lundi 29 août 2011

« Plan anti-déficits » à la mode Fillon-Sarkozy : la grande manipulation antisociale

Olivier Bonnet

« Sous prétexte de dépassement d’un prétendu seuil de tolérance sur la dette, la France renonce à sa souveraineté face aux marchés financiers », constate lucidement Jean-Luc Mélenchon, le candidat du Front de gauche à la prochaine présidentielle.

L’analyse est corroborée et développée par le journaliste de Mediapart Laurent Mauduit : « Dans un récent parti pris (lire Contre la dictature financière, la révolte nécessaire), Edwy Plenel rappelait ainsi les sorties tonitruantes de Nicolas Sarkozy contre la dictature exercée par les marchés, et notamment celles proférées à l’occasion d’un discours remarqué à Toulon, le 25 septembre 2008, au plus fort de la tempête financière : «L’idée de la toute-puissance du marché qui ne devait être contrariée par aucune règle, par aucune intervention politique, cette idée de la toute-puissance du marché était une idée folle.» Des mois durant, inlassablement, Nicolas Sarkozy a donc cherché à duper l’opinion, s’appliquant à démontrer qu’il ne céderait pas aux diktats des marchés, qu’il ferait preuve de volontarisme. Et puis voilà que le révolutionnaire d’opérette est obligé de tomber le masque : ce sont les marchés financiers qui désormais décident de la politique économique et sociale française. Car tout est là ! Si le gouvernement a pris la décision de mettre en œuvre ce nouveau plan d’austérité, c’est pour caresser dans le sens du poil les agences de notation, de sorte qu’elles ne dégradent pas la France et que celle-ci garde la meilleure des notes : «AAA». François Fillon y a fait clairement référence lors de sa conférence de presse. » On aime bien le « révolutionnaire d’opérette », ça va comme un gant à notre matamore au petit pied. Soumission servile « aux marchés », la cause est entendue. Mais pour quel résultat ?

Suivons notre fil rouge avec le candidat qui nous semble plus que jamais incarner la meilleure alternative au sarkozysme : la réaction de Mélenchon au plan d’économies budgétaires annoncé par François Fillon est implacable : « la politique d’austérité qui vient d’être décrétée, étranglant le budget de l’Etat et des collectivités territoriales est un contre-sens dramatique qui va approfondir la récession économique et donc creuser les déficits. Elle creusera les inégalités sociales. » Explication très pédagogue en trois points chez Eco89 : « les difficultés budgétaires viennent d’une faible croissance (moins de recettes fiscales, plus de dépenses sociales) ; si vous coupez les dépenses ou si vous relevez les impôts, vous grevez le pouvoir d’achat, et donc vous contribuez à anémier cette croissance faiblarde ; du même coup, vous aggravez les déséquilibres budgétaires en voulant les combattre… » Voilà qui est dit : au niveau économique, le plan du Premier ministre est contre-productif, si bien qu’il va encore venir aggraver une situation de plus en plus intenable pour nos concitoyens modestes, précipités toujours plus nombreux dans la précarité, le chômage et la misère. Philippe Frémeaux, directeur de la rédaction d’Alternatives économiques, détaille les mesures infligées à tous les Français, sans distinction de revenus donc foncièrement injustes, car pesant plus lourd pour ceux qui tirent déjà la langue. Son article porte un titre explicite, Une rigueur bien mal répartie : « la hausse des taxes sur les complémentaires santé – qui frappent surtout les contrats solidaires – doit rapporter 1,1 milliards d’euros, qui vont être payés par tous les ménages via les cotisations à leur mutuelle. De même, la suppression ou réduction des dérogations en matière de CSG, pour 1,1 milliards d’euros, va réduire les sommes perçues de la Sécurité sociale par les personnes en congé parental, qui comptent rarement parmi les très riches ! Quant à la hausse du forfait social sur l’intéressement et la participation de 6% à 8%, elle va frapper tous les salariés qui en bénéficient et rapportera 400 millions d’euros, deux foix ce qu’il est demandé aux plus riches. Enfin, l’alourdissement de la fiscalité sur le tabac, l’alcool et les boissons sucrées – pour un milliard d’euros – frappe là encore plus fortement les ménages modestes. » Un point lui a échappé, mis en lumière par @rrêt sur images : « une mesure touchant tous les salariés sans distinction de revenus est largement passée à la trappe médiatique. Invité de notre émission de la semaine, le journaliste de La Tribune Ivan Best explique que le plan prévoit également une hausse déguisée de la CSG, pour tous les salariés. Avec à la clé près de 600 millions d’euros supplémentaires pour réduire le déficit. Une mesure qui rapportera donc presque trois fois plus que la future taxe hyper-médiatisée des super-riches. »

Le bal des faux culs

« Des mesures «courageuses et justes » pour Copé, cite Le Parisien. Le secrétaire général de l’UMP a salué mercredi le « discours de vérité » de François Fillon, qui a annoncé, « sous l’impulsion » de Nicolas Sarkozy, des mesures d’austérité « courageuses, responsables et justes ». Il faut dire qu’il s’y connaît notre Jean-François Copé, en courage et en justice, lui qui est l’auteur de l’amendement ayant abouti à la création de la « niche Copé », ainsi décrite par ce brûlot gauchiste qu’est Le Figaro : « Depuis 2007, les sociétés ne payent plus d’impôt sur les plus-values lors de la vente de leurs filiales, à condition de les avoir détenues au moins deux ans. Or, cette exonération - aussi appelée «niche Copé» du nom du ministre du Budget de l’époque - a généré un manque à gagner pour l’État de 3,4 milliards en 2007, 12,5 milliards en 2008 et 6,1 milliards en 2009, selon les chiffres de Bercy. Et c’est uniquement la crise qui a fait baisser la note l’an passé, les entreprises ne voulant pas céder à perte des participations. «Avec une telle mesure, l’État subventionne des grandes entreprises qui n’en ont pas besoin. 22 milliards en trois ans, c’est insensé !», s’insurge Jérôme Cahuzac, le président PS de la commission des Finances de l’Assemblée qui a repris le combat lancé par son prédécesseur Didier Migaud contre la niche Copé. » Vous avez bien lu : 22 milliards pour les grandes entreprises quand, avec son plan, Fillon veut économiser 12 milliards… Un Premier ministre qui se drape dans la tunique immaculée de la justice en taxant les super-riches – de façon « exceptionnelle », il va sans dire : « C’est une mesure de solidarité. Il y a une situation difficile, tout le monde doit faire des efforts… Il faut pour que tout le monde accepte cet effort, que les plus riches soient mis à contribution », ose-t-il. Réponse cinglante du porte-parole socialiste, Benoît Hamon : « parmi les mesures qu’il propose, la taxe sur les hauts revenus est emblématique de son cynisme puisqu’elle ne rapportera à l’État que 200 millions d’euros en 2012, quand le chèque fait aux plus riches avec la réforme de l’impôt sur la fortune est de 1,8 milliard d’euros. »

Même indignation chez le directeur d’études à l’École des hautes études en sciences sociales (EHESS) et professeur à l’École d’économie de Paris, Thomas Piketty : « tout cela me paraît totalement absurde. Quelques mois après avoir perdu 2 milliards d’euros d’argent public au bénéfice des contribuables de l’impôt sur la fortune, pourquoi inventer une contribution de 3 % pour récupérer 200 millions d’euros, soit dix fois moins que l’argent qu’on vient de dilapider ? Soyons clair : d’après les propres chiffrages du gouvernement, la réforme de l’impôt sur la fortune décidée avant l’été va faire passer ses recettes d’un peu plus de 4 milliards d’euros à moins de 2 milliards d’euros. Le degré d’irresponsabilité budgétaire de ce gouvernement est flagrant alors que la situation des finances publiques est grave. » L’insupportable hypocrisie des Copé, Fillon et Sarkozy fait écho à celle des fameux super riches français réclamant d’être davantage taxés, dénoncée par l’ami Guillaume Duval, rédacteur en chef d’Alternatives économiques, sous le titre explicite du Bal des faux-culs : « L’initiative de Warren Buffett a eu un grand retentissement dans le monde entier. Et la situation française est tout à fait similaire à celle qu’il décrit : l’Insee avait montré l’an dernier que parmi les 5 800 français les plus riches qui avaient gagné chacun en moyenne 1 270 000 euros en 2007, plus de la moitié avaient payé moins de 25% d’impôts sur le revenu et même un sur quatre moins de 15%. L’appel des 16 super riches français faisait suite à une initiative de Maurice Lévy, le patron de Publicis et le président de l’AFEP, le lobby des très grandes entreprises françaises. Ce grand spécialiste de la com’ s’est dit que, après les dégâts causés par leurs indigestions de stock options et autres parachutes dorés, l’occasion était bonne de redorer le blason de ses collègues grands patrons en surfant sur la vague de sympathie suscitée par l’appel de Warren Buffett. Simplement il y a tromperie complète sur la marchandise : là où l’original se prononçait en faveur d’un rééquilibrage durable du système fiscal américain avec un retour aux taux d’imposition très élevés des années 1960, les Français se contentaient de se prononcer en faveur d’une « contribution exceptionnelle », qui comme son nom l’indique n’a donc aucune vocation à perdurer… »

« Notre pays ne peut pas vivre éternellement au-dessus de ses moyens » , prétend Fillon, avec la clique des libéraux. Or ce sont les mêmes qui organisent sciemment et de longue date la faillite de l’Etat, comme nous le dénonçons sans cesse. « Il suffit de prendre l’argent là où il est ! », leur répond Jean-Luc Mélenchon. Pourquoi citer à nouveau le candidat du Front de gauche ? C’est que les « socialistes » assument les engagements européens d’un déficit public ramené à 3% de PIB dès 2013 ! Rien à espérer d’eux par conséquent pour lutter contre la dictature de la finance contre les peuples : c’est le constat lucide du philosophe, pourtant libéral, Gaspard Koenig : « Ce que le PS propose, ce n’est pas un programme électoral, c’est un compte-rendu de conseil des ministres. Un liste de gentilles petites réformes, rédigées par des technocrates bien mis, et qui pourraient peu ou prou émaner du présent gouvernement. Rien n’est supprimé, rien n’est créé, rien n’est réinventé. Faire de la réforme du taux d’imposition sur les sociétés une priorité politique illustre suffisamment le degré d’ambition de ceux qui prétendent « changer de civilisation ». Les électeurs ne s’y trompent pas. Absente pendant dix ans du gouvernement et défaite à trois élections présidentielles successives, la gauche devrait être, par le jeu naturel de l’alternance et l’usure du pouvoir en place, au pinacle des intentions de vote. Les élections de 2012 devraient être jouées d’avance, comme ce fut le cas en Angleterre après dix ans de New Labour. Force est de constater que l’incurie de l’équipe socialiste actuelle rend difficile pour les foules de s’enthousiasmer. L’incurie, une déclinaison du care ? Je me suis donc mis en quête, non pas de « l’autre gauche », mais de la gauche originale, dont le PS a dévié en une sorte de congrès de Tours inversé. J’ai visionné une centaine d’heures d’émissions avec Jean-Luc Mélenchon. J’ai lu son programme, disponible sur le site du Front de gauche. (…) Et j’ai découvert, à ma grande surprise, un homme qui sait lire, qui sait parler et qui sait penser. Qui sait lire. À la différence de ses collègues, Mélenchon ne se contente pas d’apprendre par coeur les fiches préparées par ses conseillers. Il est capable de citer aussi bien les études babouvistes, les analyses de François Furet ou les annexes du dernier livre d’Attali. Il n’hésite d’ailleurs pas à s’entourer, lors des débats, d’exemplaires annotés, post-ités, torturés, où il va chercher un chiffre ou un raisonnement. Sa « connaissance des dossiers », comme disent les journalistes avec un léger mépris, égale celle des ministres. Ce n’est ni un lettré aigre comme Bayrou, ni un collégien ampoulé comme Villepin. C’est un vrai intellectuel de combat comme la IIIè République savait en produire. Qui sait parler. La superbe dialectique mélenchonienne, produit de la solide et inégalée formation trotskiste, capable de retourner n’importe quel argument avec le sourire, ne serait rien sans son phrasé gouailleur, subtile combinaison d’accent pied-noir refoulé et de l’argot d’Arletty. Un homme capable d’utiliser le mot « s’esbigner » à la télévision publique ne peut être foncièrement mauvais. Exploit encore plus rare, Mélenchon ne parle pas tout seul. Il dialogue. Regardez le débat entre Marine Le Pen et Laurent Joffrin ; prenez la même contre Mélenchon. D’un côté, des gloussements hystériques sur les valeurs républicaines. De l’autre, des réponses point par point au programme économique du FN, que Mélenchon semble d’ailleurs connaître mieux que sa signataire. Mélenchon n’est pas seulement un tribun, c’est un admirable raisonneur. Qui sait penser. Mélenchon connaît la réalité sociale de l’intérieur, ayant toujours conservé, à travers – ou malgré – sa carrière parlementaire et ministérielle, un contact intime avec la base, ses luttes, ses égarements, ses intuitions.

Son constat a le courage de la simplicité : il y a quelque chose de pourri dans la République de France. Ces élites entremêlées et consensuelles sentent la fin de race. Le système économique et fiscal est déréglé. Les institutions de la Vè République sont devenues au mieux des dortoirs, le plus souvent des hospices. Autant rebattre les cartes, comme la France a toujours su si bien le faire, et convoquer une Assemblée Constituante. Mélenchon, présidons !

Plume de Presse

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