c’est son chef qu’elle envoie devant les juges ! Ce n’est pas rien, et pour tous les dictateurs, nombreux variés et avariés, ça doit quand même faire une soirée bizarre…

Le procès sera sans doute loin des standards de ce que doit être la justice. Sans doute.

Mais les Égyptiens font déjà mieux que les Roumains pour Ceausescu. Et mieux que la France l’avait fait pour nos deux grands traitres nationaux.

Pétain a été jugé en 1945 et au cours de son procès, n’ont été évoqué ni le statut des Juifs, ni les 80 000 déportés livrés à Hitler… Laval a eu droit à une caricature de procès, et alors qu’il s’était suicidé en absorbant du cyanure la veille de l’exécution, on lui a imposé un lavage d’estomac et une réanimation suffisante pour pouvoir le fusiller.

Les Égyptiens s’en sortiront mieux. Je leur souhaite que ce procès n’ajoute rien aux crises qui couvent après la Révolution, mais question justice, je ne critiquerai pas parce qu’ils jugent au milieu des décombres d’une dictature.

Ils ont collé le Rais dans un box, derrière la grille. Le bienfait va très au delà de l'Égypte. Qu’ils trouvent une solution correcte, et passent vite à autre chose.

Gilles Devers

Actualités du Droit

Aucun commentaire: