Il y a une dizaine d'années, une commission d'enquête parlementaire dressait un constat accablant de la situation des prisons françaises : " Une humiliation pour la République ", concluait son rapport, resté dans les annales. En juin 2009, à nouveau, le président de la République avait solennellement sonné l'alarme : notre situation pénitentiaire est " une honte pour la République ", avait déclaré Nicolas Sarkozy devant le Congrès.
Il faut croire que la France s'habitue à cette humiliation et que ses pouvoirs publics ne rougissent plus de cette honte. Au 1er juillet, en effet, 73 320 personnes étaient placées sous écrou dans notre pays. Le chiffre - en augmentation de 50 % en dix ans - est un record absolu dans l'histoire de la pénitentiaire.
Le nombre de personnes sous écrou ne se confond pas avec celui des détenus ; 18 % des condamnés bénéficient d'un aménagement de peine, comme le bracelet électronique. Reste que près de 65 000 personnes sont incarcérées en France, dans des conditions trop souvent indignes.
Certes, des efforts budgétaires ont été consentis par les gouvernements successifs et les plus vieux établissements, construits avant 1900, vont être progressivement fermés. La chancellerie table sur 70 000 places en 2018, contre 56 000 aujourd'hui. Mais le programme immobilier ne résoudra rien : le nombre de personnes sous écrou a augmenté de près de 7 % cette année, et la surpopulation carcérale est endémique.
La cause de cette inflation pénitentiaire est simple : on emprisonne chaque jour davantage, et pour les délits de moins en moins graves. À cet égard, la responsabilité de l'actuel pouvoir exécutif, et en particulier du chef de l'État, est lourde. L'empilement de lois alourdissant les peines, la dénonciation incessante du prétendu " laxisme " des juges, la pression constante exercée sur les parquets banalisent de plus en plus l'emprisonnement.
L'affaire de Pornic a, incontestablement, marqué un tournant. Après le meurtre affreux de la jeune Laëtitia en janvier, Nicolas Sarkozy avait vivement mis en cause les magistrats et les fonctionnaires d'insertion qui, faute de moyens, n'avaient pas assuré le suivi de celui qui est devenu son assassin. Les multiples enquêtes sur les magistrats de Nantes n'ont pas donné grand-chose, mais le message est passé. Les mises à exécution de peines d'un an à moins de trois ans ont augmenté de 50 % : dans le doute, les juges envoient désormais les petits délinquants en prison, où la situation était déjà intenable.
Il faut donc relever le courage du procureur de Dunkerque qui a osé demander, récemment, la suspension des écrous pour les délits les moins graves pendant le mois d'août, avant d'être rappelé à l'ordre par la chancellerie.
" On nous dit que les prisons sont surpeuplées, écrivait Michel Foucault en 1971. Mais si c'était la population qui était suremprisonnée ? " La question est plus pertinente que jamais : il y avait, à l'époque, 29 500 personnes en prison ; elles sont aujourd'hui plus du double.
Le Monde
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